LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 24-83.500 F-D
N° 00553
ECF
6 MAI 2025
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2025
M. [H] [T], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 28 mai 2024, qui, dans la procédure suivie contre Mme [S] [Y] du chef de diffamation publique, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire personnel a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, et les conclusions de Mme Caby, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par acte d'huissier du 17 juin 2022, M. [H] [T] a fait citer Mme [S] [Y] devant le tribunal correctionnel aux fins notamment de voir juger celle-ci, à raison de propos publiés sur le compte Instagram de l'intéressée, pour diffamation publique au visa des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et, à raison de propos contenus dans des courriels adressés à M. [T], pour diffamation non publique au visa de l'article R. 621-1 du code pénal.
3. Par jugement du 3 janvier 2023, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique.
4. M. [T] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat
Vu les articles 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et R. 621-1 du code pénal :
6. Il résulte de ces textes qu'en matière de presse, la citation doit, à peine de nullité de la poursuite, d'une part, qualifier le fait et énoncer l'article de loi qui édicte la peine, d'autre part, contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie. La Cour de cassation a le devoir de vérifier si la citation délivrée est conforme à ces prescriptions, même si aucune exception tirée de la violation de ce texte n'a été soulevée par le prévenu avant tout débat au fond.
7. La Cour de cassation est en mesure de s'assurer par l'examen de la citation introductive d'instance que cet acte de poursuite, en premier lieu, s'agissant des propos du 21 au 22 mars 2022, poursuivis du chef de diffamation publique, vise trois qualifications distinctes prévues aux trois premiers alinéas de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, c'est-à-dire des qualifications cumulatives ou alternatives de nature à créer, dans l'esprit du prévenu, une incertitude quant à l'objet de la poursuite, en deuxième lieu, s'agissant des propos de 2013, poursuivis du chef de diffamation non publique, omet d'indiquer l'article 131-13, 1°, du code pénal, qui édicte la peine, enfin, contient élection de domicile à [Localité 2] (49) et non à [Localité 1] (06). Il s'ensuit la nullité de la poursuite.
8. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
10. L'annulation de la citation entraînera, par voie de conséquence, celle de la condamnation de M. [T] à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 mai 2024 ;
CONSTATE la nullité de la poursuite ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt-cinq.