LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 361 F-D
Pourvoi n° J 23-21.628
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
La société La Faenza, dont le siège est [Adresse 2] (Italie), a formé le pourvoi n° J 23-21.628 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société La Faenza, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société AXA France IARD, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 juin 2023), la société Forgiarini a acquis en décembre 2014 auprès de la société La Faenza du carrelage qu'elle a revendu. Son assureur de responsabilité, la société AXA France IARD, ayant pris en charge le sinistre résultant des défauts de ce produit, a engagé le 5 décembre 2019 une action subrogatoire contre la société La Faenza.
2. Celle-ci a opposé une exception d'incompétence tirée d'une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux italiens, stipulée dans ses conditions générales de vente.
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code, le moyen étant de pur droit en ce qu'il ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des constatations des juges du fond.
Vu les articles 25, paragraphe 1er, et 66, paragraphe 1er, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis ») :
4. Il résulte du premier de ces textes, applicable en vertu du second à une action engagée par assignation du 5 décembre 2019, que, si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue :
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
5. Pour déclarer le juge français compétent, l'arrêt retient que la clause attributive de juridiction désignant le tribunal de Bologne n'est pas opposable à la société Forgiarini, dès lors que l'existence de relations anciennes entre les parties et la communication et l'acceptation de factures renvoyant aux conditions générales de vente, qui contiennent la clause, ne suffisent pas à établir sa connaissance et son acceptation par l'acheteur, lorsque les factures ne font pas référence à l'existence d'une telle clause et qu'il n'est pas démontré que les conditions générales, et a fortiori l'existence de ladite clause, ont été portées à la connaissance de la société Forgiarini avant l'acceptation de la facture litigieuse.
6. En statuant ainsi, après avoir constaté que les factures émises entre 2013 et décembre 2014, date de la vente, indiquaient en bas « veuillez faire référence à nos conditions générales de vente » et que la société Forgiarini avait accepté et réglé ces factures, ce qui établissait une pratique répétée entre les parties, alors que l'article 25, paragraphe 1er, b) ne requiert pas que la facture mentionne expressément ladite clause, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société AXA France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AXA France IARD et la condamne à payer à la société La Faenza la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.