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19/11/2007 | FRANCE | N°C3660

France | France, Tribunal des conflits, 19 novembre 2007, C3660


Vu, enregistré à son secrétariat le 27 juin 2007, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. A au ministre de l'intérieur devant le tribunal de grande instance de Rouen ;

Vu le déclinatoire de compétence, présenté le 20 mars 2007 par le préfet de la Seine-Maritime, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente par les motifs que les mesures de retrait de points affectés au permis de conduire de M. A, à la suite de deux avis de contravention adressés à la société Qu

ille, ne peuvent être constitutives d'une voie de fait dès lors qu'ayant...

Vu, enregistré à son secrétariat le 27 juin 2007, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. A au ministre de l'intérieur devant le tribunal de grande instance de Rouen ;

Vu le déclinatoire de compétence, présenté le 20 mars 2007 par le préfet de la Seine-Maritime, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente par les motifs que les mesures de retrait de points affectés au permis de conduire de M. A, à la suite de deux avis de contravention adressés à la société Quille, ne peuvent être constitutives d'une voie de fait dès lors qu'ayant été prises en application des articles L.223-1 et R.223-3 du code de la route, elles ne sont pas manifestement insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration ;

Vu l'ordonnance de référé du 17 avril 2007, par laquelle le tribunal de grande instance de Rouen a rejeté le déclinatoire de compétence ;

Vu l'arrêté du 7 mai 2007 par lequel le préfet de Seine-Maritime a élevé le conflit ;

Vu l'ordonnance de référé du 31 mai 2007 par laquelle le tribunal de grande instance de Rouen a sursis à toute procédure ;

Vu, enregistré le 16 juillet 2007, le mémoire présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit, par les motifs que M. A, ayant spontanément opté pour le paiement immédiat des amendes forfaitaires valant reconnaissance de la réalité des infractions et autorisant l'administration à mettre en oeuvre la réduction des points du permis de conduire, ainsi que cela était expliqué dans les avis de contravention adressés à la société Quille, a renoncé aux dispositions de l'article L.121-3 du code de la route permettant de demander au juge judiciaire à être dispensé de responsabilité pénale ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée à M. A, qui a conclu à la compétence judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code de la route ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Guirimand, membre du Tribunal,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, selon les articles L.121-2 et L.121-3 du code de la route, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, ou, si ce certificat est établi au nom d'une personne morale, le représentant légal de celle-ci, est redevable pécuniairement de l'amende encourue, notamment pour les contraventions à la réglementation relative aux vitesses maximales autorisées, auxquelles est applicable la procédure de l'amende forfaitaire prévue aux articles 529 et suivants du code de procédure pénale, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction ;

Considérant, en outre, qu'il résulte des articles L.223-1 et L.223-3 du code la route, que la réalité d'une infraction entraînant un retrait de points du permis de conduire est établie par le paiement d'une amende forfaitaire, et que l'auteur de l'infraction est informé que ce paiement entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée ; que, selon l'article R.223-3 du même code, lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L.223 -1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple ;

Considérant que le 28 juillet 2004, à Rouen, deux contraventions d'excès de vitesse entraînant retrait de points du permis de conduire ont été relevées à l'encontre du conducteur d'un véhicule appartenant à la société Quille ; que cette société, destinataire des avis de contravention, a payé le montant des amendes forfaitaires sans fournir l'identité des conducteurs en cause ; qu'à la suite de ces paiements, le ministre de l'intérieur a, le 19 mai 2005 notifié à M. A, directeur adjoint de la société, deux retraits de trois points sur son propre permis de conduire ; qu'estimant cette mesure constitutive d'une voie de fait, M. A, aux fins d'obtenir l'annulation des décisions administratives de retrait de points et des dommages-intérêts, a assigné le ministre de l'intérieur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen, lequel a rejeté le déclinatoire de compétence du préfet ;

Considérant que, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, il n'y a voie de fait justifiant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire que dans la mesure où l'administration, soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l'un ou l'autre de ces effets, à la condition toutefois que cette dernière décision soit elle-même manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ;

Considérant qu'en retirant à deux reprises des points affectés au permis de conduire de M. A, le ministre de l'intérieur, à supposer même ces décisions entachées d'illégalité, a agi dans l'exercice d'un pouvoir conféré par les textes susvisés ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ces sanctions n'a pas, par elle-même, porté une atteinte grave à une liberté fondamentale ; qu'en conséquence, les décisions en cause ne sauraient constituer une voie de fait ;

Considérant qu'il suit de là qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de la légalité des décisions du 19 mai 2005 par lesquelles le ministre de l'intérieur a réduit le nombre des points affectés au permis de conduire de M. A ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet de la Seine-Maritime a élevé le conflit ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 7 mai 2007 par le préfet de la Seine-Maritime est confirmé.

Article 2 : Sont déclarées nulles et non avenues la procédure engagée par M. A contre le ministre de l'intérieur devant le tribunal de grande instance de Rouen statuant en référé et l'ordonnance de cette juridiction en date du 17 avril 2007.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3660
Date de la décision : 19/11/2007
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - PERMIS DE CONDUIRE - RETRAIT DE POINTS - RETRAIT EFFECTUÉ SUR LE PERMIS DE CONDUIRE DU DIRECTEUR D'UNE SOCIÉTÉ AU REGARD DES INFRACTIONS COMMISES PAR DES CONDUCTEURS DE CETTE SOCIÉTÉ - VOIE DE FAIT - ABSENCE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF.

