LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Cassation
Mme DURIN-KARSENTY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 371 F-D
Pourvoi n° W 23-19.730
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
La société TIB company interior, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-19.730 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud homale), dans le litige l'opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société TIB company interior, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [G], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présentes Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Sara, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 mai 2023), la société TIB Company Interior (l'employeur) a, par déclaration du 29 septembre 2020, relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes ayant requalifié la rupture du contrat de travail conclu avec Mme [G] (la salariée) en licenciement nul, jugé la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, alloué à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonné la remise de documents sociaux et fixé le salaire mensuel moyen de référence.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, alors « qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 25 février 2022, même en l'absence d'empêchement technique ; que si l'arrêté du 25 février 2022 ayant modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile dispose que Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document , cette exigence, non prévue par l'article 901 du code de procédure civile, n'est assortie d'aucune sanction ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la déclaration d'appel de la société Tib Company Interior du 29 septembre 2020, qui mentionnait uniquement que l'objet de l'appel était un : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués , comportait une annexe énonçant les chefs de jugement critiqué ; qu'en jugeant que l'absence de renvoi exprès à cette annexe dans la déclaration d'appel privait l'acte d'appel d'effet dévolutif, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 modifié par l'arrêté du 25 février 2022. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
10. Pour constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, l'arrêt relève que la déclaration d'appel du 29 septembre 2020, qui ne contient aucun renvoi à une quelconque annexe ou note jointe, mentionne que l'objet de l'appel est un « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués ». Il retient que l'annexe jointe à la déclaration, non expressément visée dans la déclaration d'appel, ne saurait prévaloir sur l'acte d'appel qui doit se suffire à lui-même. Il ajoute que le vice de forme affectant les actes d'appel n'ayant pas été rectifié par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'employeur pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1er, du code de procédure civile et ne pouvant plus être régularisé à ce jour, la cour d'appel n'est saisie d'aucun litige ni d'aucune demande, ni à titre principal ni à titre incident.
11. En statuant ainsi, alors que le document annexé à la déclaration d'appel, qui mentionnait qu'il était fait appel du jugement en ce que celui-ci requalifiait la rupture du contrat de travail en licenciement nul, jugeait la convention de forfait en jours inopposable à la salariée, allouait à cette dernière diverses sommes de natures indemnitaire et salariale, ordonnait la remise de documents sociaux, fixait le salaire mensuel moyen de référence et condamnait l'employeur au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens, précisait les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.