LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 25-82.000 F-D
N° 00940
RB5
4 JUIN 2025
CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ
DÉCHÉANCE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JUIN 2025
M. [G] [W] et la procureure générale près la cour d'appel de Paris, ainsi que Mmes [M] [J], [C] [X], [C] [Y], [T] [A] [X] et [C] [J], épouse [A] [X], cette dernière tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [F], [I] et [D] [A] [X], MM. [N] [A], [S] [A] [X], [P] [U] [J], [P] [J] et [H] [R], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 6e section, en date du 13 février 2025, qui, après non-lieux partiels, a renvoyé devant la cour d'assises de Paris, notamment, M. [W], sous l'accusation de meurtre et violences aggravées, M. [V] [Z], sous l'accusation de tentative d'assassinat et infractions à la législation sur les armes, Mme [E] [B], sous l'accusation de modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit et soustraction, recel et altération de preuve d'un crime ou d'un délit.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mmes [M] [J], [C] [X], [C] [Y], [T] [A] [X] et [C] [J], épouse [A] [X], tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [F], [I] et [D] [A] [X], MM. [N] [A], [S] [A] [X], [P] [U] [J], [P] [J] et [H] [R], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [G] [W], les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [E] [B], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Des juges d'instruction au tribunal judiciaire de Paris ont été saisis d'une information à la suite de faits ayant causé le décès de [O] [A] [X] et des blessures à M. [H] [R].
3. MM. [G] [W], [V] [Z] et Mme [E] [B] ont été mis en examen.
4. Par ordonnance du 25 octobre 2024, les juges d'instruction ont prononcé des non-lieux partiels et ont ordonné le renvoi devant la cour d'assises de MM. [W], [Z] et Mme [B], sous l'accusation, les deux premiers, d'assassinat, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, en réunion et avec arme, détention sans déclaration d'une arme ou de munitions de catégorie C, le deuxième, de détention sans déclaration d'une arme ou de munitions de catégorie B, la troisième, de complicité d'assassinat, modification de l'état des lieux d'un crime ou d'un délit et soustraction, recel et altération des preuves d'un crime ou d'un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité.
5. MM. [W] et [Z], ainsi que Mme [B], ont relevé appel de cette décision. Le ministère public a formé appel contre toutes les personnes mises en examen.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [W] par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire
6. M. [W], ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait, par l'intermédiaire de son avocat, le 25 février 2025, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau, le même jour, contre la même décision.
7. Seul est recevable le pourvoi formé par l'avocat de M. [W].
Déchéance du pourvoi formé par M. [W] par l'intermédiaire d'un avocat
8. Le dossier de la procédure est parvenu à la Cour de cassation le 10 mars 2025.
9. M. [W] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y aura lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 574-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens proposés pour les parties civiles
10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur les cinquième, sixième et septième moyens proposés pour les parties civiles
Enoncé des moyens
11. Le cinquième moyen proposé pour les parties civiles critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il résulte des charges suffisantes contre M. [Z] d'avoir détenu sans autorisation une ou plusieurs armes, munitions ou leurs éléments essentiels de catégorie B et d'avoir détenu sans autorisation une ou plusieurs armes, munitions ou leurs éléments essentiels de catégorie C mais n'a prononcé sa mise en accusation devant la cour d'assises que pour y répondre d'un unique délit connexe, alors « que doivent être déclarés nulles les décisions dont le dispositif contient des décisions contradictoires ; qu'en disant qu'il résulte des charges suffisantes contre [V] [Z] d'avoir détenu sans autorisation une ou plusieurs armes, munitions ou leurs éléments essentiels de catégorie B et d'avoir détenu sans autorisation une ou plusieurs armes, munitions ou leurs éléments essentiels de catégorie C, tout en prononçant sa mise en accusation devant la cour d'assises de Paris uniquement pour y répondre d'un unique délit connexe, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction entre deux chefs de dispositif et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
