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09/07/2025 | FRANCE | N°12500504

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juillet 2025, 12500504


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 9 juillet 2025








Cassation




Mme CHAMPALAUNE, présidente






Arrêt n° 504 F-D


Pourvoi n° D 23-23.417


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [X] [K] [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 octobre 202

3.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILL...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 9 juillet 2025

Cassation

Mme CHAMPALAUNE, présidente

Arrêt n° 504 F-D

Pourvoi n° D 23-23.417

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [X] [K] [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 octobre 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025

Mme [X] [K] [H], domiciliée chez M. et Mme [S], [Adresse 4], a formé le pourvoi n° D 23-23.417 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2023 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre B), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [K] [H], après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Ancel, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 mai 2023), Mme [X] [K] [H], se disant née le 12 décembre 2000 à [Localité 3] (République démocratique du Congo), de M. [E] [H] et de Mme [U] [D], a souscrit le 28 novembre 2018 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.

2. S'étant vu refuser le 29 mars 2019 l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française, elle a introduit une action contre le procureur de la République aux fins de se voir reconnaître la qualité de Française par application de l'article 21-12 du code civil.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [X] [K] [H] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française et de constater son extranéité, alors « que s'il résulte des articles 21-12 et 47 du code civil que nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française, y compris au titre d'une déclaration de nationalité souscrite sur le fondement du premier de ces articles, s'il ne justifie pas d'une identité certaine attestée par un acte de l'état civil fiable au sens du second de ces textes, cette exigence relève des conditions de fond posées pour l'acquisition de la nationalité française et non de la recevabilité de la déclaration et s'apprécie à la date où ces conditions de fond sont examinées en tenant compte, le cas échéant, de tout document utile qui aurait pu être produit postérieurement à cette déclaration ; qu'en retenant que les conditions posées par l'article 21-12 précité doivent être réunies à la date de la déclaration pour que celle-ci puisse être enregistrée et en refusant en conséquence de tenir compte des actes d'état civil produits postérieurement à cette déclaration, la cour d'appel a violé des articles 21-12 et 47 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 21-12 du code civil et 16 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 :

4. Il résulte du premier texte que peut réclamer la nationalité française, par déclaration souscrite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, jusqu'à sa majorité et à condition qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance.

5. Aux termes de l'article 16 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, le déclarant fournit pour souscrire la déclaration prévue à l'article 21-12 du code civil, son acte de naissance.

6. Il se déduit de ces textes que si le déclarant doit justifier d'un état civil certain pour souscrire la déclaration de nationalité susvisée, et de sa minorité au jour de sa souscription, il n'est pas privé, en cas de contestation par le ministère public, de la faculté d'en justifier après sa majorité.

7. Pour dire que Mme [X] [K] [H] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 21-12 du code civil et constater son extranéité, l'arrêt retient que les conditions posées par cet article doivent être réunies au jour de la déclaration d'acquisition de la nationalité française pour que celle-ci puisse être enregistrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le jugement supplétif du 11 septembre 2019 ainsi que l'acte de naissance dressé en exécution de ce jugement, ayant été établis postérieurement à la déclaration d'acquisition de la nationalité souscrite le 28 novembre 2018.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

9. Mme [X] [K] [H] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que la légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ; qu'en retenant tout à la fois que l'acte de naissance et le jugement supplétif avaient donné lieu à une "légalisation par la vice consule cheffe de la Chancellerie de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo" mais que cette légalisation aurait eu lieu "sans qu'il ne soit toutefois fait référence à la signature légalisée", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant au point de savoir si la vice consule a ou non authentifié la signature et la qualité du signataire des actes litigieux et légalisé ces derniers et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte des termes clairs et précis de l'acte de naissance, de sa copie certifié, du jugement supplétif et de la signification et de l'acte de non-appel de ce jugement qu'y figure un timbre mentionnant "légalisation" apposé par la vice consule cheffe de la Chancellerie de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo le 20 décembre 2020 accompagné de sa signature ; qu'en exigeant que ce timbre et cette signature fassent référence à la "signature légalisée", la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et a ainsi violé l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 II de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice modifié par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et l'article 455 du code de procédure civile :

10. Le premier texte dispose :

« II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Les recours contentieux relatifs aux refus de légalisation opposés par une autorité française sont portés devant la juridiction administrative.

Un décret en Conseil d'État, pris après consultation de l'Assemblée des Français de l'étranger ou, dans l'intervalle des sessions, de son bureau, précise les actes publics concernés par le présent II et définit les modalités de la légalisation. »

11. Il résulte du second texte que tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

12. Pour refuser l'enregistrement de la déclaration de la nationalité française souscrite par Mme [X] [K] [H], l'arrêt retient que celle-ci a communiqué une copie certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° R.C.G. 4.792/II rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de paix de Kinshasa/Matete, sur requête du 10 septembre 2019 de M. [F] [R] [T] [V], déclarant qu'elle est née le 12 décembre 2000 à [Localité 3], de l'union conjugale de M. [E] [H] et de Mme [U] [D], ainsi qu'un acte de naissance n° [Numéro identifiant 2] dressé le 16 octobre 2019 par l'officier de l'état civil de la commune de Limete suivant jugement supplétif du 11 septembre 2019 et une copie intégrale d'acte de naissance n° [Numéro identifiant 2] établie le 16 octobre 2019 par le même officier d'état civil, que ces trois actes portent mention de la légalisation le 28 octobre 2019 de la signature du greffier certificateur et de celle de l'officier de l'état civil par un notaire et de la légalisation de la signature du notaire par le premier secrétaire d'ambassade du ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo et enfin d'une légalisation par la vice-consule cheffe de la Chancellerie de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo du 20 décembre 2019, sans qu'il ne soit toutefois fait référence à la signature légalisée de sorte que leur légalisation est irrégulière.

13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté la légalisation par la vice-consule cheffe de la Chancellerie de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo du 20 décembre 2019, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. Mme [X] [K] [H] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en retenant que heurte la conception française de l'ordre public international le jugement supplétif d'acte de naissance dont la motivation ne fait pas état des vérifications et de l'enquête préalable prévues par l'article 106 du code de la famille congolais et d'aucun élément sur l'état civil des parents, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil et la conception française de l'ordre public international. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 509 du code de procédure civile et les principes de régularité internationale des jugements étrangers :

15. En contrôlant la régularité internationale d'un jugement étranger, le juge ne peut se livrer à une appréciation de la motivation de ce jugement, constitutive d'une révision au fond de la décision d'une juridiction étrangère qui est prohibée.

16. Pour refuser l'enregistrement de la déclaration de la nationalité française souscrite par Mme [X] [K] [H], l'arrêt retient que la motivation du jugement supplétif d'acte de naissance ne fait état d'aucune vérification ni enquête préalable prévue par l'article 106 du code de la famille congolais, alors même que plusieurs actes d'état civil avaient été précédemment annulés et qu'une procédure était en cours devant les juridictions françaises concernant son état civil, ni d'aucun des éléments sur l'état civil des parents figurant pourtant dans l'acte de naissance et la copie intégrale d'acte de naissance dont ils sont censés être la simple transcription.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à une révision au fond du jugement étranger, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500504
Date de la décision : 09/07/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 25 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2025, pourvoi n°12500504


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500504
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