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26/06/2025 | FRANCE | N°22500677

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 juin 2025, 22500677


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


CH10






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 26 juin 2025








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 677 F-B


Pourvoi n° M 22-17.463








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



r> ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025


Mme [H] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-17.463 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CH10

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 26 juin 2025

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 677 F-B

Pourvoi n° M 22-17.463

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

Mme [H] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-17.463 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2022), le 6 février 2018, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse) a notifié à Mme [L] (l'assurée), affiliée au cours de sa carrière au régime général et au régime des salariés agricoles, une pension de vieillesse, dont elle a contesté le montant devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches

Enoncé du moyen

3. L'assurée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :

« 3°/ que le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui implique un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et le droit reconnu aux États de réglementer sa mise en oeuvre conformément à l'intérêt général (Civ.2 2 juin 2022 n° 21-16.072 B-R Civ.2 6 janvier 2022 n° 19-24.501 B-R Civ.2 25 novembre 2021 n° 20-17.234 B-R p. 176-178 Civ.2 12 mai 2021 n° 19-20.938 B-R p. 173-175) ; que les droits à pension sont « acquis en contrepartie du paiement des cotisations et doivent être regardés comme l'étant au fur et à mesure de leur versement » (Civ.2 2 juin 2022 n° 21-16.072 B-R) ; qu'ainsi, pour un mono-actif qui relève du régime général, « le salaire servant de base au calcul de la pension est celui correspondant, pour chaque année prise en compte, aux cotisations versées par le salarié au titre des gains et rémunérations perçus au cours de cette année, sans que ce salaire puisse excéder, le cas échéant tous emplois confondus, le montant du plafond mentionné au premier alinéa de l'article L. 241-3 en vigueur au cours de cette année » mais cette règle de plafonnement, instituée par l'article 3 du Décret n° 2005-1351 du 31 octobre 2005, est uniquement « applicable aux salaires perçus à compter du 1er janvier 2005 » ; qu'à l'inverse, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale dispose que « lorsqu'un assuré relève ou a relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants et demande à liquider l'un de ses droits à pension de vieillesse auprès d'un des régimes concernés, il est réputé avoir demandé à liquider l'ensemble de ses pensions de droit direct auprès desdits régimes - pour le calcul du total des droits à pension, sont additionnés, pour chaque année civile (...) les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme puisse excéder le montant du plafond annuel défini au premier alinéa de l'article L. 241-3 en vigueur au cours de chaque année considérée (...) le présent article est applicable aux assurés nés à compter du 1er janvier 1953 » ; que, si le plafonnement des revenus pris en compte pour la détermination de la retraite des poly-actifs contribue à l'équilibre financier des régimes auxquels ceux-ci ont été simultanément ou alternativement affiliés, néanmoins, le caractère rétroactif de ce plafonnement - qui a été écarté pour les mono-actifs du régime général - porte une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but qu'il poursuit, et ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts en présence ; que la cour d'appel a relevé « qu'il ressort des conclusions et des pièces de l'appelante qu'elle ne conteste pas avoir cotisé successivement au régime des salariés agricoles et au régime général des salariés et qu'elle est née après le 1er janvier 1953 - dès lors, c'est à bon droit que la Cnav a mis en oeuvre le texte susvisé pour la liquidation de ses droits à retraite » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale et, par refus d'application, l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale dispose que « lorsqu'un assuré relève ou a relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants et demande à liquider l'un de ses droits à pension de vieillesse auprès d'un des régimes concernés, il est réputé avoir demandé à liquider l'ensemble de ses pensions de droit direct auprès desdits régimes - pour le calcul du total des droits à pension, sont additionnés, pour chaque année civile (...) les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme puisse excéder le montant du plafond annuel défini au premier alinéa de l'article L. 241-3 en vigueur au cours de chaque année considérée (...) le présent article est applicable aux assurés nés à compter du 1er janvier 1953 » ; que, dans ses écritures, la cotisante faisait valoir que « les mots ont un sens - il est indiqué que pour « chaque année considérée » il faut prendre en compte les salaires de « chacun des régimes », ce qui suppose donc qu'il y ait eu au cours de l'année considérée plusieurs régimes ? Ainsi, en application de cet alinéa 3, s'il n'y a pas au cours d'une année considérée de cumul entre deux régimes différents, il ne peut y avoir de plafonnement pour cette année. Si, en revanche, comme cela est souvent le cas avec les personnes véritablement poly pensionnées (à la différence de l'assurée), il y a au cours de la même année des cotisations dans plusieurs régimes distincts, il y a plafonnement. Il sera rappelé que c'est bien le sens du texte de loi ayant instauré cet article que de prévoir le cas de cumul entre plusieurs régimes sur une même période. Or, en l'espèce, force est de constater que pour aucune des années considérées pour le calcul de la pension de l'assurée il n'y a cumul de revenus issus de plusieurs régimes distincts. Ainsi, en tout état de cause, il ne peut y avoir plafonnement dans le cas de l'assurée » (conclusions p. 4-5) ; que la cour d'appel s'est bornée à relever « qu'il ressort des conclusions et des pièces de l'appelante qu'elle ne conteste pas avoir cotisé successivement au régime des salariés agricoles et au régime général des salariés et qu'elle est née après le 1er janvier 1953. Dès lors, c'est à bon droit que la Cnav a mis en oeuvre le texte susvisé pour la liquidation de ses droits à retraite » ; qu'en s'abstenant de rechercher - comme elle y était expressément invitée - si la cotisante, pour une année donnée, avait cumulé des revenus de plusieurs activités, justifiant le plafonnement de leur cumul, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale, lorsqu'un assuré relève ou a relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants et demande à liquider l'un de ses droits à pension de vieillesse auprès d'un des régimes concernés, il est réputé avoir demandé à liquider l'ensemble de ses pensions de droit direct auprès desdits régimes. Pour le calcul du total des droits à pension, sont notamment additionnés, pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation à l'assurance vieillesse auprès d'un des régimes concernés : 3°- les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme puisse excéder le montant du plafond annuel défini au premier alinéa de l'article L. 241-3 du même code en vigueur au cours de chaque année considérée.

