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09/07/2025 | FRANCE | N°12500372

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juillet 2025, 12500372


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 9 juillet 2025








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 372 FS-D


Pourvoi n° F 23-22.062














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025


La société TMR International Consultant, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-22.062 contre le jugement n° ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 9 juillet 2025

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 372 FS-D

Pourvoi n° F 23-22.062

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2025

La société TMR International Consultant, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 23-22.062 contre le jugement n° RG : 21/04887 rendu le 2 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Marseille (pôle de proximité), dans le litige l'opposant à la société Costa Crociere SPA, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Italie), ayant un établissement en France, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations écrites et les plaidoiries de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société TMR International Consultant, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Costa Crociere SPA, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Kass-Danno, conseillères référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Tifratine, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal judiciaire de Marseille, 2 décembre 2022) et les productions, la société TMR International Consultant (la société TMR), a vendu à M. et Mme [B] un voyage à forfait consistant en une croisière en mer du 12 au 22 octobre 2020 (TMR2), sur un bateau de la société de droit italien Costa Crociere, loué à la société Tartacover appartenant au même groupe que la société TMR.

2. À la suite de la survenue de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, un avenant au contrat existant entre les sociétés TMR, Costa Crociere et Tartacover relatif à l'organisation des croisières a été conclu, le 3 septembre 2020, entre ces sociétés, l'itinéraire de la croisière TMR2 a été modifié et celle-ci a finalement été interrompue, le 16 octobre 2020, par la société Costa Crociere.

3. Le 2 avril 2021, un accord est intervenu entre les mêmes sociétés consécutivement à l'interruption ou à l'annulation des croisières prévues comportant la restitution par la société Costa Crociere d'une somme de 4 294 680 euros à la société Tartacover.

4. Le 26 août 2021, M. et Mme [B] ont assigné la société TMR en remboursement d'une partie du prix de la croisière TMR2. La société TMR a assigné la société Costa Crociere en garantie.

5. Les demandes de M. et Mme [B] ont été accueillies.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

7. La société TMR fait grief au jugement de rejeter sa demande de garantie, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 211-16, I, alinéa 4, du code du tourisme, lorsqu'un organisateur ou un détaillant verse des dommages et intérêts, accorde une réduction de prix ou s'acquitte des autres obligations qui lui incombent, il peut demander réparation à tout tiers ayant contribué au fait à l'origine de l'indemnisation, de la réduction de prix ou d'autres obligations ; que, pour débouter la société TMR de son appel en garantie contre la société Costa Crociere, le tribunal a énoncé qu'en sa qualité de "prestataire de services", la disposition précitée ne lui était pas applicable et qu'elle ne répondait que de sa faute, sur le terrain de sa responsabilité délictuelle ; qu'en refusant ainsi d'admettre que la société Costa Crociere était un tiers à la relation contractuelle entre l'agence de voyage et son client et devait répondre de son fait à l'origine de l'indemnisation du voyageur, le tribunal judiciaire a violé la disposition susvisée par fausse interprétation ;

2°/ que, en toute hypothèse, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la société TMR international consultant a fait valoir que, lors de la signature de l'avenant du 3 septembre 2021 ayant pour objet l'organisation des croisières litigieuses, la société Costa Crociere "avait pris en considération le risque épidémique puisqu'elle faisait valoir ses compétences particulières en termes de prévention et de traitement des conséquences de la crise sanitaire", ce qui était établi par un communiqué de presse du 25 août 2020, dans lequel elle "faisait part de la certification RINA BIO SAFETY TRUST dont elle était la première à être titulaire", et indiquait : "Afin d'obtenir la certification du RINA, des modules de formation spécifiques pour les équipages ont été créés dans le strict respect des nouveaux protocoles sanitaires et du système de gestion de bord mis en place par Costa. Ces programmes de formation renforcent les procédures strictes déjà en place à bord des navires, dans les terminaux d'embarquement et lors des excursions à terre, introduites avec le protocole de sécurité Costa. Ce nouveau protocole sanitaire a été développé par Costa, avec le soutien scientifique d'experts indépendants, en réponse à la crise du Covid-19", de sorte que la publication de ces informations "incitait ses cocontractants et les voyageurs à placer en elle sa confiance quant à sa capacité de gestion du risque épidémique à bord" ; qu'en statuant comme il l'a fait, pour exonérer la société Costa Crociere de sa responsabilité, sans se prononcer sur les éléments invoqués par l'agent de voyage, de nature à établir sa faute, le tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ en toute hypothèse, que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses conclusions, la société TMR international consultant a souligné que la société Costa Crociere "s'était présentée comme la première ? et la seule ? à être en mesure de gérer le risque épidémique à bord, en isolant puis en débarquant les personnes testées positives au cours de la croisière" ; qu'elle a invoqué les termes d'une "foire aux questions" établie par le voyagiste, suivant lesquels : "Si un client présente des symptômes de Covid-19, que se passe-t-il ? Si un client présente des symptômes similaires à ceux du Covid-19, il ou elle sera immédiatement transféré(e) à la salle d'isolement dédiée au sein du centre médical à bord du navire ; il/elle pourra ensuite être placé(e) en isolement dans des cabines spécifiques avec balcons, déjà identifiées à cet effet sur chacun de nos navires. Même ceux/celles qui ont été en contact étroit et direct avec des personnes symptomatiques seront traité(e)s au centre médical et, si nécessaire, transféré(e)s en isolement dans des cabines réservées à cet effet. Si un client est testé positif au test de dépistage "rapide'' par prélèvement, que se passe-t-il ? Si un client est testé positif à partir d'un prélèvement il sera immédiatement isolé et débarqué au premier port disponible en coordination avec les autorités sanitaires à terre, en suivant toutes les procédures appropriées avec un transfert protégé et un rapport à l'ASL afin que la quarantaine puisse être réalisée à domicile ou dans un établissement hospitalier à terre. Par mesure de précaution, la même procédure sera également adoptée pour les compagnons de voyage figurant sur la même réservation. Le navire suivra alors le protocole d'urgence qui a déjà été prédéfini selon les protocoles convenus avec les autorités.", ce dont elle a déduit que "la présence à bord de deux personnes prétendument testées positives au Covid-19 n'était en aucun cas une cause légitime et proportionnée d'interruption et d'annulation des croisières TMR2 et TMR3", dès lors que "leur isolement puis leur débarquement au prochain port, était la solution idoine aux termes mêmes du protocole sanitaire de Costa" ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions de nature à établir la faute commise par la société Costa Crociere, le tribunal judiciaire a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, conformément au 2° du III de l'article L. 211-14 du code du tourisme, l'organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués, mais il n'est pas tenu à une indemnisation supplémentaire s'il est empêché d'exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résolution du contrat au voyageur dans les meilleurs délais avant le début du voyage ou du séjour.