12. Le sixième moyen proposé pour les parties civiles critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. [W] des chefs de détention sans autorisation d'une ou plusieurs armes, munitions ou de leurs éléments essentiels de catégorie B et de catégorie C, alors « qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie in rem, d'examiner chacun des faits qui lui sont déférés sous toutes les qualifications possibles indépendamment de la qualification donnée par la partie poursuivante ; qu'est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le port, sans motif légitime, hors du domicile, d'armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D, à l'exception de ceux qui présentent une faible dangerosité et figurent sur une liste fixée par arrêté ; que le port d'arme est le fait d'avoir une arme sur soi utilisable immédiatement ; que, pour dire ni avoir lieu à suivre contre [G] [W] des chefs de détention sans autorisation d'une ou plusieurs armes, munitions ou de leurs éléments essentiels de catégorie B et de catégorie C, la chambre de l'instruction relève que l'arme et les munitions utilisées par [G] [W] lors des faits étaient, au moment desdits faits, classées en catégorie D et donc libres de détention ; qu'en se bornant ainsi à relever que les armes et munitions utilisées par [G] [W] au moment des faits étaient classées en catégorie D et donc libres de détention, sans rechercher s'il n'existait pas à son encontre des charges suffisantes d'avoir porté, sans motif légitime et hors de son domicile, une arme et des munitions de catégorie D et ainsi commis l'infraction prévue à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 317-8 et R. 311-1, III, 10°, du code de la sécurité intérieure et 593 du code de procédure pénale. »
13. Le septième moyen proposé pour les parties civiles critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a mis en accusation M. [Z] des chefs de détention sans autorisation d'une ou plusieurs armes, munitions ou leur éléments essentiels de catégorie B et C et non, en sus, du chef de port, sans motif légitime et hors du domicile, d'armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D, alors « qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie in rem, d'examiner chacun des faits qui lui sont déférés sous toutes les qualifications possibles indépendamment de la qualification donnée par la partie poursuivante ; qu'est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le port, sans motif légitime, hors du domicile, d'armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D, à l'exception de ceux qui présentent une faible dangerosité et figurent sur une liste fixée par arrêté ; que le port d'arme est le fait d'avoir une arme sur soi utilisable immédiatement ; que, pour se borner à mettre en accusation [V] [Z] des chefs de détention sans autorisation d'une ou plusieurs armes, munitions ou leur éléments essentiels de catégorie B et C, la chambre de l'instruction énonce que, lors de la perquisition du domicile de ce dernier, plusieurs armes de catégorie B et munitions de catégorie C ont été retrouvées ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il n'existait pas, en outre, des charges suffisantes à l'encontre de [V] [Z] d'avoir porté, sans motif légitime et hors de son domicile, une arme et des munitions de catégorie D et ainsi commis l'infraction prévue à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'elle relevait que le jour des faits, ce dernier avait utilisé un revolver de calibre 22 Short, de marque Sharps, classé en catégorie D, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 317-8 et R. 311-1, III, 10°, du code de la sécurité intérieure et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
14. Les moyens sont réunis.
15. Les moyens ne sont pas recevables, dès lors qu'ils contestent les dispositions de la décision attaquée relatives à des infractions à la législation sur les armes, pour lesquelles les parties civiles ne peuvent justifier l'existence d'un préjudice direct.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, proposé par la procureure générale et le troisième moyen proposé pour les parties civiles
Enoncé des moyens
16. Le moyen proposé par la procureure générale critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, en violation des articles 121-7, 221-1 et 221-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, renvoyé M. [W] devant la cour d'assises du chef d'homicide volontaire sur [O] [A] [X], alors que la chambre de l'instruction s'est contredite en énonçant, dans les motifs de sa décision, que la circonstance de préméditation aggravant l'homicide volontaire reproché à M. [W] était établie et que l'intéressé devait être mis en accusation du chef d'assassinat, mais sans retenir cette circonstance aggravante dans l'articulation de la qualification figurant au dispositif prononçant la mise en accusation.
