LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 362 F-D
Pourvoi n° Z 23-23.597
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
M. [N] [V], domicilié [Adresse 4] (Liban), a formé le pourvoi n° Z 23-23.597 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2023), M. [N] [D] (ou [V]) soutient qu'il est français par filiation maternelle, pour être né le 1er mars 1959 à [Localité 3] (Liban) de [I] [U], née le 10 avril 1923 à [Localité 2] (Liban), de nationalité française pour avoir acquis celle-ci par son mariage célébré le 19 février 1944 à [Localité 3] (Liban) avec [J] [R], de nationalité française.
2. Un certificat de nationalité lui ayant été refusé, M. [V] a engagé une action déclaratoire de nationalité française.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
3. M. [V] fait grief à l'arrêt de juger irrecevable sa demande tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française, de juger qu'il n'est pas de nationalité française et d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil en marge des actes concernés, alors :
« 1°/ que, selon une attestation du 3 mars 2022, sur le moyen d'enregistrement au registre de l'état civil, du ministère de l'intérieur - direction générale de l'état civil « il n'est pas possible de fournir un acte de naissance de [I] [U] née en 1923 à [Localité 3] puisqu'elle a été enregistrée par recensement de 1932 » ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de son action déclaratoire de nationalité, que [le] fait que la mère revendiquée de l'appelant ait été enregistrée par le recensement de 1932 ne peut expliquer l'impossibilité de fournir un acte de naissance pour une naissance intervenue en 1923, un recensement n'ayant pas pour objet de dresser des actes d'état civil, quand cette pièce énonce clairement qu'il est impossible de fournir un acte de naissance de [I] [U] née en 1923 à [Localité 3] puisqu'elle a été enregistrée par recensement de 1932, la cour d'appel a dénaturé cette pièce et méconnu le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
3°/ que lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de son action déclaratoire de nationalité, que la lettre du 8 juin 2022, énonçant qu'en cas de décès, il n'est pas possible d'émettre un extrait individuel d'état civil, ne démontrait pas l'impossibilité de produire l'acte de naissance de la mère de l'exposant, [I] [U] décédée le 13 février 1995, sans expliquer, comme elle y était invitée, en quoi cette lettre ne démontrait pas une telle impossibilité, la cour d'appel a privé sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 46 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 46, alinéa 1er, du code civil :
4. Aux termes de ce texte, lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins.
5. L'impossibilité de produire un acte de naissance est établie si le requérant apporte la preuve de la double impossibilité de produire une copie intégrale de l'acte et un extrait des registres de l'état civil.
6. Pour juger que, faute de rapporter la preuve du lien de filiation à l'égard de [I] [U], M. [D] (ou [V]) n'est pas de nationalité française, l'arrêt retient, d'abord, en ce qui concerne l'attestation émanant de la direction générale de l'état civil du ministère de l'intérieur du Liban du 3 mars 2022, intitulée « attestation sur le moyen d'enregistrement au registre d'état civil » et énonçant que « il n'est pas possible de fournir une copie d'un acte de naissance, puisqu'elle [[I] [U]] a été enregistrée par recensement », que le fait que la mère revendiquée de M. [D] (ou [V]) ait été enregistrée par le recensement de 1932 ne peut expliquer l'impossibilité de fournir un acte de naissance pour une naissance intervenue en 1923, un recensement n'ayant pas pour objet de dresser des actes d'état civil.
7. Il relève, ensuite, en ce qui concerne la lettre du directeur général de l'état civil du ministère de l'intérieur et des municipalités du Liban du 8 juin 2022, qui explique que « pour obtenir un extrait individuel d'état civil, il faut que le requérant se présente en personne devant le maire de la localité afin de déposer et de signer une demande, en y joignant deux photos. En cas de décès, il n'est pas possible d'émettre un extrait individuel d'état civil, les conditions légales mentionnées ci-haut n'étant pas satisfaites », que cette lettre ne démontre pas plus l'impossibilité de produire l'acte de naissance de [I] [U].
8. En se déterminant ainsi, sans expliquer, comme il le lui était demandé, en quoi ces pièces n'établissaient pas l'impossibilité de produire l'acte de naissance, alors qu'il résulte, d'une part, des termes clairs et précis de l'attestation du 3 mars 2022 qu'il n'est pas possible de fournir la copie d'un acte de naissance, et, d'autre part, de la lettre du 8 juin 2022 qu'il n'est pas non plus possible d'obtenir un extrait individuel d'état civil, [I] [U] étant décédée le 13 février 1995, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, l'arrêt rendu le 5 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.