LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 24-86.504 F-D
N° 00864
27 MAI 2025
ODVS
QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 MAI 2025
La société [1] a présenté, par mémoire spécial reçu le 3 mars 2025, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-6, en date du 10 septembre 2024, qui, pour homicides involontaires et contravention de blessures involontaires, l'a condamnée à 225 000 euros d'amende, une confiscation, l'affichage de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« En édictant les dispositions des troisième et avant-dernier alinéa de l'article 800-1 du code de procédure pénale ¿ lesquelles, à l'insigne différence de ce qui est prévu pour les personnes physiques, mettent automatiquement les frais de justice à la charge de la personne morale et n'encadrent pas la possibilité de l'en dispenser, en particulier faute de prévoir les conditions légales d'une telle dispense et faute d'exiger du juge pénal qu'il motive sa décision en ce sens ¿ le législateur a-t-il, premièrement, méconnu le principe d'égalité devant la justice garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; deuxièmement, méconnu sa propre compétence dans des conditions qui affectent le droit de propriété et le droit au respect des biens garantis respectivement par les articles 17 et 2 de la même Déclaration, troisièmement, méconnu le principe d'individualisation de la sanction ayant le caractère d'une punition garanti par l'article 8 de cette Déclaration ? ».
2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
4. La question posée ne présente pas un caractère sérieux, pour les motifs qui suivent.
5. En premier lieu, le législateur a pu, sans porter atteinte au principe de l'égalité devant la loi, tenir compte de la différence de situation entre les personnes physiques et les personnes morales, qui ne présentent pas les mêmes facultés contributives, la différence de traitement instaurée par la loi n'étant pas sans rapport direct avec l'objet poursuivi, qui consiste à déterminer qui, de l'Etat ou de la personne poursuivie et déclarée coupable, supporte la charge des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police.
6. En deuxième lieu, la disposition contestée, à supposer qu'elle institue une sanction ayant le caractère d'une punition, prévoit en tout état de cause la possibilité pour le juge de déroger au principe d'une condamnation de la personne morale à supporter la charge des frais de justice, de sorte que le principe d'individualisation n'est pas méconnu.
7. En troisième lieu, le juge est tenu, en vertu de l'exigence générale de motivation des décisions correctionnelles énoncée à l'article 485 du code de procédure pénale, de motiver son refus de faire droit à la demande de la personne morale poursuivie de bénéficier de la dérogation sus exposée.
8. Par conséquent, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt-cinq.