17-03-02-005-01 En vertu des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ou, si ce certificat est établi au nom d'une personne morale, le représentant légal de celle-ci, est redevable pécuniairement de l'amende encourue, notamment pour les contraventions à la réglementation relative aux vitesses maximales autorisées, auxquelles est applicable la procédure de l'amende forfaitaire prévue aux articles 529 et suivants du code de procédure pénale, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Par ailleurs, il résulte des articles L. 223-1 et L. 223-3 de ce même code que la réalité d'une infraction entraînant un retrait de points du permis de conduire est établie par le paiement d'une amende forfaitaire et que l'auteur de l'infraction est informé que ce paiement entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée. Enfin, l'article R. 223-3 du même code prévoit que, lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223 -1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. En conséquence, lorsqu'il retire des points affectés au permis de conduire du directeur adjoint d'une société après que cette société, destinataire des avis de contravention, a payé le montant des amendes forfaitaires sans fournir l'identité des conducteurs à l'origine des excès de vitesse ainsi sanctionnés, le ministre de l'intérieur agit dans l'exercice d'un pouvoir conféré par les dispositions du code de la route. La mise en oeuvre d'une telle sanction ne porte pas, par elle-même, une atteinte grave à une liberté fondamentale et ne constitue donc pas une voie de fait.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - LIBERTÉ INDIVIDUELLE - VOIE DE FAIT - ABSENCE - PERMIS DE CONDUIRE - RETRAIT DE POINTS - RETRAIT EFFECTUÉ SUR LE PERMIS DE CONDUIRE DU DIRECTEUR D'UNE SOCIÉTÉ AU REGARD DES INFRACTIONS COMMISES PAR DES CONDUCTEURS DE CETTE SOCIÉTÉ - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF.

17-03-02-08-01-02 En vertu des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ou, si ce certificat est établi au nom d'une personne morale, le représentant légal de celle-ci, est redevable pécuniairement de l'amende encourue, notamment pour les contraventions à la réglementation relative aux vitesses maximales autorisées, auxquelles est applicable la procédure de l'amende forfaitaire prévue aux articles 529 et suivants du code de procédure pénale, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Par ailleurs, il résulte des articles L. 223-1 et L. 223-3 de ce même code que la réalité d'une infraction entraînant un retrait de points du permis de conduire est établie par le paiement d'une amende forfaitaire et que l'auteur de l'infraction est informé que ce paiement entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée. Enfin, l'article R. 223-3 du même code prévoit que, lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223 -1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. En conséquence, lorsqu'il retire des points affectés au permis de conduire du directeur adjoint d'une société après que cette société, destinataire des avis de contravention, a payé le montant des amendes forfaitaires sans fournir l'identité des conducteurs à l'origine des excès de vitesse ainsi sanctionnés, le ministre de l'intérieur agit dans l'exercice d'un pouvoir conféré par les dispositions du code de la route. La mise en oeuvre d'une telle sanction ne porte pas, par elle-même, une atteinte grave à une liberté fondamentale et ne constitue donc pas une voie de fait.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - RETRAIT - RETRAIT DE POINTS - RETRAIT EFFECTUÉ SUR LE PERMIS DE CONDUIRE DU DIRECTEUR D'UNE SOCIÉTÉ AU REGARD DES INFRACTIONS COMMISES PAR DES CONDUCTEURS DE CETTE SOCIÉTÉ - VOIE DE FAIT - ABSENCE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF.

49-04-01-04-03 En vertu des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la route, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ou, si ce certificat est établi au nom d'une personne morale, le représentant légal de celle-ci, est redevable pécuniairement de l'amende encourue, notamment pour les contraventions à la réglementation relative aux vitesses maximales autorisées, auxquelles est applicable la procédure de l'amende forfaitaire prévue aux articles 529 et suivants du code de procédure pénale, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction. Par ailleurs, il résulte des articles L. 223-1 et L. 223-3 de ce même code que la réalité d'une infraction entraînant un retrait de points du permis de conduire est établie par le paiement d'une amende forfaitaire et que l'auteur de l'infraction est informé que ce paiement entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée. Enfin, l'article R. 223-3 du même code prévoit que, lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223 -1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction et en informe ce dernier par lettre simple. En conséquence, lorsqu'il retire des points affectés au permis de conduire du directeur adjoint d'une société après que cette société, destinataire des avis de contravention, a payé le montant des amendes forfaitaires sans fournir l'identité des conducteurs à l'origine des excès de vitesse ainsi sanctionnés, le ministre de l'intérieur agit dans l'exercice d'un pouvoir conféré par les dispositions du code de la route. La mise en oeuvre d'une telle sanction ne porte pas, par elle-même, une atteinte grave à une liberté fondamentale et ne constitue donc pas une voie de fait.


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars
Rapporteur ?: Mme Dominique Guirimand
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2007:C3660
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