LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° X 25-90.004 F-D
N° 00748
7 MAI 2025
GM
QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2025
Le tribunal correctionnel de Tours par jugement en date du 27 janvier 2025, reçu le 10 février 2025 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [N] [G] du chef de conduite après usage de stupéfiants en récidive, conduite sans assurance, et conduite avec un permis de conduire non prorogé.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. La question prioritaire de constitutionnalité transmise par la juridiction est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 235-I et L. 235-2 du code de la route, méconnaissent-elles-les principes constitutionnels garantis par l'article 34 de la Constitution, en ce qu'elles privent de garanties légales les exigences constitutionnelles procédurales et substantielles suivantes: la proportionnalité et individualisation des peines prévues à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de I789, les droits de la défense consacrés aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de I789, le droit de conduire, constitutionnellement protégé a travers la liberté d'aller et venir, laquelle est garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de I789? »
2. Si le juge peut, par décision motivée, ne transmettre qu'une partie de la question posée et reformuler la question à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il ne lui appartient pas d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise.
3. En l'espèce, le juge a ordonné la transmission de la question sans reprendre dans son libellé les mentions précisant en quoi les dispositions législatives arguées d'inconstitutionnalité méconnaîtraient les principes constitutionnels dont la violation est alléguée, telles qu'elles figuraient dans la question posée par le demandeur, et en a ainsi modifié le sens et la portée.
4. Il y a lieu, dès lors, de se prononcer sur la question telle que posée par le mémoire distinct, ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-2 du code de la route, en autorisant le recours à l'analyse salivaire pour établir l'infraction prévue au I de l'article L.235-1, bien que cette analyse ne permette pas de déterminer les taux de concentration de stupéfiants dans l'organisme, et en subordonnant la possibilité de connaître le taux de concentration de stupéfiants dans I'organisme à la volonté exprimée par l'intéressé de solliciter une expertise toxicologique sanguine, sans prévoir que la renonciation a ce droit ne puisse être effective qu'après que la personne contrôlée ait eu la possibilité de consulter un avocat, méconnaissent-elles les principes constitutionnels garantis par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, en ce qu'elles privent de garanties légales les exigences constitutionnelles procédurales et substantielles suivantes: la proportionnalité et l'individualisation des peines prévues à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; les droits de la défense consacrés aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; le droit de conduire, constitutionnellement protégé a travers la liberté d'aller et venir laquelle est garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »
5. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure.
6. L'alinéa 1er du I de l'article L. 235-1 du code de la route, dans sa version issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, a été déclaré conforme à la Constitution par décision n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011 du Conseil constitutionnel.
7. Cependant, cet article, dans sa version applicable au litige, a été modifié, pour la dernière fois, par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019.
8. L'article L. 235-2 du même code, à l'exception de la dernière phrase de son cinquième alinéa, n'a pas été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
9. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
10. La question posée ne présente pas un caractère sérieux.
11. En effet, d'une part, il est loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite d'un véhicule lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants. A cette fin il a précisé que l'infraction est constituée dès lors que l'usage de produits ou plantes classées comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ou salivaire, sans qu'un taux en dessous duquel la consommation de stupéfiants serait considérée comme n'ayant pas d'incidence sur les facultés du conducteur soit défini, en cohérence avec l'interdiction générale d'usage des stupéfiants.
12. La limitation induite par cette incrimination à la liberté d'aller et venir est ainsi proportionnée au but recherché de protection de la santé et de la sécurité publique qui sont des objectifs de valeur constitutionnelle.
13. En outre, dès lors qu'est incriminé le fait de conduire en ayant consommé des stupéfiants, et non en se trouvant sous l'empire de ces produits, l'absence de possibilité de dosage de la concentration de ceux-ci dans l'organisme par l'analyse salivaire est indifférente à l'établissement des circonstances de l'infraction, de sorte que les dispositions législatives contestées ne privent de garantie légale aucune des exigences constitutionnelles invoquées.
14. D'autre part, la question posée, sous couvert de critique de l'article
L. 235 -2 du code de la route, ne tend qu'à discuter la conformité aux principes de valeur constitutionnelle invoqués des dispositions des articles R. 235-6 et R. 235-11 du même code, de nature réglementaire, qui ne peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
15. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du sept mai deux mille vingt-cinq.