Vu, enregistrée le 9 août 1991 au secrétariat du Tribunal des conflits, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, transmet le dossier de la procédure opposant l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux à la Ligue nationale de football ;
Vu le déclinatoire de compétence présente le 20 juin 1991 par le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde, tendant à ce que le tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi d'une demande de l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision de la Ligue nationale de football en date du 24 mai 1991 portant rétrogradation en deuxième division de ladite association, décline la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande ;
Vu le jugement en date du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté le déclinatoire de compétence ;
Vu l'arrêté en date du 23 juillet 1991 par lequel le préfet de l région Aquitaine, préfet de la Gironde a élevé le conflit ;
Vu le jugement en date du 10 septembre 1991 par lequel le tribunal de grande instance de Bordeaux, au vu de l'arrêté de conflit, a sursis à toute procédure ;
Vu, enregistrées comme ci-dessus le 3 octobre 1991, les observations présentées par le ministre de la jeunesse et des sports, et tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit ; Vu, enregistrées comme ci-dessus le 3 décembre 1991, les observations présentées par la Fédération française de football et par la Ligue nationale de football, et tendant, à titre principal, à ce que le Tribunal des Conflits constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'affaire dont il a été saisi, et, à titre subsidiaire, à la confirmation de l'arrêté de conflit ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 et le décret du 26 octobre 1849, modifiée par le décret du 25 juillet 1960 ;
Vu la loi du 16 juillet 1984 ;
Vu le décret du 13 février 1985 modifié par le décret du 13 avril 1990 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Vught, membre du Tribunal,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Fédération française de football et de la ligue nationale de football, et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Association nouvelle des girondins de Bordeaux football club et de MM. X... et Y...,
- les conclusions de Mme Flipo, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la Fédération française de football et par la Ligue nationale de football :
Considérant que la double circonstance que la Ligue nationale de football ait pris le 5 juillet 1991 une nouvelle décision rétrogradant en deuxième division l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux et que la cour d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 2 juillet 1991, ait décliné la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de la procédure de référé engagée par l'association précitée à la suite de la décision de la Ligue en date du 24 mai 1991 prononçant sa rétrogradation en deuxième division n'est pas de nature à rendre sans objet la procédure de conflit positif engagée par le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde à la suite de jugement du 2 juillet 1991 par lequel le tribunal de grande instance de Bordeaux a refusé de décliner sa compétence pour connaître de l'action de l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision de la Ligue nationale de football en date du 24 mai 1991 ; que les conclusions à fin de non-lieu présentées devant le Tribunal des conflits par la Fédération française de football et par la Ligue nationale de football ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Sur la régularité de l'arrêté de conflit du préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que l'arrêté du 23 juillet 1991 par lequel le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde a élevé le conflit à la suite de la notification qui lui a été faite le 8 juillet 1991 du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 2 juillet 1991 a été adressé au procureur de la République le 23 juillet 1991 ainsi que les pièces qu'il visait ; qu'ainsi, le conflit a été élevé par le préfet dans le délai de quinze jours qui lui est imparti à cet effet par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er juin 1828 relative aux conflits d'attribution ;
Sur la compétence :
Considérant que les organismes privés qui, en vertu de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984, apportent leur concours aux personnes publiques chargées du développement des activités physiques et sportives et, spécialement, les fédérations sportives bénéficiant de l'habilitation prévue à l'article 17 de la loi, sont associés à l'exécution d'un service public administratif ; qu'il n'appartient, dès lors, qu'à la juridiction administrative de connaître des litiges relatifs aux décisions prises au nom de ces organismes lorsqu'elles constituent l'exercice d'une prérogative de puissance publique ; que la circonstance, alléguée par l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux, que l'application des dispositions des articles 1 et 2 du décret du 13 avril 1990 qui a modifié et complété celles du décret du 13 février 1985 fixant les conditions d'attribution et de retrait des délégations ministérielles prévues à l'article 17 de la loi précitée aurait eu pour conséquence, en l'espèce, de priver d'effet, à compter du 21 avril 1991, la délégation précédemment consentie par le ministre à la Fédération française de football, qui pouvait éventuellement entacher d'incompétence les actes intervenus après cette date en vertu d'une délégation caduque, ne saurait entraîner, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance de Bordeaux le 2 juillet 1991, une modification de la nature de ces actes pris pour l'exécution du service public dans l'exercice de prérogatives de puissance publique et d'en soustraire le contentieux à la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant, que la décision du 24 mai 1991 de la Ligue nationale de football rétrogradant en deuxième division l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux, qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir conféré à l'administration et qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale, ne saurait être regardée comme constitutive d'une voie de fait relevant, comme telle, de la compétence de juridictions judiciaires ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le conflit a été élevé à bon droit par le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde dans l'instance engagée le 17 juin 1991 par l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux devant le tribunal de grande instance de Bordeaux ;
Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 23 juillet 1991 par le préfet de la région Aquitaine, préfet de la Gironde est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Bordeaux par l'Association nouvelle des Girondins de Bordeaux et le jugement de ce tribunal en date du 2 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice qui est charge d'en assurer l'exécution.