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19/03/2007 | FRANCE | N°C3622

France | France, Tribunal des conflits, 19 mars 2007, C3622


Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 décembre 2006, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Philippe A à Melle Linda B devant la cour d'appel de Paris

Vu le déclinatoire, présenté le 19 juillet 2006, par le préfet de l'Essonne, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'exception concernant l'ordonnance 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches, par le motif que cette ordonnance, prise sur le fondement de l'a

rticle 38 de la Constitution et non ratifiée, a le caractère d'un ac...

Vu, enregistrée à son secrétariat le 12 décembre 2006, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. Philippe A à Melle Linda B devant la cour d'appel de Paris

Vu le déclinatoire, présenté le 19 juillet 2006, par le préfet de l'Essonne, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'exception concernant l'ordonnance 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches, par le motif que cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution et non ratifiée, a le caractère d'un acte administratif réglementaire et que le juge administratif est seul compétent pour en apprécier la légalité;

Vu l'arrêt rendu le 20 octobre 2006 par lequel la cour d'appel de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence ;

Vu l'arrêté par lequel le préfet de l'Essonne a, le 31 octobre 2006, élevé le conflit;

Vu l'arrêt du 14 novembre 2006 par lequel la cour d'appel a sursis à statuer ;

Vu, enregistré le 17 janvier 2007, les observations du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par le motif que les ordonnances adoptées en vertu de l'article 38 de la Constitution, qui présentent, tant qu'elles n'ont pas été ratifiées, le caractère d'actes administratifs, relèvent, pour l'appréciation de leur légalité qui inclut l'appréciation de la conformité de l'acte à une norme supérieure, d'origine interne ou internationale, de la compétence de la jurisprudence administrative;

Vu, enregistrés les 24 janvier et 25 janvier 2007, les mémoires ou observations présentés par la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), la Confédération Française de l'Encadrement-Confédération Générale des Cadres ( CFE-CGC), la Confédération Générale du Travail (CGT), et la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens ( CFTC) tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que, s'agissant de la conventionnalité d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, les juridictions des deux ordres sont également compétentes sans qu'il y ait lieu à renvoi de l'une à l'autre, que l'ordonnance du 2 août 2005 a acquis valeur législative, du fait de sa ratification implicite, et que le renvoi devant la juridiction administrative ne s'impose pas, le juge judiciaire étant compétent pour interpréter un acte réglementaire ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. A et à Melle B, qui n'ont pas formulé d'observations;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié;

Vu la Constitution, notamment en son article 38;

Vu l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005;

Vu les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Guirimand, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Lyon-Caen ; Fabiani ; Thiriez, avocat de la CGT et CFTC, de Me Haas, avocat de la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière et de la SCP Masse-Dessen ; Thouvenin, avocat de la CFDT et de la CFE- CGC ;

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution présentent le caractère d'actes administratifs tant qu'elles n'ont pas été ratifiées, et que la ratification, qui a pour effet de leur conférer rétroactivement valeur législative, peut résulter du vote du projet de loi de ratification prévu par l'article 38 susmentionné ainsi que du vote d'une autre disposition législative expresse ou d'une loi qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l'implique nécessairement ;

Considérant que tel est le cas de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 instituant le contrat nouvelles embauches, dès lors que les lois n°2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire allouée par ladite ordonnance aux travailleurs titulaires d'un contrat 'nouvelles embauches' s'ils se trouvent privés d'emploi, ont eu pour effet de ratifier implicitement l'article 3 de l'ordonnance n°2005-893 du 2 août 2005, qui n'est pas divisible de l'ensemble de ses autres dispositions ; que, par suite, l'ordonnance n'ayant plus valeur réglementaire, c'est à tort que le conflit a été élevé ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté de conflit du Préfet de l'Essonne en date du 31 octobre 2006 est annulé.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3622
Date de la décision : 19/03/2007
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CLASSIFICATION - ACTES INDIVISIBLES - RATIFICATION IMPLICITE D'UN ARTICLE INDIVISIBLE DES AUTRES DISPOSITIONS D'UNE ORDONNANCE - CONSÉQUENCE - ORDONNANCE DEVANT ÊTRE REGARDÉE COMME AYANT ÉTÉ IMPLICITEMENT RATIFIÉE DANS SA TOTALITÉ [RJ2].

