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15/12/2003 | FRANCE | N°C3378

France | France, Tribunal des conflits, 15 décembre 2003, C3378


Vu, enregistrée à son secrétariat le 9 mai 2003, l'expédition du jugement du 15 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une demande de l'EURL FRANCK IMMOBILIER tendant à voir juger que l'implantation de canalisations d'assainissement sur la parcelle qu'elle a vendue aux consorts X est constitutive d'une emprise irrégulière justifiant sa demande d'indemnisation dirigée contre le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) des Châteaux, devenu la communauté de communes Les Châteaux, et à voir annuler la décision par laquelle cette dernière lui

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Vu, enregistrée à son secrétariat le 9 mai 2003, l'expédition du jugement du 15 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une demande de l'EURL FRANCK IMMOBILIER tendant à voir juger que l'implantation de canalisations d'assainissement sur la parcelle qu'elle a vendue aux consorts X est constitutive d'une emprise irrégulière justifiant sa demande d'indemnisation dirigée contre le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) des Châteaux, devenu la communauté de communes Les Châteaux, et à voir annuler la décision par laquelle cette dernière lui oppose la prescription quadriennale, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 14 décembre 1999 par lequel le tribunal de grande instance de Strasbourg s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de l'EURL FRANCK IMMOBILIER tendant à la condamnation de la communauté de communes Les Châteaux à réparer le préjudice résultant de l'emprise irrégulière constituée par la présence des canalisations d'assainissement dans le terrain qu'elle a cédé aux consorts X ;

Vu, enregistré le 23 juillet 2003, le mémoire présenté pour l'EURL FRANCK IMMOBILIER tendant à ce que le Tribunal constate que le tribunal administratif de Strasbourg a exactement retenu le caractère irrégulier de l'emprise opérée par le SIVOM Les Châteaux à l'occasion de la pose de canalisations d'assainissement et déclare le juge judiciaire compétent pour connaître des conclusions aux fins de réparation des conséquences dommageables de l'emprise ;

Vu, enregistrées le 30 juillet 2003, les observations du ministre délégué aux libertés locales tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente ;

Vu, enregistré le 12 septembre 2003, le mémoire présenté pour la communauté de communes Les Châteaux contestant la régularité de la saisine du Tribunal des Conflits, et tendant subsidiairement à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître du litige en raison de la régularité de l'emprise litigieuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mazars, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de l'EURL FRANCK IMMOBILIER et de Me Odent, avocat de la communauté des communes Les Châteaux,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'ayant acquis, en 1995, le lot n° 5 du lotissement Les Tuiliers sis rue du Canal à Achenheim (Bas-Rhin), Mme Becker et M. Chickli ont découvert que deux canalisations d'assainissement étaient implantées sur cette parcelle ; qu'ayant assigné en référé leur vendeur, l'EURL FRANCK IMMOBILIER, ils ont obtenu que ce dernier soit condamné, sous astreinte, à déplacer les canalisations litigieuses ; qu'ayant conclu une convention avec le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) Les Châteaux, auquel appartenaient ces canalisations, l'EURL FRANCK IMMOBILIER a fait réaliser, à ses frais, les travaux de déplacement des ouvrages ; qu'elle a assigné le SIVOM Les Châteaux devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en indemnisation de son préjudice en soutenant que ces ouvrages constituaient une emprise irrégulière ; que, par jugement du 14 décembre 1999, ce tribunal, estimant que l'appréciation du caractère régulier ou irrégulier de l'emprise relevait de la compétence des juridictions administratives, s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; que l'EURL FRANCK IMMOBILIER a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg en lui demandant notamment de juger que l'emprise était irrégulière et devait être indemnisée par le juge judiciaire, de condamner le SIVOM à l'indemniser, d'annuler la décision du SIVOM de procéder à l'extension du réseau d'assainissement, et enfin d'annuler la décision ayant opposé la prescription quadriennale à sa demande d'indemnisation ; que le tribunal administratif a renvoyé l'affaire au Tribunal des Conflits ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :

Considérant que le tribunal de grande instance ayant décliné la compétence des juridictions judiciaires, c'est à bon droit que le tribunal administratif, saisi de demandes se rattachant au même litige, a fait application des dispositions de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Sur la compétence :

Considérant que la pose des canalisations litigieuses, réalisée en 1979, si elle a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, n'a pas été précédée d'une expropriation, de l'institution d'une servitude ou d'un accord amiable ; que si la communauté des communes Les Châteaux soutient que le propriétaire intéressé a autorisé l'opération, la production d'une convention, signée entre les parties le 2 mai 1980, laquelle ne porte que sur l'indemnisation allouée à ce propriétaire, et à ses locataires, pour l'implantation de regards de visite, ne démontre pas qu'une autorisation ait été donnée par le propriétaire préalablement aux travaux de pose des canalisations ; qu'en outre, la circonstance que l'EURL FRANCK IMMOBILIER ait été informée de l'existence des canalisations n'est pas de nature à établir le caractère régulier de l'emprise ; qu'ainsi réalisée, l'installation des conduites d'assainissement, qui a dépossédé le propriétaire d'un élément de son droit de propriété, a constitué une emprise irrégulière ; que, dès lors que l'examen de la régularité de l'emprise ne soulevait aucune question relative à l'appréciation de la légalité ou à l'interprétation d'un acte administratif, la communauté des communes Les Châteaux ne justifiant d'aucun titre l'autorisant à occuper la parcelle en cause, les juridictions de l'ordre judiciaire étaient seules compétentes pour connaître de la demande en indemnisation de l'EURL FRANCK IMMOBILIER ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant l'EURL FRANCK IMMOBILIER au SIVOM Les Châteaux, devenu la communauté des communes Les Châteaux.

Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 14 décembre 1999 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Strasbourg est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 15 avril 2003.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est chargé d'en assurer l'exécution.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

17-03-02-08-02-01 COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL - LIBERTÉ INDIVIDUELLE, PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET ÉTAT DES PERSONNES - PROPRIÉTÉ - EMPRISE IRRÉGULIÈRE - COMPÉTENCE DU JUGE JUDICIAIRE - LIMITE - OBLIGATION DE RENVOYER AU JUGE ADMINISTRATIF L'APPRÉCIATION DU CARACTÈRE RÉGULIER OU IRRÉGULIER DE L'EMPRISE - CONDITION - DÉCISION ADMINISTRATIVE À L'ORIGINE DE L'EMPRISE [RJ1].

z17-03-02-08-02-01z Les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître de la demande en réparation de dommages causés par l'atteinte à la propriété privée due à une personne publique ou un entrepreneur de travaux public sauf lorsque cette emprise est régulière. Le juge judiciaire doit renvoyer au juge administratif la question du caractère régulier ou irrégulier de cette emprise lorsqu'elle soulève une difficulté sérieuse. Toutefois, cette obligation de renvoi préjudiciel ne vaut que dans le cas où il y a lieu à l'appréciation de la légalité ou à l'interprétation d'une décision administrative à l'origine de l'emprise.


Références :

[RJ1]

Cf. TC, 29 octobre 1990, Préfet de Saône et Loire, p. 399.


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mme Christine Maugüé
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de la décision : 15/12/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : C3378
Numéro NOR : CETATEXT000007609311 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.conflits;arret;2003-12-15;c3378 ?
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