LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 394 F-D
Pourvoi n° H 23-20.062
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
La société Karavel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 23-20.062 contre le jugement rendu le 21 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Paris (pôle civil de proximité), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [P],
2°/ à Mme [G] [E],
3°/ à M. [J] [L],
4°/ à Mme [X] [L],
tous quatre domicilés [Adresse 2],
5°/ à M. [K] [W], domicilié [Adresse 4],
6°/ à M. [B] [O], domicilié [Adresse 1],
7°/ à la société Air Europa Lineas Aereas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], société anonyme d'un Etat membre de la CE ou partie à l'accord sur l'espace économique européen,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de la société Karavel, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [P], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Karavel (l'agence de voyage) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Air Europa Lineas Aereas (la compagnie aérienne).
Faits et procédure
2. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 21 juin 2023), rendu en dernier ressort, le 4 avril 2020, M. [P] a réservé auprès de l'agence de voyage six billets d'avion pour des vols aller-retour de Paris à Tenerife de la compagnie aérienne, prévus les 4 et 18 juillet 2020. Le 4 juillet, cette dernière a annulé le vol.
3. L'agence de voyage a remboursé à M. [P] une partie du prix des billets.
4. M. [P] ainsi que les autres voyageurs, Mme [E], M. et Mme [L], M. [W] et M. [O] ont assigné l'agence de voyage et la société Air Europa France Lineas Aereas, en paiement du solde du prix des billets et indemnisation de leurs préjudices financier et lié à l'annulation du voyage.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'agence de voyage fait grief au jugement de la condamner in solidum avec la société Air Europa France à payer différentes sommes à M. [P] au titre du solde dû sur le remboursement du prix des billets d'avion et en réparation de son préjudice financier et à M. [P] et aux autres voyageurs en réparation du préjudice lié à l'annulation du voyage, alors que « la responsabilité de l'agence de voyages, qui s'est bornée à vendre des titres de transport aérien, sans s'obliger à fournir un quelconque autre service de voyage, ne peut être engagée qu'en cas de faute prouvée ; qu'en retenant, par conséquent, pour condamner la société Karavel, in solidum avec la société Air Europa France, à payer diverses sommes à M. [M] [P] et la somme de 400 euros chacun à Mme [G] [E], à M. [J] [L], à Mme [X] [L], à M. [K] [W] et à M. [B] [O], que la responsabilité de la société Karavel à l'égard de M. [M] [P], de Mme [G] [E], de M. [J] [L], de Mme [X] [L], de M. [K] [W] et de M. [B] [O] était de plein droit et qu'il n'était allégué ni justifié que les dommages étaient imputables soit aux voyageurs, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables, sans rechercher, ainsi qu'il y avait été invité par la société Karavel, si la société Karavel ne s'était pas bornée à vendre à M. [M] [P] des billets d'avion, sans s'obliger à fournir un quelconque autre service de voyage, et si, en conséquence, l'engagement de la responsabilité de la société Karavel à l'égard de M. [M] [P], de Mme [G] [E], de M. [J] [L], de Mme [X] [L], de M. [K] [W] et de M. [B] [O], n'était pas subordonnée à la preuve d'une faute commise par la société Karavel, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 211-1, L. 211-16 et L. 211-17-3 du code du tourisme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-16¿I, alinéa 2, et L. 211-17-3 du code du tourisme :
6. Si, en application du premier de ces textes, l'agence de voyage qui vend des services portant sur le transport, le logement, la location d'un véhicule ou d'autres services de voyage qu'elle ne produit pas elle-même est responsable de plein droit de l'exécution du service prévu par le contrat, il résulte du second que cette disposition n'est pas applicable à la vente d'un titre de transport aérien qui n'entre pas dans le cadre d'un forfait touristique.
7. Il s'en déduit que la responsabilité de l'agence de voyage qui n'a délivré que des titres de transport aérien est engagée uniquement en cas de faute prouvée.
8. Pour condamner l'agence de voyage, le jugement retient que sa responsabilité est de plein droit en application de l'article L. 211-16 du code du tourisme et qu'il n'est allégué ni justifié que le dommage est imputable soit aux voyageurs, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyages, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la responsabilité de l'agence de voyage, qui soutenait n'avoir vendu que des titres de transport aérien, n'était pas subordonnée à la preuve d'une faute, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Karavel in solidum avec la société Air Europa France à payer diverses sommes à M. [P], Mme [E], M. et Mme [L], M. [W] et M. [O], le jugement rendu le 21 juin 2023, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil ;
Condamne M. [P], Mme [E], M. et Mme [L], M. [W] et M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.