01-01-06-04 L'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches a été implicitement ratifié par les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire prévue par cette ordonnance au bénéfice des travailleurs titulaires d'un contrat nouvelles embauches qui se trouvent privés d'emploi. Cet article n'étant pas divisible des autres dispositions de l'ordonnance, celle-ci doit être regardée comme ayant été implicitement ratifiée dans sa totalité.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - LOI ET RÈGLEMENT - HABILITATIONS LÉGISLATIVES - ORDONNANCES (ART - 38 DE LA CONSTITUTION) - RATIFICATION IMPLICITE - A) PRINCIPE - MODALITÉS [RJ1] - B) EXISTENCE - ORDONNANCE DU 2 AOÛT 2005 RELATIVE AU CONTRAT DE TRAVAIL NOUVELLES EMBAUCHES - RATIFICATION IMPLICITE D'UN ARTICLE INDIVISIBLE DES AUTRES DISPOSITIONS DE L'ORDONNANCE [RJ2].

01-02-01-04 a) La ratification d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, qui a pour effet de lui conférer rétroactivement valeur législative, peut résulter non seulement du vote du projet de loi de ratification prévu par l'article 38, mais aussi du vote d'une autre disposition législative ayant expressément cet objet ou qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l'implique nécessairement.,,b) L'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches a été implicitement ratifié par les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire prévue par cette ordonnance au bénéfice des travailleurs titulaires d'un contrat nouvelles embauches qui se trouvent privés d'emploi. Cet article n'étant pas divisible des autres dispositions de l'ordonnance, celle-ci doit être regardée comme ayant été implicitement ratifiée dans sa totalité.

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - ABSENCE - ORDONNANCE RATIFIÉE - CONSÉQUENCE - COMPÉTENCE DE LA JURIDICTION JUDICIAIRE POUR APPRÉCIER SA COMPATIBILITÉ AVEC UNE CONVENTION INTERNATIONALE [RJ3].

17-03-02-005-01 Si les ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution présentent le caractère d'actes administratifs tant qu'elles n'ont pas été ratifiées, la ratification a pour effet de leur conférer rétroactivement valeur législative. Il en résulte que les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour apprécier la compatibilité d'une ordonnance ratifiée avec les stipulations d'une convention internationale.

66 COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - CONTRAT DE TRAVAIL - ORDONNANCE DU 2 AOÛT 2005 RELATIVE AU CONTRAT DE TRAVAIL NOUVELLES EMBAUCHES - RATIFICATION IMPLICITE - EXISTENCE - RATIFICATION D'UN ARTICLE INDIVISIBLE DES AUTRES DISPOSITIONS DE L'ORDONNANCE [RJ2].

66 L'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches a été implicitement ratifié par les lois n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 et n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui prévoient les mesures de financement de l'allocation forfaitaire prévue par cette ordonnance au bénéfice des travailleurs titulaires d'un contrat nouvelles embauches qui se trouvent privés d'emploi. Cet article n'étant pas divisible des autres dispositions de l'ordonnance, celle-ci doit être regardée comme ayant été implicitement ratifiée dans sa totalité.


Références :

[RJ1]

Cf. Cons. const. 29 février 1972, n° 72-73 L, Rec. p. 31 ;

23 janvier 1987, n° 86-224 DC, Rec. p. 8.

Cf. 27 février 1994, Ghez, n° 84933, p. 55 ;

17 décembre 1999, Union hospitalière privée et autres, n° 208623-208682-208770-209837-209838-209839, T. p. 587.,,

[RJ2]

Cf. sol. contr. 29 octobre 2004, Sueur, n° 269814-271119-271357-271362, p. 393.,,

[RJ3]

Cf. sol. contr. TC 16 juin 1923, Septfonds, n° 00732, p. 498 ;

Comp. Cass. com. 6 mai 1996, n° 94-13347, Bull. civ. IV, n° 125, p. 109.


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars
Rapporteur ?: Mme Dominique Guirimand
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:2007:C3622
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