LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 506 F-D
Pourvoi n° V 23-21.523
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
Mme [E] [Y], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 23-21.523 contre l'arrêt rendu le 28 juillet 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme [H] [J], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité d'ayant droit de [W] [G] décédée le 24 juin 2018, exploitant sous l'enseigne Creafop, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [J], ès qualités, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 juillet 2023), Mme [Y] a été engagée en qualité de technicienne de formation le 19 février 2015 par [W] [G], la convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988 étant applicable à la relation de travail.
2. La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 10 octobre 2015 au 7 février 2016.
3. Licenciée le 3 décembre 2015 pour désorganisation engendrée par ses absences prolongées et nécessité de son remplacement définitif, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
4. [W] [G] étant décédée le 24 juin 2018, Mme [J], agissant en sa qualité d'ayant droit, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de reclasser ses fonctions au niveau D1, coefficient 200 de la convention collective nationale des organismes de formation pour la période du 14 au 28 février 2014 inclus, de la débouter pour le surplus de sa demande de reclassification de ses fonctions et de condamner Mme [J], venant aux droits de l'employeur à lui payer des sommes limitées au titre du rappel de salaires et congés payés afférents et à titre d'indemnité d'usage, alors « que la classification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions exercées effectivement ; qu'en se contentant, pour faire échec à la demande de reclassification de Mme [Z] au niveau E2 de la convention collective nationale des organismes de formation, de reproduire le contenu de ses articles et de dire que les pièces communiquées aux débats par la salariée ne se rattachaient pas à l'activité décrite dans la convention, sans examiner concrètement les fonctions qui étaient les siennes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu 1103, ensemble l'article 20 de la convention collective nationale des organismes de formation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 20 et 22 de la convention collective nationale des organismes de formation du 10 juin 1988, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'accord du 16 janvier 2017 :
7. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
8. Selon le deuxième, pour effectuer le classement des salariés dans les différents niveaux retenus, il convient de s'attacher en priorité à l'emploi occupé, apprécié en termes d'autonomie, de responsabilité, de formation, d'expérience professionnelle ou d'expertise par rapport à l'emploi, avant de prendre en compte le titre attribué au salarié, aux aptitudes professionnelles du salarié, à son expérience professionnelle, à ses diplômes ou à sa qualification, notamment s'ils sont en rapport direct avec l'emploi occupé, et, d'une façon générale, à son expertise dans le domaine professionnel concerné. Toutefois, le fait de disposer de titres universitaires n'implique pas nécessairement l'appartenance à la catégorie des cadres si l'emploi occupé ne relève pas lui-même de cette catégorie, et à la polyvalence des compétences à assumer.
9. Selon le troisième, relatif à la classification des formateurs, les compétences pédagogiques fondamentales, selon l'ampleur du champ d'expertise et si celles-ci représentent la plus grande part du contenu de l'emploi, justifient d'un classement des emplois où elles s'exercent à partir du niveau D, tandis que les compétences pédagogiques associées, selon l'ampleur du champ d'expertise et si celles-ci représentent la plus grande part du contenu de l'emploi, justifient d'un classement des emplois où elles s'exercent à partir du niveau E.
10. Pour reclasser les fonctions de la salariée au niveau D1, coefficient 200, de la convention collective nationale des organismes de formation, pour la période du 14 février au 28 février 2014 inclus et la débouter pour le surplus de sa demande de reclassification de ses fonctions, l'arrêt relève que les tâches indiquées dans les documents produits par la salariée ne correspondent pas aux exemples de missions relevant du niveau E et relèvent des fonctions de technicien qualifié 2e degré et en déduit que la classification D1 apparaît conforme aux tâches et fonctions alors exercées par elle.
11. En se déterminant ainsi, sans examiner si les fonctions réellement exercées par la salariée correspondaient à la classification E2, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il reclasse les fonctions de Mme [Y] au niveau D1, coefficient 200, de la convention collective nationale des organismes de formation, pour la période du 14 février au 28 février 2014 inclus, la déboute pour le surplus de sa demande de reclassification de ses fonctions, condamne Mme [J], venant aux droits de [W] [G], à payer à Mme [Y] les sommes de 2 965,92 euros bruts au titre du rappel de salaires, 296,59 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 1 040,40 euros bruts au titre de l'indemnité d'usage, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 juillet 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [J] et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.