Vu, enregistrée à son secrétariat le 21 novembre 2008, l'expédition du jugement du 18 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi d'une requête de Mme A tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices et à procéder au nettoyage de sa propriété à la suite de l'abattage, sur son terrain, d'arbres lui appartenant, réalisé à l'instigation et sur les instructions de M. B, directeur du centre pénitentiaire de Nuutania avec la participation d'un membre de sa famille et de trois détenus, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete, rendu le 15 janvier 2007, par lequel cette juridiction a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur les mêmes demandes dirigées contre M. B, ès-qualités ;
Vu, enregistré le 17 juin 2009, le mémoire présenté par le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, tendant à la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître du litige opposant Mme A à M. B, aux motifs que la faute commise par le chef de l'établissement pénitentiaire, étrangère à l'intérêt du service, comportait un élément intentionnel et revêtait une particulière gravité, caractérisant une faute personnelle détachable du service, et, en outre, était insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'autorité administrative et avait été commise par un agent qui avait détourné à des fins personnelles les moyens du service ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Louis Gallet, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, courant octobre 2005, Mme A, propriétaire d'un terrain jouxtant le centre pénitentiaire de Nuutania, en Polynésie française, a constaté que, dans sa propriété, des arbres de haute futaie lui appartenant avaient été abattus sur une largeur d'environ 5 mètres et les troncs et branchages laissés sur place ; qu'il est constant que l'abattage des arbres a été effectué à l'instigation et sur les instructions de M. B, alors directeur du centre pénitentiaire, avec la participation d'un membre de sa famille et de trois détenus munis de matériels du centre pénitentiaire, dans le but de dégager et permettre la vue sur le lagon depuis le logement de fonction du directeur ; que Mme A a assigné M. B, ès-qualités, devant le tribunal civil de première instance de Papeete, en réparation de ses préjudices et pour obtenir l'enlèvement des arbres abattus ; qu'après que celui-ci se fut déclaré incompétent, Mme A a présenté une requête tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ses préjudices et à procéder au nettoyage de sa propriété, devant le tribunal administratif de la Polynésie française qui a renvoyé l'affaire devant le Tribunal des conflits pour qu'il soit décidé sur la compétence, en retenant, pour décliner la compétence de la juridiction administrative, que l'opération d'abattage, réalisée pour une finalité étrangère à l'intérêt du service et portant une atteinte grave au droit de propriété de Mme A, présentait les caractères d'une voie de fait, quand bien même elle aurait été commise avec les moyens de l'administration et ne serait pas dépourvue de lien avec le service ;
Considérant que l'abattage, dans le but mentionné ci-dessus, sur le terrain de Mme A et sans son accord, d'arbres lui appartenant, effectué, à l'instigation et sur les instructions du directeur du centre pénitentiaire, par des détenus, avec des matériels de ce centre, qui a ainsi porté une atteinte grave à la propriété de la requérante, est manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir appartenant à l'administration pénitentiaire ; qu'en conséquence, il constitue une voie de fait ; que, dès lors, le litige introduit par Mme A pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices consécutifs à cette voie de fait relève de la juridiction judiciaire, sans préjudice de la possibilité pour l'Etat d'exercer l'action récursoire contre son agent dans la mesure où il apparaîtrait que la faute présenterait un caractère personnel ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître de l'action en réparation introduite par Mme A.
Article 2 : Le jugement du tribunal civil de première instance de Papeete en date du 15 janvier 2007 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette juridiction.
Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de la Polynésie française est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 18 novembre 2008 par cette juridiction.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.