LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 495 F-D
Pourvoi n° Y 23-23.734
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025
Mme [Z] [N], domiciliée, [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-23.734 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Advenis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Advenis, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 septembre 2023), Mme [N] a été engagée en qualité de comptable le 5 février 2001 par la société Advenis.
2. A l'issue d'un examen médical du 30 octobre 2017, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail.
3. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 décembre 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents au titre de retenues indues, alors « que l'article D. 1226-1 du code du travail prévoit que l'employeur doit verser au salarié malade une indemnité complémentaire calculée selon un pourcentage de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ; qu'en l'espèce, en se référant néanmoins à la rémunération nette de la salariée, pour la débouter de sa demande de rappel de salaire fondée sur la déduction injustifiée par son employeur d'une ''garantie au net'' qui aboutissait à lui verser une indemnisation inférieure à celle qu'elle aurait dû percevoir durant ses arrêts maladie, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-1, D. 1226-1 et D 1226-5 du code du travail :
6. Selon le premier de ces textes, tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition d'avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale, d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen.
7. Aux termes du deuxième, l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 est calculée selon les modalités suivantes :
1° Pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ;
2° Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération.
8. Aux termes du troisième, sont déduites de l'indemnité complémentaire les allocations que le salarié perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant dans ce dernier cas que la part des prestations résultant des versements de l'employeur.
9. Pour rejeter la demande de la salariée tendant au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt constate, d'abord, que l'employeur ne relève d'aucune convention collective et applique de ce fait les dispositions du code du travail.
10. L'arrêt relève ensuite que, lorsque le salarié perçoit des indemnités journalières de sécurité sociale, la garantie au net permet à l'employeur, en cas de maintien de salaire, d'ajuster le montant brut de la rémunération habituelle du salarié afin de tenir compte de l'absence de cotisations sociales et de l'application du taux de CSG de remplacement de 5,1 % (applicable en 2016 et 2017) sur les indemnités journalières de la sécurité sociale, afin que le salaire net versé ne soit pas supérieur au salaire habituel.
11. L'arrêt ajoute qu'en vertu de l'article D. 1226-5 du code du travail sont déduites de l'indemnité complémentaire les allocations que le salarié perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, seule la part des prestations résultant des versements de l'employeur étant retenue dans ce dernier cas.
12. L'arrêt énonce encore qu'il résulte des bulletins de salaire de la salariée que celle-ci a bénéficié d'un maintien de salaire à hauteur de 100 % pendant 7 jours, de 90 % du 28 janvier jusqu'au 26 février 2016 et de 85 % à compter de cette date.
13. L'arrêt mentionne enfin que les bulletins montrent que, si les indemnités journalières de sécurité sociale brutes ont été déduites à la rubrique « salaire brut » en haut de bulletin, les indemnités journalières de sécurité sociale nettes ont été ajoutées à sa rémunération nette en bas de bulletin, afin de neutraliser l'opération.
14. La cour d'appel en a déduit que la réclamation de la salariée n'était pas justifiée.
15. En statuant ainsi, alors que l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail est calculée sur la base de la rémunération brute que la salariée aurait perçue si elle avait continué à travailler et non sur sa rémunération nette, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes de rappel de salaire et des congés payés afférents entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la salariée aux dépens et rejetant sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme [N] tendant au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Advenis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Advenis et la condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.