LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 24-81.542 F-D
N° 00533
RB5
30 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
IRRECEVABILITÉ
DÉCHÉANCE
Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 AVRIL 2025
M. [J] [S]-[K] et Mme [Z] [G], épouse [S]-[K], M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], M. [L] [Y], les société [1] et [2], parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 9 février 2024, qui, pour blanchiment, escroquerie aggravée et tentative, a condamné, le premier, à une confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité
Un mémoire a été produit pour M. [J] [S]-[K], Mme [Z] [G], épouse [S]-[K],
M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2].
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [J] [S]-[K], Mme [Z] [G], épouse [S]-[K], M. [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mars 2025 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un signalement de Tracfin le 15 septembre 2020, une enquête a mis à jour une escroquerie ayant déterminé l'obtention d'aides à l'activité partielle au titre de salariés fictifs, mettant en cause M. [J] [S]-[K].
3. Le 29 septembre 2023, le tribunal correctionnel l'a reconnu coupable d'escroquerie aggravée et tentative et de blanchiment et l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, des confiscations et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu a relevé appel de ce jugement sur les seules dispositions relatives aux confiscations.
5. Le ministère public a relevé appel incident sur les dispositions pénales puis devant la cour d'appel a limité son appel aux dispositions relatives aux confiscations.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par Mme [Z] [G], épouse [S]-[K]
6. Mme [Z] [G], titulaire de parts des sociétés [2], et [1], seules propriétaires, pour la première, de l'ensemble immobilier saisi à [Localité 4] et, pour la seconde, de l'ensemble immobilier saisi à [Localité 3], n'est pas un tiers ayant des droits sur ces biens et n'a donc pas qualité pour exercer un recours contre l'arrêt de confiscation ni pour se pourvoir en cassation.
Déchéance du pourvoi formé par M. [L] [Y]
7. M. [L] [Y] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des pourvois formés par MM. [J] [S]-[K], [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2]
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les premier, troisième et cinquième moyens
Enoncé des moyens
9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation de l'ensemble immobilier sis à [Localité 5], propriété de la société [2], en ne faisant pas droit à la demande de restitution formée par cette société, alors :
« 1°/ que la confiscation d'un bien qui n'est ni le produit direct ou indirect de l'infraction, ni son objet et est réalisée en valeur ne peut être ordonnée que si l'auteur de l'infraction en est le propriétaire ou en a la libre disposition ; que la restitution de tels biens à leur véritable propriétaire est de droit, s'ils en font la demande ; que, saisie de l'appel limité à la peine de confiscation prononcée à l'encontre de M. [S] [K], définitivement déclaré coupable d'escroquerie et de blanchiment et de la demande de restitution des biens ayant fait l'objet d'une saisie pénale, la cour d'appel a ordonné la confiscation en valeur du produit des infractions commises par M. [S] [K] portant sur l'ensemble des biens saisis, dont l'ensemble immobilier sise à [Localité 4] ; qu'elle a estimé que cet ensemble immobilier appartenant à la SCI [2] était confiscable dès lors que le condamné en avait la libre disposition, au motif qu'il était gérant de la SCI qui en était propriétaire ; que, dès lors qu'elle constatait que la SCI [2] était détenue pour la moitié des parts par le condamné, et pour l'autre moitié par son épouse, qui n'a pas été poursuivie et condamnée pour les faits d'escroquerie et de blanchiment, ce qui ne permettait pas de considérer que le condamné avait la libre disposition de l'ensemble immobilier du seul fait qu'il était le gérant de la SCI, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, lu à la lumière de l'article 6, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 481 du code de procédure pénale. »
10. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation du bien acquis à [Localité 3] et a refusé implicitement la restitution du bien à la société [1], alors :
« 1°/ que la cour d'appel a ordonné la confiscation en valeur du bien acquis par la SCI [1], laquelle n'a pas été poursuivie et condamnée pour les faits d'escroquerie et de blanchiment ; qu'en se contentant de constater, pour ordonner la confiscation et ainsi rejeter la demande de restitution formée par cette SCI, que le prévenu était le gérant de la SCI [1], et qu'il détenait 50% des parts de la dite SCI, la cour d'appel qui n'a pas constaté les éléments propres à établir qu'il avait la libre disposition de ce bien, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, lu à la lumière de l'article 6, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, et 481 du code de procédure pénale. »
11. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [J] [S]-[K] à titre de peine complémentaire à la confiscation de l'ensemble des biens saisis, alors :
« 1°/ que la confiscation en valeur peut porter sur les biens dont l'auteur de l'infraction est propriétaire ou dont il a la libre disposition ; qu'en ordonnant la confiscation des biens de la SCI [2] et ceux de la SCI [1], aux motifs que le condamné en étant le gérant en avait la libre disposition, quand il résultait de ses propres constatations que la SCI appartenait pour moitié à son épouse, ce qui excluait qu'il en ait la libre disposition ou même qu'il en soit le seul véritable propriétaire, la cour d'appel a méconnu l'article 131-21 du code pénal. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
14. Pour ordonner la confiscation des ensembles immobiliers sis à [Localité 4] et à [Localité 3], l'arrêt attaqué relève que ces biens sont la propriété, pour le premier, de la société [2] et pour le second, de la société [1].
15. Les juges ajoutent que ces sociétés sont détenues à parité par M. [J] [S]-[K] et son épouse et qu'il en est le gérant.
16. Ils en déduisent que M. [J] [S]-[K] a la libre disposition de ces immeubles.
17. En se déterminant ainsi, sans mieux établir que M. [J] [S]-[K] était le propriétaire économique réel des ensembles immobiliers confisqués, en sorte qu'il devait être vu comme en ayant la libre disposition, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième moyen de cassation proposé, la Cour :
Sur le pourvoi formé par Mme [Z] [G] :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi formé par M. [L] [Y] :
CONSTATE la déchéance du pourvoi ;
Sur les pourvois formés par MM. [J] [S]-[K], [R] [S]-[K], Mme [M] [S]-[K], les sociétés [1] et [2] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 9 février 2024, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la confiscation des ensembles immobiliers de [Localité 3] et de [Localité 4], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille vingt-cinq.