LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CH10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 12 juin 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 579 F-D
Pourvoi n° X 22-22.809
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JUIN 2025
1°/ M. [T] [H],
2°/ Mme [G] [S],
agissant tous deux, en qualité de civilement responsables de leur fils mineur au moment des faits, M. [M] [H], né le 28 mars 2000
et tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes - Matmut, dont le siège est [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° X 22-22.809 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [K] [P],
2°/ à Mme [B] [D],
tous deux, pris en qualité de civilement responsables de leur fils mineur au moment des faits, M. [O] [P], né le 6 octobre 2000,
et tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ à la société Pacifica assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la société Macif assurances, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Pacifica assurances a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoquent, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [H], de Mme [S], de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes - Matmut, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica assurances, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Macif assurances, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 septembre 2022), le 4 octobre 2014, un incendie volontaire est survenu dans le parking d'un centre commercial, ayant endommagé plusieurs véhicules, quatre cents chariots et une partie de la structure du parking souterrain.
2. La responsabilité pénale de trois mineurs, [M] [H], [O] [P] et [Y] [N], a été reconnue.
3. Les 26 mars, 27 mars et 5 avril 2019, la Macif assurances, assureur en responsabilité civile de Mme [I] et de M. [N], civilement responsables de leur fils mineur [Y], a assigné M. et Mme [H], en qualité de civilement responsables de leur fils [M], M. [P] et Mme [D], en qualité de civilement responsables de leur fils [O]. La Macif a également assigné, au titre de son recours subrogatoire à l'encontre des co-responsables de l'incendie, leurs assureurs respectifs, les sociétés Matmut et Pacifica assurances.
4. Par une ordonnance du 17 novembre 2020,un juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la Macif.
5. Après avoir régularisé la procédure conventionnelle obligatoire, la Macif assurances a assigné à nouveau, les 3 et 18 janvier 2021, les personnes civilement responsables de [M] [H] et [O] [P] ainsi que la Matmut et Pacifica assurances.
6. Par une ordonnance du 14 décembre 2021, le juge de la mise en état d'un tribunal judiciaire a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription. M. [H], Mme [S] et la Matmut ont relevé appel.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident réunis
Enoncé des moyens
7. La Matmut, M. [H] et Mme [S] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, alors « que si la demande en justice interrompt le délai de prescription, cette interruption est non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'il n'en va autrement que si le désistement est motivé par l'incompétence de la juridiction saisie, et formulé avec réserves ; qu'en jugeant que, nonobstant le désistement d'instance de la Macif constaté par ordonnance du 17 novembre 2020, l'assignation qu'elle avait délivrée les 26 mars, 27 mars et 5 avril 2019 avait interrompu la prescription de son action dirigée contre la Matmut, M. [H] et Mme [S], cependant que ce désistement n'était pas motivé par l'incompétence de la juridiction saisie par la Macif, mais par sa propre méconnaissance des dispositions contractuelles l'unissant à la Matmut et imposant, avant toute saisine d'une juridiction, la mise en oeuvre d'une procédure d'escalade, de conciliation et d'arbitrage, ce dont il résultait que son désistement, même assorti de réserves, avait rendu non avenue l'interruption de prescription résultant de son acte introductif d'instance, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2243 du code civil. »
8. La société Pacifica assurances fait le même grief à l'arrêt, alors « que si, en application de l'article 2241 du code civil, la saisine du juge, même incompétent, interrompt le délai de prescription, cette interruption est, en application de l'article 2243 du même code, non avenue lorsque le demandeur se désiste d'une demande irrecevable en raison d'une fin de non-recevoir non régularisable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Macif avait saisi le juge sans mettre en oeuvre la procédure préalable d'escalade, d'arbitrage et de conciliation prévue par la convention, mais a estimé que n'ayant pas d'alternative au désistement, ce dernier, motivé par la possibilité d'une reprise de la procédure en cas d'échec, était interruptif de prescription ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a méconnu les texte susvisés. »
Réponse de la Cour
9. Aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même, lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé, par l'effet d'un vice de procédure.
10. Selon l'article 2243 du même code, l'interruption est non avenue, si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
11. Ayant retenu que, d'une part, la décision de désistement, qui a mis fin à la procédure engagée par la demanderesse par assignations des 26 mars, 27 mars et 5 avril 2019, n'était qu'un désistement d'instance en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs, faute de respect de la convention de règlement amiable des litiges imposant préalablement à toute action judiciaire une procédure d'escalade, de conciliation et d'arbitrage, d'autre part, la demanderesse motivait son désistement par la nécessité de mettre en oeuvre la clause instituant cette procédure de tentative de règlement amiable obligatoire et préalable à la saisine du juge, tout en évoquant une reprise de la procédure en cas d'échec de celle-ci, la cour d'appel en a exactement déduit qu'un tel désistement n'étant pas pur et simple, il ne rendait pas non avenu l'effet interruptif des premières assignations qui conservaient ainsi leur effet interruptif.
12. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Matmut, la société Pacifica assurances, M. [H] et Mme [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Matmut, M. [H], Mme [S] et la société Pacifica assurances, et condamne la société Matmut, M. [H] et Mme [S] à payer à la société Macif assurances la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le douze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.