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07/05/2025 | FRANCE | N°12500305

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 mai 2025, 12500305


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 7 mai 2025








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 305 F-D


Pourvoi n° X 23-18.558








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025


Mme [N] [Y], domiciliée [Adresse 4] (Allemagne), a formé le pourvoi n° X 23-18.558 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 7 mai 2025

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° X 23-18.558

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025

Mme [N] [Y], domiciliée [Adresse 4] (Allemagne), a formé le pourvoi n° X 23-18.558 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Corneloup, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Corneloup, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 septembre 2022), Mme [N] [Y] et M. [J] [G] se sont mariés le [Date mariage 2] 1988 devant l'officier de l'état civil de la commune de [Localité 3] (Allemagne).

2. Le 26 juin 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan a prononcé le divorce aux torts partagés des époux et condamné M. [G] à verser à Mme [Y] une prestation compensatoire.

3. Le 6 octobre 2016, le tribunal d'instance de Schöneberg (Allemagne) a décidé que M. [G] sera tenu de verser à Mme [Y] une pension de retraite compensatoire relevant du droit allemand des obligations.

4. Le 20 décembre 2017, le tribunal régional supérieur de Berlin a rejeté le recours de M. [G] contre ce jugement.

5. Mme [Y] a assigné M. [G] devant une juridiction française en exequatur de la décision du tribunal régional supérieur de Berlin du 20 décembre 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'exequatur de la décision du tribunal régional supérieur de Berlin du 20 décembre 2017 ayant condamné M. [G] à lui payer une pension mensuelle au titre de la répartition compensatoire des droits à pension vieillesse, alors :

« 1°/ que la fraude à la loi opposée à une demande d'exequatur d'une décision étrangère suppose que les parties aient volontairement modifié le rapport de droit dans le seul but de se soustraire à la loi normalement applicable ; que, pour retenir l'existence d'une fraude à la loi, la cour d'appel retient que Mme [Y] a dissimulé la réalité des ressources de M. [G] et qu'elle a obtenu une prestation compensatoire en France en tenant compte de l'intégralité de ces derniers ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une fraude à la loi, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile et les principes généraux du droit international privé ;

2°/ que, subsidiairement, la fraude opposée à une demande d'exequatur d'une décision étrangère suppose que la décision étrangère ait été rendue à la suite de manoeuvres ignorées de la juridiction étrangère ayant permis aux parties d'obtenir une décision qu'elles n'auraient pas pu obtenir en l'absence de manoeuvres ; que, pour retenir l'existence d'une fraude, la cour d'appel retient que Mme [Y] a dissimulé la réalité des ressources de M. [G] et qu'elle a obtenu une prestation compensatoire en France en tenant compte de l'intégralité de ces derniers ; qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi le fait que Mme [Y] n'ait pas indiqué que les revenus de M. [G] étaient constitués de pensions de retraite et que ces derniers ont été pris en compte pour le calcul de la prestation compensatoire par le juge français du divorce lui aurait permis d'obtenir une décision du juge allemand différente de celle qu'elle aurait pu obtenir si elle avait apporté ces précisions, ce que le juge allemand excluait en relevant que le juge français du divorce avait tenu compte des retraites perçues par M. [G], ce dont il se déduit qu'il avait connaissance de cette circonstance, et en retenant que la fixation d'une prestation compensatoire tenant compte des pensions de retraite ne faisait pas obstacle à la répartition des droits à pension vieillesse dès lors qu'elle n'entraîne pas une couverture double pour l'ex-épouse, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile ;

3°/ que, subsidiairement, la fraude opposée à une demande d'exequatur d'une décision étrangère suppose que des manoeuvres aient intentionnellement été mises en oeuvre afin d'obtenir une décision qui n'aurait pas pu être prise en l'absence de manoeuvres ; que, pour retenir l'existence d'une fraude, la cour d'appel retient que Mme [Y] a dissimulé la réalité des ressources de M. [G] et a obtenu une prestation compensatoire en France en tenant compte de l'intégralité de ces derniers ; qu'en se déterminant ainsi, quand il résultait de ses constatations que Mme [Y] n'avait usé d'aucune manoeuvre en sollicitant d'abord une prestation compensatoire devant le juge du divorce français puis une demande en répartition des droits à pension retraite devant le juge allemand, dès lors que les juges retenaient qu'aucune pièce ne leur permettaient de considérer que Mme [Y] connaissait l'existence de la pension de retraite compensatoire au moment du prononcé du divorce et savait qu'elle allait la solliciter lorsque le montant de la prestation compensatoire [a été fixé par le juge français], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 509 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Pour accorder l'exequatur, le juge français doit, en l'absence de convention internationale et en dehors du champ d'application des règlements européens, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi que l'absence de fraude.

8. Le contrôle de l'absence de fraude ne se limite pas à la seule fraude à la loi.

9. Après avoir constaté que le tribunal régional supérieur de Berlin avait considéré que la pension de retraite compensatoire et la prestation compensatoire étaient deux compensations différentes, l'arrêt relève que Mme [Y], qui avait parfaitement connaissance de la nature des revenus de M. [G], lesquels étaient constitués, dès 2012 et 2014, de pensions de retraite, avait effectivement soutenu devant cette juridiction que le tribunal de grande instance de Perpignan, dans son jugement de divorce, n'avait pas tenu compte des droits à pension vieillesse acquis par M. [G], et que ces droits à pension vieillesse n'avaient pas fait l'objet de la procédure de divorce française.

10. Par motifs réputés adoptés, l'arrêt estime que dans la mesure où M. [G] avait fait connaître les sommes prévisibles qu'il percevrait au titre de sa retraite allemande, le juge français du divorce avait pris en compte ces éléments dans le calcul de la prestation compensatoire, quand bien même ceux-ci ne sont ni nommés individuellement, ni calculés, ni compensés pour moitié.

11. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la dissimulation, en connaissance de cause, dans l'instance allemande, de l'obtention d'une prestation compensatoire en France ayant déjà tenu compte de la disparité des droits respectifs des époux à pension vieillesse, a induit le juge allemand en erreur, ce qui a permis à Mme [Y] de bénéficier d'une double compensation, en méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée au jugement français de divorce, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé une dissimulation frauduleuse non pas dans l'instance française mais devant le juge allemand, a pu retenir, sans être tenue d'établir une modification volontaire du rapport de droit dans le seul but de se soustraire à la loi normalement applicable, que l'arrêt du tribunal régional supérieur de Berlin du 20 décembre 2017 avait été acquis en fraude et ne pouvait être revêtu de l'exequatur.

12. Le moyen, inopérant en sa première et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Y] et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500305
Date de la décision : 07/05/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 16 septembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 mai. 2025, pourvoi n°12500305


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500305
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