5. Cette disposition, applicable aux assurés nés à compter du 1er janvier 1953 dont la pension de retraite n'était pas liquidée au 1er juillet 2017, instaure un dispositif de liquidation unique des régimes alignés, ayant pour objet de soumettre au même traitement, à effort contributif égal, les assurés affiliés à un seul régime de retraite et ceux affiliés à plusieurs, dès lors qu'ils relèvent de régimes à règles comparables.

6. A cet effet, ont été adoptées de nouvelles modalités de calcul des droits à pension pour certaines catégories d'assurés, notamment l'exclusion du salaire ou revenu annuel moyen de la fraction des salaires ou revenus dépassant le plafond annuel de la sécurité sociale, l'assuré eût-il cotisé sur cette fraction.

7. Cette exclusion s'opère pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation à l'assurance vieillesse auprès d'un des régimes concernés, dès lors que l'assuré a relevé, au cours de sa carrière, successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants.

8. Le pourvoi interroge sur la conformité de ce dispositif à l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant que les nouvelles modalités de calcul du revenu annuel moyen s'appliquent rétroactivement aux revenus perçus avant le 1er juillet 2017.

9. Aux termes de ce texte, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

10. Le droit individuel à pension d'une personne assujettie à titre obligatoire à un régime de retraite à caractère essentiellement contributif constitue un intérêt patrimonial substantiel entrant dans le champ d'application de ces dispositions, qui impliquent un rapport raisonnable de proportionnalité, exprimant un juste équilibre entre ce droit individuel et les exigences de financement du régime de retraite considéré.

11. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le législateur peut modifier les conditions d'obtention des pensions dans un sens plus restrictif, sous réserve qu'il ne porte pas aux droits à pension une atteinte telle que la substance de ces droits serait elle-même remise en cause (notamment, CEDH, 22 octobre 2009, Apostolakis c. Grèce, 39574/07, § 41).

12. Le dispositif de liquidation unique, qui s'autorise des motifs d'intérêt général tirés de l'équilibre financier des régimes de retraite concernés et de l'égalité de traitement des retraités relevant de ces différents régimes, ne prive pas l'assuré de son droit à pension.

13. Dès lors, il y a lieu de considérer que l'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale ne porte pas une atteinte excessive au droit fondamental garanti en considération du but poursuivi, et ménage un juste équilibre entre les intérêts en présence.

14. En retenant que les nouvelles modalités de calcul du revenu annuel moyen étaient applicables à l'assurée, qui, au cours de sa carrière, avait été affiliée successivement au régime des salariés agricoles et au régime général des salariés, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a, sans méconnaître l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, légalement justifié sa décision.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500677
Date de la décision : 26/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

L'article L. 173-1-2 du code de la sécurité sociale instaure un dispositif de liquidation unique des régimes alignés, ayant pour objet de soumettre au même traitement, à effort contributif égal, les assurés affiliés à un seul régime de retraite et ceux affiliés à plusieurs, dès lors qu'ils relèvent de régimes à règles comparables. A cet effet, ont été adoptées de nouvelles modalités de calcul des droits à pension pour certaines catégories d'assurés, notamment l'exclusion du salaire ou revenu annuel moyen de la fraction des salaires ou revenus dépassant le plafond annuel de la sécurité sociale, l'assuré eût-il cotisé sur cette fraction. Cette exclusion, qui s'applique rétroactivement aux revenus perçus avant le 1er juillet 2017, s'opère pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation à l'assurance vieillesse auprès d'un des régimes concernés, dès lors que l'assuré a relevé, au cours de sa carrière, successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants. Ce dispositif ne porte pas une atteinte excessive au droit fondamental garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en considération du but poursuivi, et ménage un juste équilibre entre les intérêts en présence


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 avril 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 jui. 2025, pourvoi n°22500677


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500677
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