Vu, enregistrée à son secrétariat le 25 mars 2008, l'expédition du jugement du 11 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi d'une demande de Mme A et de la Société QBE tendant 1°) à la condamnation in solidum, d'une part, de la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) et d'autre part, de la compagnie AXA, à leur verser la somme de 126.420 F CFP correspondant au remboursement de l'indemnisation du préjudice matériel de Mme B suite à un accident de circulation dont cette dernière a été victime et à verser à Mme A la somme de 780.000 F CFP en réparation de son préjudice matériel en raison de ce même accident ; 2°) à la condamnation de la S.A.H.P. et de la compagnie AXA au paiement d'une provision de 200.000 F CFP à valoir sur les préjudices corporels ; 3°) à la condamnation de la S.A.H.P. et de la compagnie AXA au versement de la somme de 132.000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à ce que soit ordonnée une expertise médicale avec les missions d'usage, a renvoyé au tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 10 octobre 2005, par lequel le tribunal civil de première instance de Papeete a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'action engagée par Mme A et la Société QBE contre la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) ;
Vu, enregistré le 4 août 2008, le mémoire présenté pour Mme A et la Société QBE, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître de leur action contre la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) et à ce que la S.A.H.P. et la compagnie AXA soient condamnées à leur verser 3000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, par les motifs qu'il résulte des dispositions de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 et de la jurisprudence que si les actions en responsabilité en matière d'accidents de véhicules relèvent en principe de la compétence de la juridiction judiciaire, les tribunaux de l'ordre administratif sont compétents dans le cas où la réalisation de travaux publics est la cause déterminante du dommage dont il est demandé réparation ; qu'en l'espèce, l'accident litigieux résulte de l'exécution défectueuse de travaux de réalisation du réseau d'assainissement des eaux usées effectués par la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) pour le compte de la direction départementale de l'équipement de la Polynésie française ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès verbal dressé par la gendarmerie à la suite de l'accident que ce dernier est imputable à l'absence de signalisation indiquant la modification du sens de la circulation sur le tronçon de route affecté par les travaux, et que la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) aurait dû mettre en place, et non à une faute de Mme A ou de Mme B ;
Vu, enregistré le 29 septembre 2008, le mémoire présenté pour la compagnie AXA et tendant 1°) à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour statuer sur la requête de Mme A et de la Société QBE ; 2°) à ce que ladite requête soit renvoyée au tribunal civil de première instance de Papeete ; 3°) à ce que Mme A et la Société QBE soient condamnées à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les motifs qu'il ressort de la jurisprudence que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour statuer sur les actions en responsabilité relatives à des dommages résultant d'accidents de véhicules et subis à l'occasion de travaux publics dès lors qu'il n'est pas établi que ces dommages ont eu leur cause déterminante dans une conception défectueuse des travaux publics ; qu'en l'espèce, la cause déterminante de l'accident survenu le 24 janvier 2001 entre les véhicules de Mme A et de Mme B ne réside pas dans la conception défectueuse des travaux réalisés par la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) mais dans l'action du véhicule de Mme A ; qu'en effet, la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) effectuant ces travaux depuis plusieurs mois, Mme A ne pouvait ignorer ni leur existence, ni le fait que le sens de la circulation était très fréquemment modifié sur le tronçon de route où est survenu l'accident et que, par conséquent, il lui incombait de prendre des précautions particulières lorsqu'elle empruntait cette route ; qu'il ressort des pièces produites devant le tribunal administratif de la Polynésie française, et notamment du témoignage du chef d'équipe de la société présent sur le chantier au moment de l'accident, que la signalisation réglementaire préconisée par les services départementaux de l'équipement avait été mise en place par la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.) ; qu'à cet égard, la gendarmerie n'a dressé le jour de l'accident aucun procès verbal constatant l'absence ou l'insuffisance de signalisation ; qu'enfin, dès lors qu'elle a indemnisé le préjudice matériel subi par Mme B du fait de l'accident, la Société QPE a implicitement reconnu la responsabilité de son assurée ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2008, le mémoire présenté pour Mme A et la Société QBE, qui