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28/05/2025 | FRANCE | N°C2500715

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mai 2025, C2500715


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° R 24-81.300 F-D


N° 00715




ECF
28 MAI 2025




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2025




Le procureur général près la cour

d'appel de Paris et la commune de [Localité 1], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-12, en date du 19 février 2024, qui a déclaré irrecevables, d'une part, leur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° R 24-81.300 F-D

N° 00715

ECF
28 MAI 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2025

Le procureur général près la cour d'appel de Paris et la commune de [Localité 1], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 2-12, en date du 19 février 2024, qui a déclaré irrecevables, d'une part, leurs appels du jugement du tribunal correctionnel ayant relaxé M. [M] [E] des chefs de favoritisme, prise illégale d'intérêts et trafic d'influence passif et MM. [Z] [I] et [Y] [T] des chefs de favoritisme, prise illégale d'intérêts et recel et, d'autre part, la constitution de partie civile de la commune de [Localité 1].

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la commune de [Localité 1], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [E], les observations de Me Haas, avocat de M. [Y] [T], les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de M. [Z] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal correctionnel a relaxé MM. [M] [E], [Z] [I] et [Y] [T], lesquels étaient poursuivis notamment des chefs de favoritisme et prise illégale d'intérêts.

3. Le procureur de la République et la commune de [Localité 1], partie civile, ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen proposé par le procureur général près la cour d'appel de Paris et le moyen proposé pour la commune de [Localité 1]

Enoncé des moyens

4. Le moyen, pris en sa seconde branche, proposé par le procureur général près la cour d'appel de Paris, est pris de la violation de l'article 502 du code de procédure pénale.

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel du procureur de la République, alors que la cour d'appel ne pouvait déduire de ce que l'acte d'appel porte uniquement la mention qu'il a été reçu par un adjoint administratif son absence de présomption de régularité.

6. Le moyen proposé pour la commune de [Localité 1] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté la nullité de son acte d'appel, a déclaré cet appel irrecevable et dit que les dispositions relatives à son action civile sont définitives, alors :

« 1°/ que, premièrement, toute personnes à droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'il en est ainsi lorsque la personne a fait appel dans les forme requises et a signé la déclaration d'appel avec la personne se présentant comme greffier ; qu'en déclarant néanmoins l'appel de la commune de [Localité 1] irrecevable, « au vu des irrégularités présentées par l'acte d'appel reçu par une adjointe administrative », la cour d'appel a porté atteinte à son droit d'accès à une juridiction, et partant a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R.123-14 du code de l'organisation judiciaire et les articles préliminaire, 2, 3, 497, 502, 503, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Vu les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme :

8. Selon le premier de ces textes, la procédure pénale doit être équitable et selon le second toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement.

9. Il se déduit de ces textes que, si le droit d'exercer un recours peut être soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité du procès.

10. Ainsi, l'irrégularité d'un acte d'appel en raison du défaut de compétence de la personne l'ayant reçu ne peut être opposée à une partie appelante dès lors que ce défaut de compétence n'était pas apparent.

11. Pour déclarer irrecevables les appels formés par le procureur de la République et la commune de [Localité 1] du jugement du tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué retient que ces appels ont été déposés devant des adjoints administratifs en fonction au service d'accueil unique du justiciable de la juridiction ayant rendu la décision.

12. Les juges ajoutent que la méconnaissance des dispositions de l'article 502 du code de procédure pénale, qui prévoit que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, conduit à la nullité de l'acte d'appel et que le ministère public ne soutient pas en l'espèce l'existence d'une force majeure qui aurait empêché le respect de ces dispositions.

13. Ils énoncent ensuite que les agents appartenant à la catégorie C de la fonction publique peuvent, en application de l'article R. 123-14 du code de l'organisation judiciaire, à titre exceptionnel et temporaire, après avoir prêté le serment prévu à l'article 24 du décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015, être chargés des fonctions conférées aux greffiers énumérées à l'article R. 123-13 et d'une partie des fonctions énumérées à l'article R. 123-5 du même code.

14. Ils ajoutent que s'il n'appartient pas aux appelants de vérifier la régularité de la qualité de l'agent qui reçoit l'appel, la présomption de régularité ne peut s'appliquer dès lors que les mentions figurant sur l'acte ne correspondent pas aux exigences textuelles de l'article 502 du code de procédure pénale.

15. Ils retiennent que cette présomption aurait trouvé à s'appliquer si l'acte d'appel avait mentionné qu'il avait été reçu par un adjoint administratif « faisant fonction de greffier » ou un adjoint administratif « habilité » ou « ayant prêté serment » mais que ce n'est pas le cas en l'espèce, où il est uniquement indiqué que l'acte a été reçu par un adjoint administratif, ce qui ne permet pas de s'assurer de la capacité de l'agent.

16. Ils indiquent encore que la mention « P/ le greffier » contredit également la présomption de régularité puisqu'elle signifie que l'adjoint administratif n'a pas pris l'acte à raison de sa qualité mais sur instruction, ordre, délégation du greffier, ce qui n'est pas prévu par les textes.

17. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé pour les motifs qui suivent.

18. En effet, d'une part, il se déduit de ce que le service d'accueil unique du justiciable a accepté de recevoir la déclaration d'appel une apparence de ce que cet acte a été reçu par une personne compétente pour ce faire.

19. D'autre part, l'absence d'apparence de régularité de l'acte d'appel reçu au service d'accueil unique du justiciable par un adjoint administratif ne peut se déduire de ce qu'il n'y est pas mentionné que cet adjoint n'était pas assermenté, habilité ou faisait fonction de greffier ni de ce qu'il est signé sous une mention « P/ le greffier ».

20. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions ayant déclaré nuls les actes d'appel du procureur de la République et de la commune de [Localité 1], irrecevables ces appels et définitives les dispositions relatives à l'action publique et à l'action civile de ladite commune. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 19 février 2024, mais en ses seules dispositions ayant déclaré nuls les actes d'appel du procureur de la République et de la commune de [Localité 1], irrecevables ces appels et définitives les dispositions relatives à l'action publique et à l'action civile de ladite commune, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500715
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 février 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mai. 2025, pourvoi n°C2500715


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger, SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500715
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