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06/06/2011 | FRANCE | N°C3795

France | France, Tribunal des conflits, 06 juin 2011, C3795


Vu, enregistrée à son secrétariat le 7 juillet 2010, l'expédition du jugement du 24 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une requête de M. Rinaldo A tendant à ce que, d'une part, le département de l'Essonne soit condamné à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du signalement de personne en danger relatif à sa mère effectué, le 5 avril 2001, auprès du tribunal d'instance de Palaiseau par les services du département et, d'autre part, à ce que soit mis à la charge dudit département l'obligation de fleurir la

tombe de Mme A, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 7 juillet 2010, l'expédition du jugement du 24 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une requête de M. Rinaldo A tendant à ce que, d'une part, le département de l'Essonne soit condamné à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant du signalement de personne en danger relatif à sa mère effectué, le 5 avril 2001, auprès du tribunal d'instance de Palaiseau par les services du département et, d'autre part, à ce que soit mis à la charge dudit département l'obligation de fleurir la tombe de Mme A, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu l'ordonnance du 13 septembre 2007 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Evry a jugé ce tribunal incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu les observations, enregistrées le 31 septembre 2010, par lesquelles M. A déclare s'en remettre à la sagesse du Tribunal ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au département de l'Essonne qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu le code civil ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Hélène Mitjavile, membre du Tribunal,

- les conclusions de M. Didier Boccon-Gibod, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un accident vasculaire cérébral, Mme A, alors âgée de 95 ans, est venue vivre à la fin de l'année 1999 chez son fils à Bures-sur-Yvettes où elle a été assistée par une association départementale d'aide à domicile ; que le 5 avril 2001, alors qu'elle se trouvait hospitalisée pour quelques jours au centre hospitalier d'Orsay, le président du conseil général de l'Essonne a saisi le tribunal d'instance de Palaiseau d'un signalement de personne en danger en vue de l'ouverture d'une mesure de protection ; que par un jugement en date du 6 septembre 2001, le juge des tutelles de ce tribunal a prononcé la mise sous tutelle de Mme A sous la forme d'une tutelle en gérance qu'il a confiée au centre hospitalier d'Orsay ; que Mme A a alors été placée dans un établissement de moyen et long séjour dépendant du centre hospitalier ; que, sur appel de M. A, le tribunal de grande instance d'Evry a, par jugement du 22 février 2002, confirmé la mise sous tutelle de Mme A mais décidé que cette mesure s'exercerait sous la forme d'une administration sous contrôle judiciaire confiée à son fils ; que Mme A est décédée le 22 août 2003 ;

Considérant que M. A, estimant que le placement en centre de moyen et long séjour de sa mère, intervenu dans le cadre de sa mise sous tutelle à la suite du signalement de personne en danger, avait accéléré le déclin de celle-ci et que cette situation, imputable aux services sociaux du département de l'Essonne, lui avait causé un préjudice, a assigné cette collectivité publique devant le tribunal de grande instance d'Evry en demandant sa condamnation à réparer ce préjudice ; que, par une ordonnance du 13 septembre 2007 devenue définitive, le juge de la mise en état du tribunal a décliné la compétence du juge judiciaire pour connaître de cette demande ; que saisi par M. A le tribunal administratif de Versailles a, à son tour, décliné sa compétence et saisi le Tribunal en application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;

Considérant que les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire ; que l'avis donné, en application de l'article 493 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur, par le président du conseil général de l'Essonne au juge des tutelles, relatif à la situation de danger dans laquelle se trouvait, selon lui, Mme A, n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge des tutelles a décidé de l'ouverture de la procédure judiciaire ; qu'il n'appartient par suite qu'au juge judiciaire de connaître de l'action en dommages et intérêts intentée par M. A fondée sur la faute qu'aurait commise cette collectivité publique en procédant à ce signalement ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. A au département de l'Essonne.

Article 2 : L'ordonnance du 13 septembre 2007 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Evry est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Versailles est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 24 juin 2010.