9. Cette disposition transpose l'article 12, § 3, b), de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil.

10. La pandémie de Covid-19 peut, en tant que telle, être considérée comme susceptible de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de l'article 12 de la directive 2015/2302 (CJUE, 8 juin 2023, UFC - Que Choisir et CLCV, C 407/21, point 45). Eu égard au risque grave qu'elle représente pour la santé humaine, elle peut constituer un événement en raison duquel l'organisateur est « empêché d'exécuter le contrat », au sens de l'article 12, paragraphe 3, sous b), de cette directive, indépendamment du fait qu'elle ne soit pas nécessairement de nature à rendre cette exécution objectivement impossible (CJUE, 4 octobre 2024, GF C-546/22, point 50).

11. Selon l'article R. 211-10 du code du tourisme, l'organisateur ou le détaillant procède aux remboursements requis en vertu du 2° du III de l'article L. 211-14 du même code.

12. Il doit en aller de même si l'organisateur se trouve empêché de poursuivre l'exécution du contrat en raison de telles circonstances exceptionnelles et inévitables.

13. Ainsi, en cas d'inexécution partielle des prestations en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, tant l'agence de voyage que l'organisateur du voyage sont tenus de rembourser au voyageur la somme correspondant aux prestations qui n'ont pas été exécutées.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-16, I, alinéa 1er, de ce code, le professionnel qui vend un forfait touristique mentionné au 1° du I de l'article L. 211-1 est responsable de plein droit de l'exécution des services prévus par ce contrat, que ces services soient exécutés par lui-même ou par d'autres prestataires de services de voyage, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

15. Ce texte, ayant admis un droit au recours de l'agence de voyage, n'a prévu ni en son alinéa 1 ni en son alinéa 4 les conditions de ce recours. La Cour de cassation a jugé que l'agence de voyage, qui avait indemnisé une passagère victime d'un accident de la circulation lors d'un voyage à forfait, pouvait agir en garantie contre l'organisateur de ce voyage à charge pour elle d'apporter la preuve de la faute commise par cet organisateur (1re Civ., 15 mars 2005, pourvoi n° 02-15.940, Bull. 2005, I, n° 138).

16. Or, en droit commun, la contribution à la dette de personnes responsables sans faute d'un même dommage se répartit en principe entre elles à parts égales (1re Civ., 26 novembre 2014, pourvoi n° 13-18.819, Bull. 2014, I, n° 198 ; 1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi n° 12-14.219, Bull. 2013, I, n° 78).

17. De plus, dès lors que l'agence de voyage et l'organisateur du voyage sont tenus à l'égard du voyageur de la même responsabilité de plein droit, il n'y a pas lieu de faire dépendre le régime du recours entre eux du choix du voyageur d'assigner l'une ou l'autre.

18. Il y a donc lieu de juger désormais que ce recours n'est pas soumis à l'exigence d'une faute.

19. Il se déduit de ce qui précède que, en cas d'interruption du voyage en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, l'agence de voyage ayant désintéressé le voyageur peut obtenir de l'organisateur de voyage le remboursement des sommes que l'organisateur a reçues au titre de prestations qu'il devait assurer et qui n'ont pas été exécutées.

20. Dès lors, d'une part, que le tribunal a fait ressortir l'existence de circonstances exceptionnelles et inévitables qui justifiaient l'interruption de la croisière par la société Costa Crociere et ouvraient droit, en conséquence, à un remboursement partiel de M. et Mme [B] sans indemnisation supplémentaire, d'autre part, qu'un accord a été conclu par les parties à propos du remboursement des sommes perçues par la société Costa Crociere pour l'exécution des prestations annulées ou interrompues, il en résulte que la demande en paiement contre cette société ne pouvait qu'être rejetée.

21. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le jugement se trouve légalement justifié, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société TMR International Consultant aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé publiquement le neuf juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par la présidente et Mme Duval-Arnould, conseillère doyenne, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500372
Date de la décision : 09/07/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Marseille, 02 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2025, pourvoi n°12500372


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500372
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