persistent dans leurs conclusions par les motifs qu'il ressort du procès verbal rédigé sur le lieu et au jour des faits par la brigade de gendarmerie de Punaauia qu'aucune signalisation n'informait les usagers du sens de la circulation, et que ce fait est confirmé par les photographies produites par Mme A devant le tribunal administratif de la Polynésie française ; que le procès verbal constate en outre que le personnel de la société de travaux a été sommé de faire le nécessaire pour mettre en place une signalisation adéquate et compréhensible par tous, et que le témoignage du chef de travaux employé par la société aménagement hydroélectrique de la Polynésie française (S.A.H.P.) peut être raisonnablement suspecté de partialité ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à Mme A, qui ne pouvait connaître le sens de la circulation en l'absence de signalisation, d'autant que, résidant dans la commune de Faaa, cette dernière n'est pas une habituée du lieu où est survenu l'accident ; que la société AXA ne peut utilement se prévaloir de la fréquence des changements du sens de la circulation, cette circonstance étant au contraire de nature à accroître les dangers d'accident sur le tronçon de route concerné
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Serge Daël, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Monod-Colin, avocat de Mme A et de la compagnie QBE,
- les observations de la SCP Bachellier-Potier de la Varde, avocat de la compagnie AXA,
- les conclusions de M. André Gariazzo, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le véhicule de Mme A est entré en collision, le 24 juillet 2001 sur la route reliant Papeete à Paéa (Polynésie française), avec un véhicule survenant sur sa droite conduit par Mme B ; qu'estimant que le dommage invoqué avait pour cause déterminante l'absence de mise en place d'une signalisation adéquate, prévenant les usagers de la route d'un changement des sens de circulation antérieurs, par la société aménagement hydroélectrique polynésienne (S.A.H.P.), chargée sous la maîtrise d'oeuvre de la direction départementale de l'équipement des travaux d'assainissement de la commune d'Outumaoro, Mme A et son assureur la société QBE ont saisi le tribunal civil de première instance de Papeete d'une demande tendant à la condamnation de la société S.A.H.P. et de la compagnie AXA, son assureur, à les indemniser d'un préjudice constitué par les indemnités versées par la société QBE à Mme B et par le préjudice propre subi par Mme par un jugement du 10 octobre 2005 devenu définitif, le tribunal civil de première instance de Papeete a rejeté les conclusions dirigées contre la société S.A.H.P. comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, au motif que le dommage se rattachait par un lien nécessaire à l'exécution d'un travail public, et a sursis à statuer sur l'action directe dirigée contre la compagnie AXA ; que saisi, sur le même fondement du défaut de signalisation adéquate, par Mme A et la société QBE d'une demande de condamnation in solidum de la société S.A.H.P et de la compagnie AXA à indemniser les mêmes préjudices, le tribunal administratif de la Polynésie française, par un jugement du 11 mars 2008, a estimé que ces préjudices ayant été subis à la suite d'un accident de la circulation le litige échappait à la compétence des juridictions de l'ordre administratif, par application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, et a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Considérant que si l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 vise les dommages qui sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne de droit public ou placé sous sa garde et ceux qui sont imputables à l'un de ses agents chargé de conduire un véhicule ou associé à sa conduite, cette disposition n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, de déroger aux règles normales de compétence applicables aux actions en responsabilité engagées sur un fondement autre que celui qui est seul visé par cette disposition ; que l'action en responsabilité exercée par Mme A à l'encontre de la société S.A.H.P. est fondée sur les conditions défectueuses d'exécution de son chantier par cette entreprise de travaux publics ; qu'il en résulte que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative en tant qu'il oppose Mme A et la société QBE à la société S.A.H.P.;
Considérant que le tribunal civil de première instance de Papeete s'est reconnu compétent pour statuer sur l'action directe exercée par Mme A et la société QBE contre la compagnie AXA ; que par suite, les conditions fixées par les articles 34 et 35 du décret du 26 octobre 1849 n'étant pas remplies, le tribunal administratif de Papeete ne pouvait valablement saisir le Tribunal des Conflits du litige en tant qu'il porte sur cette action directe ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions de Mme A et de la société QBE dirigées contre la société S.A.H.P.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 11 mars 2008 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est
chargé d'en assurer l'exécution.