LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-85.456 F-D
N° 00872
ODVS
24 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 JUIN 2025
M. [B] [E] et l'association [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 310 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 mai 2024, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs notamment, pour le premier, d'infractions au code de l'éducation et de pratiques commerciales trompeuses, pour la seconde, de pratique commerciale trompeuse et recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la contestation de recevabilité de parties civiles.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de l'association [1] et M. [B] [E], les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mmes [O] [I] et [F] [M], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. [B] [E] et l'association [1] ([1]) ont été mis en examen des chefs susvisés.
3. Le juge d'instruction a déclaré recevables les constitutions de partie civile, notamment, de l'[6] et de quatorze personnes ayant bénéficié des prestations du [1].
4. Le [1] a relevé appel de cette décision et M. [E] a produit un mémoire au soutien de cet appel.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes du [1] et de M. [E] d'irrecevabilité des constitutions des parties civiles et a déclaré recevables en l'état les constitutions de partie civile, alors « que la chambre de l'instruction doit entendre les avocats des parties ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'à l'audience, « Me Catherine Grellier, conseil de [B] [E], mis en examen, appelant » a été entendue, mention dont il ne résulte pas que le conseil de l'association [1], qui était seule appelante et qui n'était pas représentée par M. [E], ait été entendu, en violation de l'article 199 du code de procédure pénale et de l'article 6, § 3 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte, d'une part, des mentions de l'arrêt attaqué, statuant sur l'appel du [1], que les deux personnes mises en examen avaient le même avocat, qui a été entendu lors de l'audience unique au cours de laquelle les appels de ces deux personnes ont été évoqués, d'autre part, qu'il avait présenté un mémoire commun à ses clients.
8. Dès lors, la circonstance que l'arrêt statuant sur l'appel du [1] mentionne par erreur que l'avocat a été entendu en sa qualité de conseil de M. [E] n'est pas de nature à établir la violation des textes invoqués par le moyen.
9. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et du [1] d'irrecevabilité des constitutions de partie civile de quatre personnes morales (la [4], le [5], le [2], et la [3]) et a déclaré recevables en l'état les constitutions de ces parties civiles, alors :
« 1°/ que pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il faut que soit possible l'existence d'un préjudice en relation directe avec l'infraction ; qu'en jugeant recevables les constitutions de parties civiles de la [4], du [5], du [2] et de la [3], cependant que les préjudices qu'ils invoquaient ¿ atteinte à la qualité de la formation, atteinte à la confiance dans la formation et préjudice d'image de la profession ¿ étaient sans rapport direct avec les infractions de tromperie, de pratique commerciale trompeuse et de publicité, réprimées par le code de la consommation et le code de l'éducation, qui ont pour objet exclusif la protection des consommateurs et des étudiants, et non la protection des intérêts plus lointains des professionnels, la cour d'appel a violé les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale ;
2°/ que pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il faut que soit possible l'existence d'un préjudice en relation directe avec l'infraction telle qu'elle est poursuivie suivant les termes de la prévention ; qu'en considérant que le préjudice d'atteinte à la qualité de la formation, à la confiance et à l'image invoqués par les instances professionnelles rendraient recevables leurs constitutions de partie civile aux motifs qu' « il est prétendu que le [1] délivre un diplôme reconnu par l'ensemble des Etats de l'Union européenne », quand le [1] n'était pas poursuivi pour avoir affirmé délivrer un diplôme, ce que cette association n'a jamais prétendu faire, mais pour avoir permis l'obtention d'un diplôme par une université portugaise, conformément au droit de l'Union européenne, la cour d'appel, qui a recherché l'existence d'un lien causal entre le préjudice allégué et des faits distincts de ceux objet de la poursuite, a violé les articles 2, 3 et 85 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré recevables les constitutions de partie civile de la [4], du [5], du [2] et de la [3], l'arrêt attaqué énonce qu'il s'agit d'organisations professionnelles qui indiquent assurer la défense des intérêts moraux et matériels de leurs professions, en ce compris la capacité professionnelle des praticiens.
12. Les juges ajoutent que ces organisations soutiennent que les infractions pour lesquelles le [1] et M. [E] ont été mis en examen seraient de nature à porter atteinte à la qualité et à la confiance en la formation reçue par les praticiens.
13. Ils en déduisent que les organisations concernées, dont la raison d'être est de protéger les intérêts collectifs des professions qu'elles défendent, notamment le niveau de compétence technique et la qualité de la formation des praticiens, font état d'un préjudice pouvant directement résulter des infractions poursuivies, en particulier un préjudice d'image de la profession.
14. C'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que l'infraction de tromperie était susceptible d'être à l'origine d'un préjudice direct pour les organisations professionnelles.
15. L'arrêt n'encourt cependant pas la censure.
16. En effet, d'une part, les infractions au code de l'éducation et notamment le non-respect des règles de déclaration préalable ou l'utilisation abusive de l'appellation d'université, qui font l'objet de l'information, sont susceptibles d'être à l'origine d'un préjudice direct pour ces organisations professionnelles, dès lors que les formations proposées par les personnes mises en examen préparaient aux professions dont ces organisations sont chargées de défendre les intérêts collectifs.
17. D'autre part, ces organisations peuvent exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'elles représentent.
18. En l'espèce, l'infraction de tromperie quant à la nature des formations dispensées est susceptible d'être à l'origine d'un préjudice indirect aux intérêts collectifs des professions que représentaient les parties civiles.
19. Ainsi, le moyen doit être écarté.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que l'association [1] et M. [E] devront payer à Mmes [O] [I] et [F] [M] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-cinq.