Article 4: La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3795
Date de la décision : 06/06/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AIDE SOCIALE - ORGANISATION DE L'AIDE SOCIALE - COMPÉTENCES DU DÉPARTEMENT - SIGNALEMENT DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL AU JUGE DES TUTELLES - ACTE NON DÉTACHABLE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE [RJ1] - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE D'UNE ACTION EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS FONDÉE SUR LA FAUTE QU'AURAIT COMMISE CETTE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE EN PROCÉDANT AU SIGNALEMENT.

04-01-01 Les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire. L'avis donné, en application de l'article 493 du code civil, par le président du conseil général au juge des tutelles, relatif à la situation de danger dans laquelle se trouvait, selon lui, une personne, n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge des tutelles a décidé de l'ouverture de la procédure judiciaire. Par suite, il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître d'une action en dommages et intérêts fondée sur la faute qu'aurait commise cette collectivité publique en procédant à ce signalement.

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DÉPARTEMENT - ORGANISATION DU DÉPARTEMENT - ORGANES DU DÉPARTEMENT - PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL - COMPÉTENCES - SIGNALEMENT DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL AU JUGE DES TUTELLES - ACTE NON DÉTACHABLE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE [RJ1] - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE D'UNE ACTION EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS FONDÉE SUR LA FAUTE QU'AURAIT COMMISE CETTE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE EN PROCÉDANT AU SIGNALEMENT.

135-03-01-02-02-02 Les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire. L'avis donné, en application de l'article 493 du code civil, par le président du conseil général au juge des tutelles, relatif à la situation de danger dans laquelle se trouvait, selon lui, une personne, n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge des tutelles a décidé de l'ouverture de la procédure judiciaire. Par suite, il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître d'une action en dommages et intérêts fondée sur la faute qu'aurait commise cette collectivité publique en procédant à ce signalement.

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DÉPARTEMENT - ATTRIBUTIONS - COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES - ACTION SOCIALE - SIGNALEMENT DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL AU JUGE DES TUTELLES - ACTE NON DÉTACHABLE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE [RJ1] - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE POUR CONNAÎTRE D'UNE ACTION EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS FONDÉE SUR LA FAUTE QU'AURAIT COMMISE CETTE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE EN PROCÉDANT AU SIGNALEMENT.

135-03-02-01-01 Les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire. L'avis donné, en application de l'article 493 du code civil, par le président du conseil général au juge des tutelles, relatif à la situation de danger dans laquelle se trouvait, selon lui, une personne, n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge des tutelles a décidé de l'ouverture de la procédure judiciaire. Par suite, il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître d'une action en dommages et intérêts fondée sur la faute qu'aurait commise cette collectivité publique en procédant à ce signalement.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ EXTRA-CONTRACTUELLE - COMPÉTENCE JUDICIAIRE - ACTION EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS FONDÉE SUR LA FAUTE QU'AURAIT COMMISE LE PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL EN PROCÉDANT À UN SIGNALEMENT AU JUGE DES TUTELLES - ACTE NON DÉTACHABLE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE [RJ1].

17-03-02-05-01-02 Les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire. L'avis donné, en application de l'article 493 du code civil, par le président du conseil général au juge des tutelles, relatif à la situation de danger dans laquelle se trouvait, selon lui, une personne, n'est pas détachable de la décision par laquelle le juge des tutelles a décidé de l'ouverture de la procédure judiciaire. Par suite, il n'appartient qu'au juge judiciaire de connaître d'une action en dommages et intérêts fondée sur la faute qu'aurait commise cette collectivité publique en procédant à ce signalement.


Références :

[RJ1]

Comp. TC, Mme Bitirim c/ CHU de Dijon, 23 avril 2007, n° 3451, p. 596.


Composition du Tribunal
Président : M. Gallet
Rapporteur ?: Mme Marie-Hélène Mitjavile
Rapporteur public ?: M. Boccon-Gibod

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2011:C3795
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