LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° B 24-83.196 F-D
N° 00652
RB5
20 MAI 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 MAI 2025
M. [V] [N], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 23 janvier 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 12 avril 2023, pourvoi n° 22-84.836), a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile contre personne non dénommée du chef de dénonciation calomnieuse et a constaté l'extinction de l'action publique.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [V] [N], et les conclusions de M. Dureux, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Pradel, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. A la suite de la consultation de son dossier administratif qui contenait une note établie par sa hiérarchie, en date du 1er août 2013, dans le cadre d'une contestation de notation, le 25 septembre 2015, M. [V] [N] a déposé plainte pour des faits de harcèlement moral à l'encontre de son employeur, le directeur du [1] ([1]) et l'un de ses anciens supérieurs hiérarchiques, M. [L] [S].
3. La procédure a fait l'objet d'un classement sans suite le 7 mars 2017.
4. Le 26 février 2019, M. [N] a déposé une nouvelle plainte contre le [1] et M. [S] du chef de dénonciation calomnieuse puis a porté plainte et s'est constitué partie civile le 7 août 2020 de ce chef.
5. Par ordonnance du 23 septembre 2020, le juge d'instruction a refusé d'instruire, au motif que les faits étaient prescrits.
6. M. [N] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
7. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit, au regard de la prescription de l'action publique, n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile de M. [N], alors :
« 2°/ que, en tout état de cause, le délai de prescription de l'action publique est interrompu par tout acte d'enquête émanant du ministère public ; qu'en refusant de prendre en considération les actes interruptifs de prescription accomplis par le ministère public dans le cadre de la procédure qui avait été ouverte sur la plainte de M. [N] pour harcèlement moral, au motif que cette plainte n'avait pas été déposée du chef de dénonciation calomnieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les faits qui fondaient les deux plaintes successives de M. [N] n'étaient pas les mêmes, nonobstant la différence de qualification juridique des infractions dénoncées par lui, de sorte que les actes interruptifs de prescription accomplis suite à la première plainte pouvaient aussi être interruptifs de prescription à l'égard de la seconde, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 9-2 du code de procédure pénale ;
3°/ que lorsque des faits poursuivis au-delà de l'expiration du délai de prescription se rattachent par un lien de connexité ou d'indivisibilité à des faits qui font l'objet de poursuites, il est de principe qu'un acte interruptif de prescription à l'égard des uns a le même effet à l'égard des autres ; qu'en refusant de prendre en considération les actes interruptifs de prescription accomplis par le ministère public dans le cadre de la procédure qui avait été ouverte sur la plainte de M. [N] pour harcèlement moral, au motif que cette plainte n'avait pas été déposée du chef de dénonciation calomnieuse, sans rechercher, si les faits qui fondaient les deux plaintes successives de M. [N] n'étaient pas connexes, de sorte que les actes interruptifs de prescription accomplis suite à la première plainte pouvaient aussi être interruptifs de prescription à l'égard de la seconde, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 9-2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour dire n'y avoir lieu à informer sur les faits de dénonciation calomnieuse, en raison de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué rappelle que l'examen de la plainte du chef de dénonciation calomnieuse, déposée le 26 février 2019, après une première plainte pour harcèlement moral déposée le 25 septembre 2015, classée sans suite, fait apparaître que le document qui aurait contenu des assertions présumées fausses, constitutives du délit reproché, porterait la date du 1er août 2013, et aurait été établi à la demande de la hiérarchie de M. [N], dans le cadre d'une contestation de notation, puis adressé au directeur départemental du [1].
10. Les juges ajoutent qu'il n'est pas contesté que la note litigieuse est parvenue au colonel [I] [E], autorité compétente ayant le pouvoir d'y donner suite, le 8 août 2013.
11. Ils indiquent que la direction du [1] en a par ailleurs eu formellement connaissance lors de la réunion de la commission paritaire du 22 août 2013 examinant le recours contre la notation de M. [N].
12. Ils précisent que c'est cette date qui doit être retenue comme point de départ du délai de prescription, laquelle était en conséquence acquise le 22 août 2016.
13. Ils relèvent que M. [N] n'a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse qu'en 2019 et que sa plainte déposée en 2015, ne portant que sur des faits de harcèlement moral, a fait l'objet d'une procédure autonome.
14. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui a souverainement apprécié que les deux plaintes déposées par M. [N] en 2015, puis en 2019 ne visaient pas des faits connexes de sorte que les actes interruptifs de prescription effectués dans la procédure relative aux faits de harcèlement moral n'ont pas eu d'incidence sur la prescription de l'action publique concernant le délit de dénonciation calomnieuse, a justifié sa décision.
15. Dès lors, le moyen ne saurait être accueilli.
16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt-cinq.