LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
HE1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 21 mai 2025
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 523 F-D
Pourvoi n° W 24-13.432
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 MAI 2025
La société Coulommiers poids lourds, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 24-13.432 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. [V] [L], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Coulommiers poids lourds, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 15 juin 2022, pourvoi n° 20-22.864), M. [L] a été engagé en qualité d'apprenti mécanicien à compter du 29 avril 1978 par la société Ferté véhicules industriels. Son contrat de travail a été transféré à la société Coulommiers poids lourds (la société). Il occupait en dernier lieu le poste de responsable après-vente.
2. Son contrat de travail a été rompu le 23 novembre 2016 après qu'il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
3. Contestant cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de complément restant dû sur l'indemnité de licenciement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, alors :
« 1°/ que ne manque pas à l'obligation de reclassement l'employeur qui justifie de l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement, dans l'entreprise ou, s'il y a lieu, dans le groupe auquel elle appartient ; que la société exposante, qui avait adressé au salarié une offre de reclassement refusée par celui-ci, soutenait et offrait de démontrer qu'il n'existait aucun autre poste disponible dans l'entreprise ni au sein des entreprises appartenant au même groupe, y compris de catégorie inférieure, qui puisse lui être proposé ; qu'en jugeant le licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs qu'un "résultat d'exploitation n'impliqu[ait] pas nécessairement l'impossibilité de reclassement notamment sur un poste vacant", sans rechercher si, comme le soutenait l'employeur, qui avait versé aux débats les registres du personnel qu'il lui appartenait d'examiner, ne justifiait pas de l'absence de poste disponible, autres que celui proposé au salarié, dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartenait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 août 2015 ;
2°/ que le juge à l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que pour établir l'absence d'autre poste disponible que celui proposé au salarié, la société Coulommiers poids lourds versait aux débats les registres d'entrée et de sortie du personnel et livre du personnel des trois sociétés du groupe, communication qui n'était pas contestée ; qu'en retenant cependant que "pour toute preuve d'une recherche de reclassement au sein des autres entreprises du groupe, la société Coulommiers poids lourds produit une attestation de son expert-comptable attestant que les résultats d'exploitation des trois sociétés ne permettaient pas le reclassement du salarié", la cour d'appel a dénaturé les clairs termes et précis du bordereau de communication des pièces de l'exposante en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
6. D'abord, il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur avait soutenu devant la cour d'appel que les registres d'entrée et sortie du personnel produits démontraient qu'il avait satisfait à son obligation de reclassement, ces pièces ayant été en réalité invoquées pour soutenir la suppression du poste, c'est-à-dire la cause économique de la rupture du contrat qui était contestée par le salarié.
7. Ensuite, la cour d'appel a constaté, hors toute dénaturation, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis au soutien du respect par la société de l'obligation de reclassement, que celle-ci produisait, pour toute preuve d'une recherche de reclassement au sein des autres entreprises du groupe, une attestation de son expert-comptable attestant que les résultats d'exploitation des trois sociétés ne permettaient pas le reclassement du salarié.
8. De ces constatations, dont il ressortait que la société ne justifiait pas de l'impossibilité de reclasser le salarié au sein du groupe, elle a pu déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Coulommiers poids lourds aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Coulommiers poids lourds et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt et un mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.