LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 393 F-D
Pourvoi n° R 22-15.880
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
La société Affichage CLG, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 22-15.880 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [J], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société VU 360, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la Société réunionnaise d'affichage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Waguette, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Affichage CLG, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [J] et de la société VU 360, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de la Société réunionnaise d'affichage, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Waguette, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 10 novembre 2021), la société Affichage CLG, suspectant des actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle de la part d'un de ses anciens salariés, M. [J], au profit, notamment, de la société VU 360 et de la Société réunionnaise d'affichage (la société SRA), a saisi de deux requêtes similaires le président d'un tribunal judiciaire et celui d'un tribunal mixte de commerce, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner diverses mesures d'instruction au siège des deux sociétés.
2. Les requêtes de la société Affichage CLG ayant été accueillies, M. [J] et les sociétés VU 360 et SRA l'ont assignée devant le juge des référés d'un tribunal judiciaire et celui d'un tribunal mixte de commerce puis ont relevé appel des décisions les ayant déboutés de leur demande de rétractation des ordonnances sur requête.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La société Affichage CLG fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société SRA la somme de 10 000 euros en indemnisation de son préjudice au titre de la procédure abusive, alors « qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ; qu'en l'espèce, l'arrêt d'appel était infirmatif, les premiers juges ayant refusé de rétracter les ordonnances autorisant des mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que, pour condamner néanmoins la société Affichage CLG à payer à la société SRA la somme de 10 000 euros en indemnisation de son préjudice pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu que « les demandes formées à l'encontre de la société SRA l'ont été sur des affirmations non étayées ou erronées » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs ¿ relatifs à la l'existence ou à la qualité des éléments probatoires présentés ¿ impropres à caractériser des circonstances particulières faisant dégénérer en abus le droit d'agir, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
5. Il résulte de ce texte qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances
spéciales, constituer un abus, dès lors que sa légitimité a été reconnue, même partiellement, par la juridiction de premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel.
6. Pour condamner la société Affichage CLG à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient, en substance, que cette dernière a modifié son argumentation lors de l'instance en rétractation contradictoire, qu'aucun chiffre afférent aux pertes alléguées n'est conforté par des éléments comptables ni aucun lien démontré entre M. [J] et la société SRA et qu'il s'ensuit que les demandes formées à son encontre l'ont été sur des affirmations non étayées ou erronées.
7. En se déterminant ainsi, sans caractériser de circonstances spéciales justifiant la condamnation de la société Affichage CLG pour procédure abusive au sens de l'article susvisé, alors que la légitimité de son action avait été reconnue par le premier juge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Affichage CLG à payer à la Société réunionnaise d'affichage la somme de 10 000 euros en indemnisation de son préjudice au titre de la procédure abusive, l'arrêt rendu le 10 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Condamne M. [J], la société VU 360 et la Société réunionnaise d'affichage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [J], la société VU 360 et la Société réunionnaise d'affichage et les condamne à payer à la société Affichage CLG la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.