N° 3653
Conflit positifPréfet du Val-de-Marne c/ Cour d'appel de Paris Maire de Limeil-Brévannes c/ Préfet du Val-de-Marne
M. Jean-Marie DelarueRapporteur
M. André GariazzoCommissaire du Gouvernement
Séance du 22 octobre 2007Lecture du 19 novembre 2007
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant le préfet du Val-de-Marne au maire de la commune de Limeil-Brévannes devant la cour d'appel de Paris ;
Vu le déclinatoire de compétence, présenté le 10 janvier 2007 à la cour d'appel de Paris par le préfet du Val-de-Marne, tendant à la confirmation de l'ordonnance de référé rendue par le premier vice-président du tribunal de grande instance de Créteil le 3 octobre 2006, déclarant la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige l'opposant au maire de Limeil-Brévannes relatif à l'inexécution, par le préfet, de l'arrêté du maire du 8 septembre 2006 ordonnant la réquisition, à fin de logement de sans-abris, de l'immeuble appartenant à l'Etat (ministre de la défense) et affecté au Commissariat à l'énergie atomique, car il incombe au préfet d'assurer le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et qu'aucune atteinte n'a été portée ni au droit de propriété, ni à une liberté fondamentale ;
Vu l'arrêt rendu le 14 mars 2007 par lequel la cour d'appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence et a constaté l'existence d'une voie de fait commise par le préfet de Val-de-Marne et que celle-ci avait cessé depuis la suspension de l'arrêté du 8 septembre 2006, le 21 septembre suivant ;
Vu l'arrêté du 26 mars 2007 par lequel le préfet de Val-de-Marne a élevé le conflit ;
Vu le mémoire présenté pour le ministre de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit et à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige par les motifs qu'aucune liberté fondamentale n'est en cause dans le litige, le principe de libre administration des collectivités territoriales n'étant reconnu par le Conseil d'Etat à ce titre que dans les seuls rapports existant au sein d'une collectivité et que ce principe fait l'objet d'une interprétation restrictive ; que le maire s'est substitué illégalement au représentant de l'Etat dans le département pour prendre une mesure de réquisition, destinée au surplus à remédier à la situation prévalant dans une autre commune ; que l'arrêté du 8 septembre 2006 ne pouvait se rattacher à aucune compétence du maire de la commune ; que le refus d'accès opposé au maire par le préfet est une simple mesure conservatoire ; que le maire ne pouvait faire usage de son pouvoir de réquisition sans urgence et à l'égard de locaux qui n'étaient pas des locaux à usage d'habitation ; qu'en tout état de cause, le refus du préfet se rattache à son pouvoir de police et qu'ainsi il n'est pas insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 72 ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 ;
Vu l'arrêté du 13 brumaire an X ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
Après avoir entendu en séance publique :le rapport de M. Jean-Marie Delarue, membre du Tribunal,les observations de la SCP Boutet, avocat du ministre de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales les conclusions de M. André Gariazzo, Commissaire du gouvernement,
Considérant qu'il n'y a voie de fait justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces effets à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;
Considérant que s'il est vrai que la liberté d'administration des collectivités territoriales doit être regardée, dans la recherche et la constatation d'une voie de fait, comme une liberté fondamentale, l'inexécution par le préfet du Val-de-Marne de l'arrêté de réquisition du maire de Limeil-Brévannes, en date du 8 septembre 2006, visant un immeuble du domaine privé de l'Etat, en vue d'y reloger des personnes expulsées de locaux qu'elles occupaient sans droit ni titre, ne peut être considéré comme constitutive d'une voie de fait, dès lors que le préfet, qui a d'ailleurs sollicité, puis obtenu, du juge des référés administratif la suspension de l'arrêté en application de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, a agi dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés par les dispositions de l'article L. 2215-1 du même code, alors même qu'il se serait abstenu de procéder à la mise en demeure prescrite par cet article ;
Considérant qu'il n'appartient ainsi qu'à la juridiction administrative de connaître de la légalité de la décision du 8 septembre 2006 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé au maire de Limeil-Brévannes d'entrer dans les locaux que ce dernier avait réquisitionnés le jour même par voie d'arrêté ; que c'est dès lors à bon droit que le préfet a élevé le conflit ;
D E C I D E :Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 26 mars 2007 par le préfet du Val-de-Marne est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par le maire de Limeil-Brévannes contre le préfet de Val-de-Marne devant la cour d'appel de Paris et l'arrêt de cette juridiction en date du 14 mars 2007.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.