Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 janvier 1995, l'expédition du jugement par lequel le Tribunal de grande instance de Bonneville, saisi d'une demande de l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" et de la commune de Cluses tendant aux fins de voir constater la rupture unilatérale par la Société "Les Repas Parisiens" (LRP) du contrat de 10 ans conclu en octobre 1984 pour la fourniture des repas aux cantines scolaires, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 avril 1993, par lequel ce tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître du litige ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le mémoire présenté pour la commune de Cluses (Haute-Savoie) et pour l'association du "Foyer des jeunes travailleurs", dont le siège est ..., tendant à ce que le tribunal des Conflits déclare les juridictions judiciaires compétentes pour connaître du litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rougevin-Baville, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Cluses et de l'association du "Foyer des jeunes travailleurs",
- les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une convention prenant effet le 15 octobre 1984 intervenue entre la commune de Cluses (Haute-Savoie), l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" (FJT) et la Société "Les Repas Parisiens" (LRP), la commune a renouvelé la "concession" de l'exploitation du restaurant social que l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" gérait depuis 1974 dans des locaux loués en 1977 à la société anonyme d'HLM de la Haute-Savoie et que la même convention prévoit qu'après modernisation et extension des installations de la FJT, la Société "Les Repas Parisiens" assurerait, à partir de ces installations, un service de restauration dans un certain nombre d'établissements d'enseignement publics ou privés dans les conditions précisées par une "convention pour la fourniture de repas scolaires" intervenues entre la commune et la Société "Les Repas Parisiens" le 9 décembre 1985 prenant effet le 1er janvier 1985 au plus tard ;
Considérant que, saisi le 6 octobre 1989 d'une demande de la Société "Les Repas Parisiens" tendant à titre principal à ce que soit prononcée la résiliation du contrat passé avec la commune et l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" pour l'exploitation d'un restaurant à caractère social et, à titre subsidiaire, à ce que la commune soit condamnée à lui verser une indemnité d'imprévision, le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 15 avril 1993 a rejeté cette demande ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions reconventionnelles de la commune et l'association du "Foyer des jeunes travailleurs", au motif que le litige, né d'un sous-traité relatif au service de restauration passé entre le Foyer des jeunes travailleurs agissant en son nom propre et la Société "Les Repas Parisiens" se rapportait à l'exécution d'un contrat de droit privé dont la connaissance appartient aux tribunaux judiciaires ;
Considérant que, saisi le 6 août 1993 d'une demande dirigée contre la Société "Les Repas Parisiens" par l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" et la commune de Cluses tendant à obtenir au profit de la commune des indemnités pour dégradations causées aux installations et défaut de paiement de la redevance due par repas scolaire servi hors de Cluses et au profit de l'association du "Foyer des jeunes travailleurs", des indemnités au titre des redevances dues en exécution du contrat d'octobre 1984 et du préjudice résultant de la résiliation unilatérale de celui-ci, le tribunal de grande instance de Bonneville, par jugement du 14 décembre 1994, a estimé que le litige se rapportait à l'exécution d'un contrat de concession d'un service public relevant de la juridiction administrative et, compte tenu de ce que le tribunal administratif avait décliné sa compétence pour en connaître, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal des Conflits "par application de l'article 6 du décret du 25 juillet 1960" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les actions portées devant le tribunal administratif de Grenoble, puis devant le tribunal de grande instance de Bonneville, n'avaient ni le même fondement, ni le même objet ; que dès lors, à la date à laquelle le tribunal de grande instance a statué, les conditions fixées par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 n'étaient pas remplies ;
Article 1er : Le jugement du tribunal de grande instance de Bonneville en date du 14 décembre 1994 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il renvoie au Tribunal des Conflits le soin de se prononcer sur la question de compétence posée par la demande de l'association du "Foyer des jeunes travailleurs" et de la commune de Cluses.
Article 2 : La cause et les parties sont renvoyées devant ce même tribunal.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.