Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 avril 1993, la lettre par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant la société civile immobilière du domaine de Suroît aux services fiscaux de la Gironde ;
Vu le jugement du 4 janvier 1982 par lequel le tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré la demande de la société recevable et sursis à statuer sur celle-ci ;
Vu le jugement du 6 novembre 1989 par lequel le tribunal de grande instance de Bordeaux a dit la société propriétaire des parcelles cadastrées commune de La Teste, section AE n° 70 à 74 et section AH n° 45 et 46 et n° 74 à 78 ;
Vu le déclinatoire présenté le 14 février 1990 par le préfet de la Gironde, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chartier, membre du Tribunal,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SCI du Domaine de Suroît,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ; que, par son jugement du 4 janvier 1982, le tribunal de grande instance de Bordeaux, en déclarant recevable la demande de la société et décidant de surseoir à statuer sur celle-ci, ne s'est pas prononcé sur la compétence ; que l'article 4 de l'ordonnance du 1er juin 1828 dispose que "le conflit pourra être élevé en cause d'appel s'il ne l'a été en première instance", d'où il résulte que le préfet peut élever le conflit, en tout état de la procédure, aussi longtemps que l'autorité judiciaire ne s'est pas prononcée sur la compétence par un jugement ou un arrêt devenu définitif ;
Sur la compétence :
Considérant, d'une part, que la cour d'appel s'est bornée à rejeter implicitement le déclinatoire de compétence en écartant l'exception d'incompétence soulevée par l'Etat et en statuant au fond comme s'il n'existait pas ; que, saisie par le préfet d'un tel déclinatoire, elle ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828, statuer au fond sans avoir respecté un délai de 15 jours à compter de la réception par le préfet de la copie de la décision rejetant le déclinatoire de compétence ; qu'en présence d'une décision ainsi rendue en méconnaissance des dispositions d'ordre public de l'ordonnance du 1er juin 1828, le préfet, en élevant le conflit, s'est conformé à l'article 8 de ladite ordonnance ; qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt du 11 février 1993 en tant qu'il statue au fond ;
Considérant, d'autre part, que la contestation porte sur le bien-fondé de l'exception de domanialité publique opposée à la demande ; que dès lors c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 2 mars 1993 par le préfet de la Gironde est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la société civile immobilière du domaine de Suroît contre le directeur général des impôts, service des domaines, agissant au nom de l'Etat, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux et le jugement de cette juridiction en date du 6 novembre 1989, ainsi que la procédure suivie devant la cour d'appel de Bordeaux et les arrêts de cette juridiction des 28 janvier 1992 et 11 février 1993.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, chargé d'en assurer l'exécution.