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12/12/2011 | FRANCE | N°C3816

France | France, Tribunal des conflits, 12 décembre 2011, C3816


Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 mars 2011, l'expédition de la décision du 25 février 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy ayant annulé l'acte de cession de la parcelle sise à Riedisheim cadastrée actuellement AV 207 intervenu le 26 juin 1973 entre le directeur départemental des impôts du Haut Rhin et les époux A, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la compétence ;

Vu le jugement du 29 juin 2001 par lequel le tribunal

de grande instance de Mulhouse s'est déclaré incompétent pour connaîtr...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 mars 2011, l'expédition de la décision du 25 février 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy ayant annulé l'acte de cession de la parcelle sise à Riedisheim cadastrée actuellement AV 207 intervenu le 26 juin 1973 entre le directeur départemental des impôts du Haut Rhin et les époux A, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la compétence ;

Vu le jugement du 29 juin 2001 par lequel le tribunal de grande instance de Mulhouse s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistrées le 28 avril 2011, les observations présentées par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant à ce que le Tribunal désigne la juridiction judiciaire pour connaître du litige, au motif que l'annulation de l'acte de cession demandée par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative ;

Vu, enregistrées le 16 juin 2011, les observations présentées pour la société nationale des chemins de fer français (SNCF) tendant à ce que le Tribunal désigne la juridiction administrative pour connaître du litige, au motif que le bien immobilier objet de l'acte du 26 juin 1973 appartenait au domaine public ;

Vu, enregistrées le 2 novembre 2011, les observations présentées par les époux A, tendant à ce que le Tribunal désigne la juridiction judiciaire pour connaître du litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu l'ordonnance du 15 septembre 1944, rétablissant la légalité républicaine ;

Vu l'ordonnance du 5 octobre 1944 relative à la déclaration et à la mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis ;

Vu la loi n° 47-520 du 21 mars 1947 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Pécaut-Rivolier, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Peignot-Garreau, pour M. et Mme A,

- les observations de la SCP Odent-Poulet, pour la Société des chemins de fer français,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 5 octobre 1944 ci-dessus visée : " sans préjudice des dispositions en vigueur concernant la réquisition et la répartition des produits, les biens, droits et intérêts ennemis seront mis sous séquestre à la requête du ministère public par ordonnance du président du tribunal civil et confiés à l'administration de l'enregistrement, des domaines et du timbre, dans les formes et conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires applicables en matière de séquestre d'intérêt général " ; qu'aux termes de l'article 8 de cette ordonnance : " la mise sous séquestre des biens entraîne dessaisissement du propriétaire ou détenteur " ; qu'aux termes de l'article 9 de la même ordonnance : " la mission de séquestre est conservatoire " ; qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 21 mars 1947 : " pour l'exécution de l'accord du 14 janvier 1946, concernant les réparations à recevoir de l'Allemagne, il est procédé par l'administration des domaines à la liquidation des biens, droits et intérêts allemands " ; qu'aux termes de l'article 31 de cette loi : " l'aliénation des avoirs allemands soumis aux mesures de liquidation sera effectuée par l'administration de l'enregistrement, des domaines et du timbre, dans les conditions prévues pour les ventes des biens domaniaux " ; que l'article 33 de cette même loi a prévu que : " l'État pourra, à tout moment, se rendre acquéreur des biens mobiliers et immobiliers mis en liquidation " ;

Considérant que le 15 août 1942, le "Deutsches Reich" a acquis au profit de la "Deutsche Reichseisenbahnvermögen" une parcelle jouxtant une voie ferrée, sise à Riedisheim, et cadastrée actuellement AV207 ; que, par une ordonnance du tribunal civil de première instance de la Seine du 22 novembre 1944, prise en application de l'article 6 de l'ordonnance du 5 octobre 1944 relative à la déclaration et à la mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis, le terrain a été placé sous séquestre de l'administration des domaines ; que, par acte en date du 26 juin 1973, pris en application de l'article 29 de la loi du 21 mars 1947 autorisant l'aliénation des biens allemands placés sous séquestre, la parcelle a été cédée par le directeur départemental des impôts du Haut-Rhin à M. et Mme A ; que la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une action tendant à la nullité de l'acte de cession, comme portant sur un bien appartenant au domaine public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions ci-dessus de l'ordonnance du 5 octobre 1944 que la mise sous séquestre des biens qu'elles visent n'entraîne pas le transfert de la propriété des biens concernés à l'Etat ; que, si l'aliénation de tels biens est réalisée, par la passation de contrats de droit privé, dans les conditions et selon les procédures fixées pour la vente des biens domaniaux, la mise en oeuvre de ces modalités n'a pas pour effet de conférer à ces biens la nature de biens immobiliers de l'Etat ; que, dès lors, la demande de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) tendant à ce que soit prononcée la nullité de l'acte de cession de la parcelle litigieuse ne relève pas de la juridiction administrative, laquelle ne pourrait, le cas échéant, être saisie que par voie de question préjudicielle sur renvoi de la juridiction judiciaire, au cas où celle-ci estimerait que le moyen tiré de l'appartenance de ce bien au domaine public soulève une difficulté sérieuse ;

D E C I D E :

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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) aux époux A.

Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 29 juin 2001, en ce qu'il décline sa compétence pour connaître de ce litige, est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.

Article 3 : La procédure suivie devant le Conseil d'Etat est déclarée nulle et non avenue, à l'exception de la décision rendue le 25 février 2011.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3816
Date de la décision : 12/12/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - APPARTENANCE - AVOIRS ALLEMANDS ALIÉNÉS DANS LES CONDITIONS ET SELON LES PROCÉDURES FIXÉES POUR LA VENTE DE BIENS DOMANIAUX (ORDONNANCE DU 5 OCTOBRE 1944) - ABSENCE - CONSÉQUENCE - 1) COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR PRONONCER LA NULLITÉ DU CONTRAT DE CESSION - 2) COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF UNIQUEMENT POUR CONNAÎTRE - PAR VOIE DE QUESTION PRÉJUDICIELLE - DU MOYEN TIRÉ DE L'APPARTENANCE DU BIEN AU DOMAINE PUBLIC.

17-03-02-02-02 1) Il résulte des dispositions de l'ordonnance du 5 octobre 1944 relative à la déclaration et à la mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis que la mise sous séquestre des biens qu'elle vise n'entraîne pas le transfert de leur propriété à l'Etat et que si leur aliénation est réalisée, par la passation de contrats de droit privé, dans les conditions et selon les procédures fixées pour la vente des biens domaniaux, la mise en oeuvre de ces modalités n'a pas pour effet de conférer à ces biens la nature de biens immobiliers de l'Etat. Dès lors, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de l'acte de cession. 2) La juridiction administrative ne pourrait, le cas échéant, être saisie que par voie de question préjudicielle sur renvoi de la juridiction judiciaire, au cas où celle-ci estimerait que le moyen tiré de l'appartenance de ce bien au domaine public soulève une difficulté sérieuse.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ - CONTRATS RÉALISANT L'ALIÉNATION D'AVOIRS ALLEMANDS RÉGIS PAR L'ORDONNANCE DU 5 OCTOBRE 1944 - SOUMISSION AUX CONDITIONS ET PROCÉDURES FIXÉES POUR LA VENTE DE BIENS DOMANIAUX - CONSÉQUENCE SUR LA QUALIFICATION DES BIENS - ABSENCE - CONSÉQUENCE - 1) COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR PRONONCER LA NULLITÉ DU CONTRAT DE CESSION - 2) COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF UNIQUEMENT POUR CONNAÎTRE - PAR VOIE DE QUESTION PRÉJUDICIELLE - DU MOYEN TIRÉ DE L'APPARTENANCE DU BIEN AU DOMAINE PUBLIC.

17-03-02-03-01 1) Il résulte des dispositions de l'ordonnance du 5 octobre 1944 relative à la déclaration et à la mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis que la mise sous séquestre des biens qu'elle vise n'entraîne pas le transfert de leur propriété à l'Etat et que si leur aliénation est réalisée, par la passation de contrats de droit privé, dans les conditions et selon les procédures fixées pour la vente des biens domaniaux, la mise en oeuvre de ces modalités n'a pas pour effet de conférer à ces biens la nature de biens immobiliers de l'Etat. Dès lors, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la demande tendant à ce que soit prononcée la nullité de l'acte de cession. 2) La juridiction administrative ne pourrait, le cas échéant, être saisie que par voie de question préjudicielle sur renvoi de la juridiction judiciaire, au cas où celle-ci estimerait que le moyen tiré de l'appartenance de ce bien au domaine public soulève une difficulté sérieuse.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - APPARTENANCE - AVOIRS ALLEMANDS ALIÉNÉS DANS LES CONDITIONS ET SELON LES PROCÉDURES FIXÉES POUR LA VENTE DE BIENS DOMANIAUX (ORDONNANCE DU 5 OCTOBRE 1944) - ABSENCE.

24-01 Il résulte des dispositions de l'ordonnance du 5 octobre 1944 relative à la déclaration et à la mise sous séquestre des biens appartenant à des ennemis que la mise sous séquestre des biens qu'elle vise n'entraîne pas le transfert de leur propriété à l'Etat et que si leur aliénation est réalisée, par la passation de contrats de droit privé, dans les conditions et selon les procédures fixées pour la vente des biens domaniaux, la mise en oeuvre de ces modalités n'a pas pour effet de conférer à ces biens la nature de biens immobiliers de l'Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. Gallet
Rapporteur ?: Mme Laurence Pécaut-Rivolier
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2011:C3816
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