N° 3877
Conflit sur renvoi du tribunal administratif de Rennes
Mme X... c/ Ministère du Budget
Mme Marie-Hélène Mitjavile Rapporteur
M. Didier Boccon-Gibod Commissaire du gouvernement
Séance du 17 décembre 2012 Lecture du 17 décembre 2012
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition du jugement en date du 22 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence relative à la demande formée par Mme X... et tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 300. 000 euros, avec intérêts de droit, en réparation du préjudice que lui a causé le retard mis par la brigade de surveillance extérieure des douanes de Brest à prendre les mesures propres à éviter la dégradation de son état de santé lors de la retenue dont elle a fait l'objet le 25 janvier 2005, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale relative au préjudice qu'elle a subi ;
Vu le jugement du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal correctionnel de Rennes s'est déclaré incompétent pour connaître du litige ;
Vu le mémoire présenté pour Mme X..., qui conclut à ce que les juridictions de l'ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître du litige par les motifs que la seule circonstance que la condamnation pénale d'un agent de l'administration, comme en l'espèce, ne suffit pas à fonder la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que, de même, la circonstance que le fait que l'opération à l'occasion de laquelle elle a été arbitrairement privée de liberté serait une opération de police judiciaire est sans conséquence sur l'ordre juridictionnel compétent pour connaître de sa demande ; qu'en effet, le juge compétent pour connaître de la responsabilité du service des douanes est déterminé par la loi ; qu'en application des dispositions combinées des articles 357 bis et 401 du code des douanes, les juridictions judiciaires ne sont compétentes que pour connaître des contestations concernant les opérations de paiement, de garanties ou de remboursement de créances recouvrées par le service des douanes et des agissements fautifs des agents des douanes se rattachant à ses opérations, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que les fautes invoquées ne sont pas détachables du service ;
Vu le mémoire présenté pour le ministre de l'économie et des finances (direction générale des douanes et des droits indirects), qui conclut à ce que les juridictions de l'ordre judiciaire soient déclarées compétentes pour connaître du litige par les motifs que le litige porte sur un dommage survenu à l'occasion d'opérations de police judiciaire destinées à constater des infractions au code des douanes ; que le caractère détachable ou non du service des fautes invoquées est sans incidence sur la détermination de la juridiction compétente ;
Vu le nouveau mémoire présenté pour Mme X..., qui conclut à la compétence de la juridiction administrative pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son précédent mémoire et par les motifs que l'opération menée par les agents du service des douanes de Brest le 25 janvier 2005, qui n'avait pas pour objet de constater ou de rechercher les auteurs d'une infraction à la loi pénale, n'était pas effectuée par des officiers de police judiciaire et ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une constatation faite en application de l'article 323 du code des douanes, n'était pas, en tout état de cause, une opération de police judiciaire ;
Vu le nouveau mémoire présenté pour le ministre de l'économie et des finances (direction générale des douanes et des droits indirects), qui conclut à la compétence de la juridiction judiciaire pour les mêmes motifs que ceux exposés dans son précédent mémoire et par les motifs que l'opération en cause avait bien pour objet la constatation et la recherche des auteurs d'une infraction à la loi pénale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu le code des douanes ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Hélène Mitjavile, membre du Tribunal,- les observations de la SCP Waquet-Farge-Hazan pour Mme X...,- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton pour le ministère du budget,- les conclusions de M. Didier Boccon-Gibod, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les agissements de fonctionnaires des douanes commis lors de la constatation d'infractions au code des douanes et de la recherche de leurs auteurs relèvent de l'exercice de la police judiciaire ; que les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les fonctionnaires des douanes dans de telles circonstances, et sans même qu'il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute personnelle détachable du service, relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires ;
Considérant que Mme X... demande réparation à l'Etat des préjudices causés par le retard mis par les agents de la brigade de surveillance extérieure des douanes de Brest à prendre les mesures propres à éviter la dégradation de son état de santé à la suite de l'accident dont elle a été victime alors qu'elle était retenue pour avoir détenu et fait circuler des marchandises prohibées en violation de l'article 215 du code des douanes ; que ce litige met en cause des agissements de fonctionnaires des douanes lors de la constatation d'infractions au code des douanes et de la recherche de leurs auteurs ; qu'il relève, par suite, de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Considérant qu'il en résulte que les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître du litige opposant Mme X... au ministre chargé du budget ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige qui oppose Mme X... au ministre chargé du budget.
Article 2 : Le jugement du tribunal correctionnel de Rennes en date du 15 juillet 2010 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il décline la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige mentionné à l'article 1er. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ce tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.