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28/05/2025 | FRANCE | N°32500251

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 mai 2025, 32500251


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 28 mai 2025








Cassation partielle




M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 251 F-D


Pourvoi n° N 23-15.237








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025




La société de la Plusse, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-15.237 contre...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 28 mai 2025

Cassation partielle

M. BOYER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 251 F-D

Pourvoi n° N 23-15.237

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025

La société de la Plusse, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 23-15.237 contre l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Lcco Bretagne, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société civile immobilière de la Plusse, de la SARL Corlay, avocat de la société Lcco Bretagne, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur faisant fonction de doyen, M. Pety, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers , 28 février 2023), par acte du 25 mars 1993, la société civile immobilière de la Plusse (la SCI) a fait l'acquisition, par un contrat de crédit-bail immobilier d'une durée de quinze ans, d'un bâtiment à usage industriel, donné en sous-location, par contrat du 27 juillet 1994, à la société Constructions Gaspaillard.

2. Par acte du 27 février 2004, un avenant au contrat de sous-location a été conclu entre la SCI et la société Lcco Bretagne (la société Lcco), venue aux droits de la société Constructions Gaspaillard en conséquence d'une reprise partielle de ses actifs par jugement du 8 janvier 2004.

3. Les sociétés Constructions Gaspaillard et Lcco exploitaient sur le site une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE).

4. Au 25 mars 2008, date d'échéance du contrat de sous-location, la société Lcco s'est maintenue dans les lieux sans qu'un bail commercial ne soit conclu. Le 18 juillet 2013, un incendie a détruit les locaux occupés par cette société et elle a cessé son exploitation.

5. Par acte du 26 mars 2019, la SCI, estimant que cette société avait manqué à ses obligations résultant du classement du site d'exploitation en ICPE, l'a assignée en indemnisation de ses préjudices et délivrance d'une injonction d'avoir à respecter ces obligations.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, comme étant prescrites, les demandes qu'elle avait formées contre la société Lcco, alors :

« 1°/ que l'obligation particulière de dépollution du site d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit, à l'arrêt définitif de l'exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé ; qu'en décidant, pour déclarer irrecevables les demandes de la SCI de la Plusse, que l'obligation de remise en état à laquelle la société Lcco Bretagne était tenue résultait non de la réglementation afférente à la cessation d'activité de l'ICPE qu'elle exploitait dans les lieux loués mais des stipulations du contrat de location lui imposant de rendre les lieux dans l'état où ils étaient lors de l'entrée en jouissance, en supportant seuls tous frais de remise en état, remplacement d'appareils ou réfection et que cette obligation de remise en état incluant le déblaiement des lieux et leur éventuelle dépollution s'imposait au preneur dès la date de l'incendie qui avait mis fin au bail, quand la remise en état du site par le dernier exploitant est constitutive d'une obligation légale indépendante des stipulations du bail lui imposant une obligation de restitution, la cour d'appel a violé l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement, ensemble l'article 2224 du code civil ;

3°/ que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que la SCI de la Plusse a soutenu qu'elle n'a eu connaissance de la pollution du terrain qu'à la date du 26 octobre 2017, lorsqu'elle a appris par le biais de l'APAVE que la DREAL de Bretagne n'avait été destinataire ni d'une expertise ¿¿post incendie'' ni d'un dossier de cessation d'activité, et qu'elle a été ainsi informée que la société Lcco Bretagne n'avait pas satisfait à ses obligations de remise en état du site ; qu'en fixant à la date de survenance de l'incendie marquant la cessation du bail, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité exercée par la SCI de la Plusse contre la société Lcco Bretagne afin d'obtenir réparation du préjudice né du défaut de remise en état du site qu'elle lui avait donné en location, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la SCI de la Plusse n'avait pas eu connaissance de son préjudice postérieurement à l'incendie de la chose louée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement et l'article 2224 du code civil :

8. Selon le premier de ces textes, lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. Il en informe le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme.

9. Aux termes du second, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Pour déclarer prescrites les demandes de la SCI, l'arrêt retient que, dans les relations du bailleur avec son locataire, ce sont les stipulations du contrat de bail qui trouvent à s'appliquer, qu'elles prévoient en l'espèce l'obligation pour le sous-locataire de rendre les lieux dans l'état où ils se trouvaient à l'entrée en jouissance en supportant tous les frais de remise en état, remplacement d'appareils ou réfection, que, dès lors, l'obligation de remise en état du bien loué résulte non de la réglementation sur les installations classées mais de ces stipulations, que cette obligation, qui inclut le déblaiement des lieux et leur éventuelle dépollution, s'imposait au preneur à compter de l'incendie qui a détruit le bien et entraînait la résolution du bail en application de l'article 1741 du code civil, et que le bailleur ayant été informé de l'incendie dès sa survenue, le 18 juillet 2013, le délai de prescription de l'article 2224 du code civil a commencé à courir à cette date, de sorte qu'au jour de l'assignation, le 26 mars 2019, le délai était expiré.
11. En statuant ainsi, après avoir relevé que, par un arrêté du 25 novembre 2021, le préfet avait mis en demeure la société Lcco de mettre en oeuvre « la procédure de cessation d'activité du site conformément aux articles R. 512-39-1 à R. 512-39-6 du code de l'environnement », ce dont il ressortait qu'elle n'avait pas satisfait à l'obligation de remise en état pesant sur elle en application de la législation des ICPE, laquelle s'impose au dernier exploitant indépendamment de tout rapport de droit privé, et en se déterminant, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la SCI n'avait eu connaissance de cette faute et du dommage en résultant, que le 26 octobre 2017, date d'un courriel de l'APAVE, la cour d'appel a violé le premier texte susvisé et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du second.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Lcco Bretagne de déclarer irrecevable en raison de sa nouveauté la demande de la société civile immobilière de la Plusse d'indemnisation d'un préjudice économique, l'arrêt rendu le 28 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Lcco Bretagne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lcco Bretagne et la condamne à payer à la société civile immobilière de la Plusse la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500251
Date de la décision : 28/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 28 février 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 mai. 2025, pourvoi n°32500251


Composition du Tribunal
Président : M. Boyer (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500251
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