LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
AX
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 18 juin 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 350 F-D
Pourvoi n° B 23-23.967
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 JUIN 2025
La Caisse de crédit mutuel Arthon Chauvé Chéméré, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 23-23.967 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2023 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [H],
2°/ à Mme [M] [D] épouse [H],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Caisse de crédit mutuel Arthon Chauvé Cheméré de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [H], de Mme [D], après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 octobre 2023), par un acte authentique du 30 décembre 2011, la Caisse de crédit mutuel Arthon Chauvé Chéméré (la banque) a consenti à la société Jadeflor (la société) une ouverture de crédit de trésorerie n° 203 d'un montant variant par paliers de 50 000 à 432 000 euros selon les périodes de l'année en cours.
2. Par avenant du 30 novembre 2012, la banque et la société sont convenues de modifier le montant des paliers et, par un acte sous seing privé du 13 décembre 2012 incorporé à l'avenant, M. [N] [H] et Mme [D], épouse [H] (M. et Mme [N] [H]), se sont rendus cautions solidaires en garantie de ce crédit dans la limite de 100 000 euros.
3. La société ayant été placée en procédure de sauvegarde, puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement les cautions, qui lui ont opposé la disproportion manifeste de leurs engagements à leurs biens et revenus.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait pas se prévaloir des engagements de caution du 13 décembre 2012 garantissant le prêt n° 203 et de rejeter sa demande y afférente, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, par [acte] authentique du 30 décembre 2011, M. [S] [H] et son épouse, Mme [J] [Y], tous deux retraités, se sont portés cautions hypothécaires des prêts consentis par le Crédit Mutuel, la société Groupama et le Crédit agricole ; que l'acte désigne ainsi, au titre de l' Identification des parties" : Monsieur [S] [R] [P] [U] [H], Retraité, et Madame [J] [I] [T] [Y], Retraitée, son épouse, demeurant ensemble à [Adresse 4]" comme la caution hypothécaire simple" et que le titre IV, intitulé Garanties" stipule que Monsieur et Madame [S] [H] ci-dessus nommés, 'La Caution Hypothécaire simple', Après avoir pris connaissance de ce qui précède par la lecture qui lui en a été faite, déclare : Se rendre et se constituer volontairement, garant hypothécaire de l'Emprunteur (?)" ; qu'en considérant pourtant que le nouveau concours consenti dans cet acte authentique du 30 décembre 2011 par le Crédit mutuel, pari passu avec la société Groupama et le Crédit agricole, était garanti par l'affectation hypothécaire par les époux [N] et [M] [H] de leur maison d'[Localité 3], pour en déduire non seulement que l'engagement de caution du 13 décembre 2012 était manifestement disproportionné aux biens et revenus des cautions, mais également que le Crédit mutuel n'apportait pas la preuve que le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs obligations au moment où elles ont été appelées, dès lors que la valeur de la maison d'habitation des cautions, ayant été affectée en garantie hypothécaire du concours consenti par le pool bancaire constitué par Crédit mutuel, la société Groupama et le Crédit agricole, ne pouvait plus être prise en compte, quand ce n'étaient pas les époux [N] et [M] [H] qui s'étaient portés cautions hypothécaires dans l'acte authentique du 30 décembre 2011, mais M. et Mme [S] [H], parents de [N] [H], la cour d'appel a dénaturé cet acte authentique du 30 décembre 2011 (pièce n° 5) et violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour dire les cautionnements de M. et Mme [N] [H] du 13 décembre 2012 manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions au moment de leur conclusion, l'arrêt retient que leur maison d'habitation a été affectée en garantie hypothécaire du concours consenti par le pool bancaire constitué par Crédit mutuel, la société Groupama et le Crédit agricole pour un montant cumulé de créances de 482 000 euros supérieur à sa valeur estimée à 300 000 euros et même à son prix de mise en vente.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de l'acte du 30 décembre 2011 portant concours consenti à la société Jadeflor pari passu par le Crédit mutuel, la société Groupama et le Crédit agricole que c'est M. et Mme [S] [H], et non M. et Mme [N] [H], qui ont consenti une affectation hypothécaire sur des biens leur appartenant, en garantie de ce concours, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la Caisse de crédit mutuel Arthon Chauvé Chéméré ne peut se prévaloir des engagements de caution du 13 décembre 2012 garantissant le prêt n° 203, et rejette la demande y afférente, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. et Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [H], et les condamne à payer à la Caisse de crédit mutuel Arthon [Adresse 5] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le dix-huit juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.