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27/11/1995 | FRANCE | N°09-52986

France | France, Tribunal des conflits, 27 novembre 1995, 09-52986


Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant le préfet de la région Champagne-Ardenne préfet de la Marne, et Mme Yildiz X... ;

Vu l'ordonnance du 31 octobre 1994 du président du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne, par laquelle celui-ci, statuant en référé, a dit que le retrait de la carte de résident de Mme X... ne saurait caractériser une voie de fait, et s'est déclaré incompétent ;

Vu le déclinatoire de compétence, ensemble le mémoire complémentaire du 26 janvier

1995, présenté par le préfet de la Marne, tendant à dire que le litige relèv...

Vu la lettre par laquelle le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant le préfet de la région Champagne-Ardenne préfet de la Marne, et Mme Yildiz X... ;

Vu l'ordonnance du 31 octobre 1994 du président du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne, par laquelle celui-ci, statuant en référé, a dit que le retrait de la carte de résident de Mme X... ne saurait caractériser une voie de fait, et s'est déclaré incompétent ;

Vu le déclinatoire de compétence, ensemble le mémoire complémentaire du 26 janvier 1995, présenté par le préfet de la Marne, tendant à dire que le litige relève exclusivement de la juridiction administrative ;

Vu l'arrêt du 15 mars 1995 par lequel la cour d'appel de Reims a infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé, rejeté le déclinatoire de compétence du 8 décembre 1994, " dit que dans la mesure où Mme X... évoque à juste titre l'existence d'une voie de fait commise à son encontre, les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour en connaître ", et sursis à statuer sur la demande de Mme X... " jusqu'à l'expiration du délai dont bénéficie le préfet de la Marne pour élever éventuellement le conflit " ;

Vu l'arrêté du 3 avril 1995 par lequel le préfet de la Marne a élevé le conflit ;

Vu les observations transmises au Parquet général de la cour d'appel dans l'intérêt de Mme X..., faisant valoir que le titre de séjour a été retiré sans décision, retenu depuis un an et demi également sans décision, et que cette situation portait atteinte à la liberté fondamentale de Mme X... d'aller et venir ;

Vu le mémoire présenté par le ministre de l'Intérieur, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit du 3 avril 1995 et à l'annulation de la procédure engagée par Mme X... devant la cour d'appel de Reims, aux motifs que les décisions administratives n'obéissent à aucun formalisme particulier, et qu'il y a eu décision de retrait dès lors qu'il était établi, et du reste non contesté, que le titre de séjour de Mme X... lui avait été retiré le 13 septembre 1993 sur instructions du préfet de la Marne, que la décision de retrait de la carte de résident n'a pas été prise pour un motif autre que celui qui pouvait seul être invoqué, à savoir une décision de retrait de la qualité de réfugié de Mme X..., et qu'il ne peut être soutenu que cette décision, eu égard au motif pour lequel elle avait été prise, était manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice des pouvoirs dont dispose l'Administration en vertu de l'article 16, alinéa second, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pour retirer la carte de résident à un étranger auquel la qualité de réfugié a été retirée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Vu le mémoire présenté par la SCP Waquet, Farge, Hazan pour Mme X..., tendant à annuler l'arrêté de conflit du 3 avril 1995 comme irrecevable, et, à titre subsidiaire, comme mal fondé, par les motifs que cet arrêté a été pris à une date à laquelle le préfet n'avait pu avoir connaissance de l'arrêt de la cour d'appel de Reims, qui lui a été notifié le 5 avril suivant ; que, sans qu'il soit nécessaire d'établir une voie de fait, l'arrêté est également irrecevable, car relatif à des faits qui constituent une atteinte à la liberté individuelle, laquelle en application des articles 66 de la Constitution et 136 du Code de procédure pénale, relève de la compétence exclusive des juridictions judiciaires ; subsidiairement, et pour le cas où le Tribunal jugerait l'arrêté recevable, qu'une voie de fait est caractérisée, le retrait du titre de séjour de Mme X... ne se fondant sur aucune décision susceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi à l'Administration pour assurer la police des étrangers ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant que l'antériorité de l'arrêté de conflit du 3 avril 1995, par rapport à la date de la notification de l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 15 mars 1995 au préfet de la Marne, n'affecte pas la régularité de cet arrêté ;

Considérant que, aux termes de l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945, " dans un délai de 3 ans à compter de sa première délivrance, la carte de résident peut être retirée à l'étranger mentionné au 10° de l'article 15, lorsque la qualité de réfugié lui a été retirée parce qu'il s'est volontairement placé dans une des situations visées aux 1° à 4° de l'article 1er C de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés " ;

Considérant dès lors que, fût-il irrégulier, le retrait, le 13 septembre 1993, de la carte de résident délivrée le 15 avril 1992 à Mme X... en conséquence d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de retirer à celle-ci la qualité de réfugié politique au motif qu'elle avait volontairement décidé de se placer sous la protection des autorités turques en contractant mariage au consulat de Turquie, n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice du pouvoir conféré à l'Administration en matière de statut des étrangers ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 3 avril 1995 par le préfet de la région Champagne-Ardenne, préfet de la Marne, est confirmé ;

Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par Mme X... devant le président du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne et devant la cour d'appel de Reims, et l'arrêt du 15 mars 1995.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 09-52986
Date de la décision : 27/11/1995

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Voie de fait - Définition - Acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'Administration - Retrait d'une carte de résident - Conséquence du retrait de la qualité de réfugié politique par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - Placement volontaire sous la protection des autorités turques .

ETRANGER - Carte de résident - Retrait - Conséquence du retrait de la qualité de réfugié politique par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides - Placement volontaire sous la protection des autorités turques

Le retrait de la carte de résident délivrée à une personne en conséquence d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de retirer à celle-ci la qualité de réfugié politique au motif qu'elle avait volontairement décidé de se placer sous la protection des autorités turques en contractant mariage au consulat de Turquie n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice du pouvoir conféré à l'Administration en matière de statut des étrangers tel que défini à cet égard par l'article 16, alinéa 2, de l'ordonnance du 2 novembre 1945.


Références :

ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 16 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 15 mars 1995


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Martin
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chartier.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1995:09.52986
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