LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 9 juillet 2025
Cassation
M. PONSOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 409 F-D
Pourvoi n° G 24-14.777
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUILLET 2025
1°/ Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 3],
2°/ la directrice générale des finances publiques, domiciliée [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° G 24-14.777 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2024 par la cour d'appel d'Orléans (Chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Oceanis JV, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et de la directrice générale des finances publiques, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Oceanis JV, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseillère, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 janvier 2024) et les productions, par un acte du 5 janvier 2007, la société Marguerite de Valois a acquis un ensemble immobilier composé de six bâtiments, en prenant l'engagement de revendre l'un de ces bâtiments dans les quatre ans de son achat et d'effectuer, dans ce même délai, des travaux de rénovation, de réhabilitation et de construction sur les autres bâtiments, la partie du prix portant sur l'immeuble à revendre étant soumise au tarif réduit des taxes de mutation prévu à l'article 1115 du code général des impôts et la partie du prix correspondant à l'acquisition des autres bâtiments étant exonérée de taxe de publicité foncière en application des dispositions de l'article 1594-0 G du même code.
2. Le 13 octobre 2011, la société Oceanis JV, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis l'intégralité des parts de la société Marguerite de Valois. Le 18 octobre 2011, elle a procédé à la dissolution sans liquidation de cette société, dont elle était devenue l'associée unique, cette dissolution entraînant la transmission universelle de son patrimoine à son profit.
3. Du 24 octobre 2013 au 9 avril 2014, la société Oceanis JV a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration fiscale a considéré que, faute de réalisation des travaux de construction dans les délais requis, l'impôt dont avait été exonérée la société Marguerite de Valois, aux droits de laquelle elle se trouvait, devenait exigible. Le 29 avril 2014, l'administration fiscale a alors adressé à la société Oceanis JV une proposition de rectification au titre de la taxe de publicité foncière, qui a été annulée et remplacée par une nouvelle proposition de rectification du 19 septembre 2016.
4. Le 3 avril 2018, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un montant de 173 015 euros, qui a été notifié à la société Oceanis JV, le 5 avril 2018.
5. Sa réclamation contentieuse ayant été rejetée, la société Oceanis JV a assigné l'administration fiscale aux fins de voir déclarer non fondée cette décision de rejet, d'annulation de l'avis de mise en recouvrement en cause, et d'obtenir la décharge de l'imposition et des pénalités contestées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La directrice générale des finances publiques fait grief à l'arrêt de prononcer, par substitution de motifs, la nullité de l'avis de mise en recouvrement du 3 avril 2018 et d'accueillir la demande de décharge des droits et pénalités qui ont été réclamés à la société Oceanis JV par cet avis, alors « que l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales précise : "l'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis" ; qu'en application de cette disposition, l'avis de mise en recouvrement qui comporte la mention de l'impôt réclamé, la période concernée, ainsi que la référence à la proposition de rectification, qui, elle, contient les moyens de droit et de fait permettant d'en apprécier le bien-fondé, remplit les conditions fixées par ce texte ; qu'en retenant l'existence d'un risque de confusion, alors que ces mentions essentielles figuraient sur l'avis de mise en recouvrement, la cour d'appel a violé l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales :
7. Il résulte de ce texte que l'AMR prévu à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, qui doit indiquer le montant des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet AMR et, lorsqu'il est consécutif à une procédure de rectification, faire référence à la proposition de rectification ainsi que, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications, doit permettre au contribuable de connaître les moyens de droit et de fait permettant d'apprécier le bien-fondé de l'imposition réclamée et d'identifier précisément la dette fiscale que l'administration s'apprête à recouvrer.
8. Pour prononcer la nullité de l'AMR du 3 avril 2018 et accueillir la demande de décharge des droits et pénalités formée par la société Oceanis JV, l'arrêt, après avoir relevé qu'au cas particulier, cet AMR mentionne avoir pour origine la proposition de rectification du 19 septembre 2016 et la réponse aux observations du contribuable du 3 mars 2017, relève que cet avis se réfère, au titre des taxes mises en recouvrement à : la « - taxe additionnelle à 0,20 % sur les droits départementaux d'enregistrement sur les mutations à titre onéreux d'immeubles : 5 920 euros ». L'arrêt en déduit que, tout en se référant à une proposition de rectification de la taxe de publicité foncière, l'AMR mentionne des droits d'enregistrement et comporte, en conséquence, une contradiction qui est source de confusion sur l'imposition applicable réclamée.
9. En statuant ainsi, alors que l'AMR ne mettait pas en recouvrement des droits d'enregistrement mais la taxe de publicité foncière et différentes taxes découlant de la soumission de l'opération à la taxe de publicité foncière, spécialement, la taxe perçue au profit de l'Etat de 0,2 % prévue par l'article 678 bis du code général des impôts pour les opérations donnant lieu à la perception d'un droit d'enregistrement ou d'une taxe de publicité foncière, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Oceanis JV aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Oceanis JV et la condamne à payer à la directrice générale des finances publiques la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.