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07/03/1994 | FRANCE | N°09-42878

France | France, Tribunal des conflits, 07 mars 1994, 09-42878


Vu la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant les consorts X... et autres à la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne ;

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 14 octobre 1991, lequel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie, et fait droit à la demande formée contre elle ;

Vu le déclinatoire présenté le 17 mars 1992 par le préfet des Hautes-Pyrénées, tendant à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire par

les motifs que la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales disp...

Vu la lettre par laquelle le ministre d'Etat, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant les consorts X... et autres à la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne ;

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 14 octobre 1991, lequel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie, et fait droit à la demande formée contre elle ;

Vu le déclinatoire présenté le 17 mars 1992 par le préfet des Hautes-Pyrénées, tendant à l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire par les motifs que la loi du 21 juin 1865 sur les associations syndicales dispose en son article 16 que " les contestations relatives à la répartition et à la perception des taxes sont jugées par le conseil de préfecture " ; qu'il est constant qu'une association syndicale autorisée est un établissement public et qu'il résulte que " tout litige concernant la constitution, le fonctionnement ou la dissolution des associations syndicales autorisées relève de la seule compétence des juridictions administratives " ; que lorsque au cours d'un litige devant le juge judiciaire, une question se pose concernant la légalité des clauses du cahier des charges d'une concession, ledit juge doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative ait tranché cette question préjudicielle de légalité ;

Vu l'arrêt du 11 février 1993 par lequel la cour d'appel de Pau a confirmé le jugement ;

Vu l'arrêt du 8 mars 1993 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a élevé le conflit ;

Vu l'arrêt du 2 avril 1993 par lequel la cour d'appel de Pau a ordonné qu'il soit sursis à toute procédure judiciaire ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;

Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Considérant que pour permettre la mise en place de structures d'irrigation, l'association syndicale autorisée d'irrigation du Lauragais tarnais, dont certains membres étaient des rapatriés, a contracté des emprunts importants auprès de la caisse régionale de Crédit agricole du Tarn ; que l'association ayant rencontré de graves difficultés financières, il a été décidé en 1989 de faire reprendre l'exploitation des réseaux par un concessionnaire ; que la candidature de la Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne a été retenue par l'autorité de tutelle ; qu'à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire de l'association présidée le 16 mai 1989 par le préfet du Tarn, le projet de concession proposé par la Compagnie a été adopté ; qu'aux termes du protocole financier annexé au cahier des charges de la concession et accepté lors de cette assemblée générale, la Compagnie a accepté de prendre à sa charge la créance du Crédit agricole s'élevant à une certaine somme de laquelle se trouvaient notamment déduites les remises consenties par l'article 44 de la loi de finances du 30 décembre 1986 au profit des Français rapatriés ; que la Compagnie obtenait en contrepartie l'autorisation de facturer aux adhérents une redevance individuelle de consommation suivant un contrat d'adhésion-type dont un modèle était annexé au cahier des charges ; que vingt et un adhérents rapatriés refusèrent de signer les contrats qui leur furent soumis par la Compagnie, au motif qu'en appliquant un tarif unique aux adhérents rapatriés et aux adhérents non rapatriés, la Compagnie concessionnaire privilégiait illégalement ces derniers qui se trouvaient ainsi bénéficier des remises de dettes consenties au seul avantage des rapatriés par la loi ; que la Compagnie n'a pas admis les réclamations des rapatriés, et a interrompu la distribution d'eau nécessaire à l'irrigation des exploitations ; que ceux-ci ont alors assigné la Compagnie devant le tribunal de grande instance de Tarbes aux fins de constater qu'ayant tous la qualité de rapatriés, leur dette à l'égard du Crédit agricole se trouve éteinte par application des dispositions de la loi du 30 décembre 1986, et de dire en conséquence qu'ils ne peuvent être tenus dans le cadre de la remise en fonctionnement du réseau d'irrigation de la Z.A. du Tarn et Lauragais de verser une quote-part quelconque correspondant au remboursement du prêt du Crédit agricole ; qu'ils ont, en outre, demandé à être rétablis dans leurs droits au bénéfice de la distribution d'eau, et le paiement de dommages-intérêts ;

Sur la régularité de la procédure de conflit :

Considérant que l'inobservation du délai prévu à l'article 7 de l'ordonnance du 1er juin 1828 pour l'envoi par le procureur de la République de ses conclusions et réquisitions, et du jugement rendu sur la compétence est sans conséquence juridique ; que, l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 11 février 1993 ayant été envoyé au préfet le 23 février 1993, le délai pour l'élévation du conflit n'était pas expiré le 9 mars 1993 ;

Considérant que le conflit ayant été porté devant la cour d'appel de Pau, le préfet des Hautes-Pyrénées était compétent pour l'élever ;

Considérant que la procédure de conflit n'est pas entachée de nullité, et l'arrêté de conflit est recevable ;

Sur la compétence :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence, doit surseoir à statuer pendant le délai laissé au préfet pour, s'il l'estime opportun, élever le conflit ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de la cour d'appel qui statue au fond par la même décision que celle qui écarte le déclinatoire de compétence, doit être déclaré nul et non avenu ;

Considérant, en second lieu, que les contrats individuels d'adhésion conclus entre la Compagnie concessionnaire de la fourniture d'eau d'irrigation et les usagers se trouvant, de par leur nature même, soumis au régime du droit privé, le litige qui tend à obtenir que la Compagnie pratique des tarifs différents selon que les membres de l'association sont ou non des rapatriés et à en tirer les conséquences, relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;

DECIDE :

Article 1er : l'arrêté de conflit pris le 8 mars 1993 par le préfet des Hautes-Pyrénées est annulé ;

Article 2 : l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 11 février 1993 est annulé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 09-42878
Date de la décision : 07/03/1994

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Conflit - Arrêté de conflit - Déclinatoire - Jugement - Notification au préfet - Délai - Inobservation - Portée.

1° L'inobservation du délai prévu à l'article 7 de l'ordonnance du 1er juin 1828 pour l'envoi par le procureur de la République de ses conclusions et réquisitions, et du jugement rendu sur la compétence est sans conséquence juridique.

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Convention passée entre un particulier et l'Administration - Fourniture d'eau d'irrigation - Contrats individuels d'adhésion - Contrats de droit privé - Compétence judiciaire.

2° Les contrats individuels d'adhésion conclus entre une compagnie concessionnaire de fourniture d'eau d'irrigation et les usagers se trouvent, de par leur nature même, soumis au régime du droit privé et le litige qui tend à obtenir que la compagnie pratique des tarifs différents selon que les membres de l'association sont ou non des rapatriés et en tirer les conséquences relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Tarbes, 14 octobre 1991


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Commissaire du Gouvernement : M. Abraham
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Chartier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Rouvière et Boutet, M. Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:TC:1994:09.42878
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