17. Le troisième moyen proposé pour les parties civiles critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la mise en accusation de M. [W] devant la cour d'assises de Paris pour y répondre du crime d'homicide volontaire sur la personne de [O] [A] [X] et non d'assassinat, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; qu'après avoir retenu, dans ses motifs, que [G] [W] devait être mis en accusation du chef d'assassinat sur la personne de [O] [A] [X], la chambre de l'instruction renvoie le mis en examen devant la cour d'assises de Paris du chef d'homicide volontaire sans retenir la circonstance aggravante de préméditation ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé les articles 214, 215 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
18. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
19. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
20. L'arrêt attaqué énonce qu'il y a lieu de retenir que les faits d'homicide volontaire de [O] [A] [X] reprochés à M. [W] ont été commis avec la circonstance de préméditation, de sorte que l'intéressé devra être mis en accusation du chef d'assassinat.
21. Les juges mentionnent, dans le dispositif de la décision, qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir volontairement donné la mort à la victime, crime prévu et puni par les articles 221-1, 221-8, 221-9, 221-9-1 et 131-26-2 du code pénal, et prononcent la mise en accusation de M. [W] de ce chef, sans précision de ce que les faits sont aggravés par la circonstance de préméditation.
22. En se déterminant ainsi, sans retenir la circonstance de préméditation dont elle disait, par ailleurs, qu'elle était caractérisée, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
23. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche, proposé par la procureure générale et le quatrième moyen proposé pour les parties civiles
Enoncé des moyens
24. Le moyen proposé par la procureure générale critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, en violation des articles 121-7, 221-1 et 221-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, dit qu'il existe des charges suffisantes contre Mme [B] de s'être rendue complice de la tentative d'assassinat sur [O] [A] [X], reprochée à M. [Z], et d'avoir modifié l'état des lieux d'un crime et soustrait, recélé ou altéré un élément de preuve, et prononcé sa mise en accusation du chef de ces délits connexes, alors que la chambre de l'instruction n'a pas prononcé la mise en accusation de Mme [B] pour le crime de complicité de tentative d'assassinat pouvant lui être imputée et s'est, ainsi, contredite.
25. Le quatrième moyen proposé pour les parties civiles critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il résulte des charges suffisantes contre Mme [B] de s'être rendue complice du crime de tentative d'assassinat reproché à M. [Z] mais n'a prononcé sa mise en accusation devant la cour d'assises de Paris que pour y répondre de délits connexes, alors « que doivent être déclarés nulles les décisions dont le dispositif contient des décisions contradictoires ; qu'en disant qu'il résulte des charges suffisantes contre [E] [B] de s'être rendue complice du crime de tentative d'assassinat reproché à [V] [Z] tout en prononçant sa mise en accusation devant la cour d'assises de Paris uniquement pour y répondre de délits connexes, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction entre deux chefs de dispositif et a violé l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
26. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
27. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
28. L'arrêt attaqué, après avoir dit qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre Mme [B], d'une part, de s'être rendue complice de la tentative d'assassinat de [O] [A] [X] reprochée à M. [Z], d'autre part, d'avoir, en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité, modifié l'état des lieux d'un crime ou d'un délit et soustrait, recélé ou altéré une preuve, a prononcé la mise en accusation de l'intéressée pour les seuls délits connexes.
29. En se déterminant ainsi, sans prononcer la mise en accusation du chef du crime de complicité de tentative d'assassinat pour lequel elle a dit, par ailleurs, qu'il existait des charges suffisantes de sa commission, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
30. D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
41. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la mise en accusation de M. [W] du chef de meurtre et en ce que l'arrêt n'a pas prononcé la mise en accusation de Mme [B] pour complicité de tentative d'assassinat. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [W] par déclaration au greffe de l'établissement pénitentiaire :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par M. [W] par l'intermédiaire d'un avocat :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les autres pourvois :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 13 février 2025, mais en ses seules dispositions relatives à la mise en accusation de M. [W] du chef de meurtre et en ce qu'il n'a pas prononcé la mise en accusation de Mme [B] pour complicité de tentative d'assassinat, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille vingt-cinq.