Vu, enregistrée le 31 mars 1993 à son secrétariat, la lettre par laquelle le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant la société Centrale sidérurgique de Richemont et la société Gerling Konzern à l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Thionville ;
Vu le déclinatoire présenté le 22 mars 1989 par le préfet de la Moselle tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Saintoyant, membre du Tribunal,
- les observations de Me Odent, avocat de la société Gerling Konzern et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Centrale sidérurgique de Richemont,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Centrale sidérurgique de Richemont, autorisée par des arrêtés des 4 août 1953 et 21 décembre 1962 de l'ingénieur en chef des ponts et chaussées de la Moselle, chargé du service de la navigation, à faire franchir le cours de la Moselle par des conduites aériennes de gaz nécessitant l'édification de piles dans le lit de la rivière, puis le renforcement de cet ouvrage, a confié au service de la navigation de Nancy une mission de maîtrise d'oeuvre comportant la conception de l'ouvrage et la surveillance des travaux ; qu'un convoi naviguant sur la Moselle ayant, dans la nuit du 16 au 17 janvier 1982, provoqué l'effondrement de deux piles et des tuyauteries, la société a été condamnée à réparer les dommages résultant de cet accident ; que la société Centrale sidérurgique de Richemont et son assureur, la société Gerling Konzern ont ensuite exercé une action en garantie contre l'Etat devant le tribunal de grande instance de Thionville ;
Considérant, en premier lieu, que la responsabilité de l'Etat est recherchée sur le fondement de fautes qui auraient été commises par l'un de ses services dans l'exécution de contrats de maîtrise d'oeuvre et non en vertu d'un contrat comportant occupation temporaire du domaine public ; que l'article L. 84 du code du domaine de l'Etat n'est pas applicable ;
Considérant, en second lieu, que d'une part, la société Centrale sidérurgique de Richemont, personne morale de droit privé, producteur autonome d'électricité, n'agissant pas en qualité de concessionnaire d'un service public, a réalisé les travaux pour son propre compte sans participer à une mission de service public ; que dès lors, les contrats conclus entre elle et le service de la navigation ne concernaient pas la réalisation de travaux ou d'ouvrages publics, bien que les piles de l'ouvrage aient été implantées dans le lit de la rivière et que la création d'une centrale thermique et de ses installations annexes à Richemont ait été déclarée d'utilité publique par un arrêté du 15 septembre 1951 ; que, d'autre part, la renonciation du maître de l'ouvrage à se prévaloir, pour le second contrat, à l'encontre de l'administration de la responsabilité prévue aux articles 1792 et 2270 du code civil, tels qu'en vigueur lors de la convention, doit être réputée non écrite et dès lors, ne peut constituer une clause exorbitante du droit commun ; qu'enfin les obligations résultant des autorisations d'occupation du domaine public quant aux caractéristiques de l'ouvrage et à la surveillance des travaux n'ont pas eu pour effet de soumettre les contrats de maîtrise d'oeuvre à un régime exorbitant ;
Considérant qu'il s'ensuit que ces contrats de louage d'ouvrage passés entre l'Etat et la société demanderesse de concours sont soumis aux règles du droit privé ; que dès lors, le litige, né de leur réalisation, ressortit à la juridiction de l'ordre judiciaire ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 19 novembre 1991 par le préfet de la Moselle est annulé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé de son exécution.