LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 25-81.897 F-D
N° 00904
SB4
3 JUIN 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 JUIN 2025
M. [W] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 décembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment, et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [W] [J], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 juin 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 9 novembre 2024, M. [W] [J] a été mis en examen des chefs susvisés puis placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention.
3. Il a relevé appel de cette décision.
4. M. [J] et son avocat ont été convoqués les 19 et 22 novembre 2024 pour une audience fixée au 2 décembre suivant à 14 heures, l'intéressé devant comparaître par le biais de la visioconférence.
5. Par voie électronique, l'avocat a informé le greffe de la chambre de l'instruction qu'il serait aux côtés de la personne mise en examen dans les locaux de l'établissement pénitentiaire et a produit un mémoire, enregistré le 29 novembre.
6. L'affaire a été appelée vers 18 heures le 2 décembre.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [J], alors :
« 1/° que lorsque l'avocat de la personne mise en examen a averti la chambre de l'instruction en temps utile de sa présence, son absence lors de l'audience qui ne résulte pas de sa propre défaillance porte atteinte aux droits de la défense ; qu'en l'espèce, [W] [J] et son avocate ont été convoqués pour une audience qui devait se tenir le lundi 2 décembre 2024 à 14h00 en visioconférence ; que l'avocate d'[W] [J] a écrit le 28 novembre 2024 au greffe de la chambre de l'instruction pour lui préciser qu'elle se trouvera au moment du débat auprès de son client au centre pénitentiaire ; qu'il résulte des pièces de la procédure qu'elle s'est présentée au centre pénitentiaire à 14h et a été contrainte de quitter les lieux à 17h en raison de la fermeture des parloirs ; que la chambre de l'instruction qui s'est néanmoins réunie aux alentours de 18h00 et a statué sur l'appel du placement en détention provisoire d'[W] [J], sans la présence de l'avocate, a porté atteinte aux droits de la défense en violation des articles 137-1, 148-2, 197, 199, 706-71, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que lorsque l'avocat de la personne mise en examen a averti la chambre de l'instruction en temps utile de sa présence, son absence lors de l'audience qui ne résulte pas de sa propre défaillance porte atteinte aux droits de la défense ; qu'en l'espèce, [W] [J] et son avocat ont été convoqués pour une audience qui devait se tenir le lundi 2 décembre 2024 à 14h00 en visioconférence ; que l'avocate d'[W] [J] a écrit le 28 novembre 2024 au greffe de la chambre de l'instruction pour lui préciser qu'elle se trouvera au moment du débat auprès de son client au centre pénitentiaire ; qu'il résulte des pièces de la procédure qu'elle s'est présentée au centre pénitentiaire à 14h et a été contrainte de quitter les lieux à 17h en raison de la fermeture des parloirs ; que la chambre de l'instruction qui s'est néanmoins réunie aux alentours de 18h00 et a statué sur l'appel du placement en détention provisoire d'[W] [J], sans chercher à joindre l'avocate afin de lui permettre de revenir à la maison d'arrêt ou de rejoindre la juridiction, a porté atteinte aux droits de la défense en violation des articles 137-1, 148-2, 197, 199, 706-71, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du code de procédure pénale :
8. Il résulte de ces textes que la chambre de l'instruction doit entendre les avocats des parties.
9. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, l'arrêt attaqué énonce que l'avocat de l'intéressé, quoique régulièrement avisé de la date d'audience, n'est pas présent à l'audience ou dans l'établissement pénitentiaire auprès de son client.
10. Les juges ajoutent qu'un mémoire a été produit devant la chambre de l'instruction et que M. [J] a comparu par le biais de la visioconférence et a été entendu.
11. En statuant ainsi, alors que l'avocat de M. [J], qui était présent aux côtés de ce dernier à 14 heures, avait été invité par l'administration pénitentiaire à quitter l'établissement à 17 heures, sans que cette décision soit justifiée par une cause insurmontable et imprévisible, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est ainsi encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 décembre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
DIT n'y avoir lieu à mise en liberté ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt-cinq.