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25/06/2025 | FRANCE | N°52500692

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 juin 2025, 52500692


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 25 juin 2025








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 692 F-D


Pourvoi n° N 24-16.115








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___

______________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025


M. [W] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-16.115 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2024 par la cour d'appel de Poitiers (ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 25 juin 2025

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 692 F-D

Pourvoi n° N 24-16.115

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025

M. [W] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 24-16.115 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2024 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [D], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [P] [D], prise en qualité de liquidatrice judiciaire de M. [I] [N],

2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 3], dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Laplume, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 131-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 4 avril 2024), M. [V] a travaillé pour M. [I] [N], exploitant agricole, et pour la société [N] (la société) dont ce dernier était le gérant. Il n'a pas été établi de contrat de travail écrit.

2. Par lettre du 13 janvier 2018, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

3. Après avoir obtenu en justice condamnation de la société au paiement de rappels de salaires, le salarié a, le 8 avril 2019, saisi la juridiction prud'homale de demandes formées à l'encontre de M. [N] relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

4. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de M. [N], la société [D] étant désignée en qualité de liquidatrice.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre d'un rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêt pour préjudice moral et financier, alors : « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le salarié fournissait le nombre annuel d'heures de travail qu'il soutenait avoir réalisées sur les années 2015 à 2018, et qu'il produisait ses agendas des années 2017 et 2018, la cour d'appel a néanmoins retenu que "les éléments présentés par M. [V] ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments" aux motifs inopérants que le salarié ne fournissait pas le moindre détail des heures de travail réalisées par jour, par semaine ou par mois, qu'il était impossible de déterminer le calcul du salarié pour aboutir au nombre d'heures supplémentaires réclamées ainsi que les majorations applicables, que les agendas ne concernent que les années 2017 et 2018, que le salarié reconnaissait qu'il n'était pas en mesure de déterminer au quotidien pour qui il travaillait, que ses demandes avaient évolué depuis sa requête initiale et qu'il n'aurait pas tenu compte dans son chiffrage des sommes perçues au cours de sa relation avec M. [N] ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt relève que le salarié affirme que la condamnation prononcée par la cour après requalification de la relation de travail conclue avec la société en contrat de travail à temps complet ne l'a pas rempli de ses droits, dans la mesure où il effectuait des heures supplémentaires au-delà d'un temps complet. Il ajoute que l'intéressé soutient que s'il a obtenu de la cour la condamnation de la société à lui payer un rappel de salaire sur la base d'un total de 1 607 heures par an, il a effectué en réalité 2 851 heures en 2015, 3 290 heures en 2016, 2 984 heures en 2017 et 91 heures en 2018, avec par conséquent un nombre d'heures supplémentaires restant dues de 1 244 heures en 2015, 1 687 heures en 2016 et 1 380 heures en 2017.

10. Il retient que le salarié se borne à fournir le nombre d'heures de travail annuel qu'il prétend avoir réalisées sur les années 2015 à 2018 sans produire le moindre détail par jour, par semaine ou par mois et qu'aucune des pièces produites ne permet d'aboutir à son chiffrage. Il constate que l'intéressé reconnaît qu'il n'était pas en mesure de déterminer au quotidien pour qui il travaillait et observe que les heures supplémentaires réclamées ont donc été autant réalisées pour le compte de M. [N] que pour celui de la société. Il conclut que les éléments présentés ne sont pas suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié fournissait le nombre d'heures de travail annuel qu'il prétendait avoir réalisées sur les années 2015 à 2018 pour la société et M. [N], qu'il indiquait travailler en moyenne dix à onze heures par jour, en ce compris les samedis et dimanches ainsi que les jours fériés, presque sur les douze mois de l'année, qu'il ajoutait n'avoir jamais eu droit à un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures, ni à un repos le dimanche et n'avoir jamais bénéficié de congés payés, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande au titre d'un rappel de salaires pour heures supplémentaires outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il condamne M. [V] aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 4 avril 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société [D], en sa qualité de liquidatrice judiciaire de M. [I] [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [D], ès qualités, à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500692
Date de la décision : 25/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 04 avril 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 jui. 2025, pourvoi n°52500692


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500692
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