LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 5 juin 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 567 F-D
Pourvoi n° B 23-12.674
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 JUIN 2025
La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° B 23-12.674 contre le jugement rendu le 23 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 1],
2°/ à M. [U] [P], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine, après débats en l'audience publique du 29 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rennes, 23 décembre 2022), rendu en dernier ressort, M. [R] (le tiers responsable) a été déclaré coupable, par une juridiction pénale, des faits d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public et déclaré entièrement responsable des dommages subis par M. [P] (la victime).
2. Le tiers responsable a également été condamné par le juge pénal à indemniser le préjudice moral subi par la victime en raison de l'infraction.
3. La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la caisse) a fait assigner le tiers responsable devant une juridiction civile pour obtenir le remboursement de ses créances au titre des prestations versées à la victime à la suite de l'infraction.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'aucun principe ni aucune règle n'impose à la caisse de solliciter auprès du tiers responsable le remboursement des frais qu'elle a exposés au profit de la victime devant le juge pénal, dès lors que cette dernière s'est constituée partie civile ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 4 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
5. Il résulte de ce texte que l'organisme social tiers payeur qui n'est pas intervenu à l'instance pénale conserve la faculté de demander directement au tiers responsable, devant la juridiction civile, dans la limite de la part de préjudice soumis à son recours, le remboursement des prestations versées à la victime en relation de causalité avec le dommage.
6. Pour rejeter les demandes de la caisse en remboursement des prestations versées à la victime au titre des dépenses de santé et des pertes de gains professionnels, le jugement relève que la juridiction pénale n'a reconnu aucun préjudice à la victime au titre de ces postes et que la caisse, qui avait été informée de l'instance pénale, n'y est pas intervenue pour faire valoir les débours qu'elle avait engagés dans l'intérêt de la victime. Il retient qu'il appartenait à la caisse de solliciter, dans les conditions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la nullité du jugement rendu par la juridiction pénale qui ne lui avait pas été déclaré commun.
7. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que la caisse n'était pas intervenue à l'instance pénale, de sorte qu'il lui appartenait d'évaluer les préjudices de la victime au titre des postes pris en charge par les prestations servies et de procéder aux imputations correspondantes afin de déterminer les sommes dues à la caisse au titre de son recours subrogatoire, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 23 décembre 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Rennes, autrement composé ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [R] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.