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29/04/2025 | FRANCE | N°52500401

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 avril 2025, 52500401


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Arrêt du 29 avril 2025








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 401 F-D


Pourvoi n° P 23-23.495


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

____




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025


M. [U] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-23.495 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 29 avril 2025

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 401 F-D

Pourvoi n° P 23-23.495

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 AVRIL 2025

M. [U] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-23.495 contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2023 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [W] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane,

2°/ à l'Unédic délégation AGS-CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H], et l'avis écrit de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er septembre 2023), M. [H] a été
engagé en qualité d'agent d'exploitation par la société Galéa Guyane, à compter du 1er juillet 2004.

2. Par un avenant du 1er novembre 2013, le contrat de travail a été transféré à la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane.

3. En mars 2019, l'employeur a perdu le marché public de surveillance, contrôle et gardiennage d'un site au profit de la société Cyno garde, laquelle a informé le salarié de l'impossibilité de transférer son contrat de travail en raison de sa carence à justifier des formations réglementaires requises.

4. L'employeur lui ayant remis le certificat de travail, un solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, fixant la rupture du contrat de travail au 31 mars 2019, le salarié a saisi le tribunal judiciaire statuant en matière prud'homale pour obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts en réparation de divers préjudices.

5. Par jugement du tribunal mixte de commerce du 20 mai 2021, l'employeur a été placé en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire, le 26 novembre 2021, la société BR associés étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la créance fixée au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que si le salarié est licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté exprimée en années complètes du salarié ; que pour limiter le montant de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à deux mois et demi de salaire, la cour d'appel a retenu qu'il convenait de tenir compte de l'ancienneté du salarié, laquelle était de quinze ans et neuf mois, ainsi que du fait que la société employait moins de onze salariés, le cadre légal prévoyant selon l'article L. 1235-3 du code du travail une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés contre un plafond indemnitaire fixé entre trois et dix mois de salaire pour les sociétés employant plus de cinquante salariés ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'à partir de onze ans d'ancienneté, le plancher d'indemnisation est strictement identique, quel que soit l'effectif de l'entreprise, et que pour un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise est de quinze années complètes, le montant minimal de l'indemnité est de trois mois de salaire et le montant maximal est de treize mois de salaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

8. Aux termes de ce texte, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux sont fixés jusqu'à dix ans d'ancienneté.

9. Il en résulte qu'à partir de la onzième année complète d'ancienneté, le montant minimal de l'indemnité est celui qui est fixé au tableau annexé à l'alinéa 2 de ce texte, en fonction de la durée de l'ancienneté, quel que soit l'effectif de l'entreprise.

10. Pour fixer à deux mois et demi de salaire le montant de la créance d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le cadre légal de l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité minimale de deux mois et demi de salaire pour les sociétés ayant moins de onze salariés. Il constate que l'ancienneté du salarié est de quinze ans et neuf mois et relève qu'il convient de tenir compte de l'ancienneté et du fait qu'il s'agit d'une société qui employait moins de onze salariés. Il retient que compte tenu des éléments produits, il est justifié de fixer l'indemnité à deux mois et demi de salaire.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'ancienneté du salarié était de quinze années complètes, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier alors « que le paiement des cotisations sociales obligatoires afférentes à la rémunération des salariés, qu'elles soient d'origine légale ou conventionnelle, est pour l'employeur une obligation résultant de l'exécution du contrat de travail ; qu'il appartient à l'employeur, seul redevable des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter, notamment par la production de pièces comptables, la preuve du paiement de celles-ci et que le bulletin de paie ne fait pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation ; que pour rejeter la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Cos des dommages-intérêts pour non-reversement des cotisations de retraite pour l'année 2017, la cour d'appel a retenu que le salarié n'établissait pas le défaut de paiement des cotisations salariales, que le retard des paiements des cotisations sociales n'emportait aucun préjudice pour les salariés quant aux heures réalisées et aux cotisations qui allaient être retenues et que seul l'exercice d'heures supplémentaires non déclarées et non soumises à déclaration et cotisations aurait été susceptible de porter préjudice quant à la comptabilisation des droits à la retraite du salarié et que tel n'était toutefois pas le cas ; que la cour d'appel a retenu encore, par motifs adoptés, que l'arrêté de situation comptable émanant de l'assurance retraite, dont la dernière ligne comptable produite était relative à l'année 2018, était informatif et insuffisant à établir les allégations du salarié, qu'il convenait de tenir compte du délai de latence administrative pouvant exister entre deux inscriptions comptables, que la teneur du jugement du tribunal mixte de commerce en date du 20 mai 2021 procédant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire corroborait cette analyse en ce que la date provisoire de l'état de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2021, soit postérieurement à la rupture du contrat de travail fixée au 31 mars 2019, et que même si l'état du passif de la société Cos comportait environ 80,4 % de dette déclarée contractée auprès de la CGSS et de l'AG2R La Mondiale, le salarié ne démontrait pas la réalité effective du prétendu défaut de paiement de cotisations sociales sur la période antérieure au 1er janvier 2021, date de fixation provisoire de l'état de cessation de paiement ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des cotisations sociales pour l'année 2017, et qu'il résultait du relevé de carrière d'août 2019 que la caisse de retraite avait pris en compte les paiements pour les années antérieures et postérieures à 2017, ce qui excluait nécessairement toute latence administrative pour les cotisations de l'année 2017, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1353 du code civil, L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale :

13. Il résulte de ces textes qu'il appartient à l'employeur, seul débiteur des cotisations et contributions sociales assises sur la rémunération du salarié, de rapporter la preuve du paiement de celles-ci.

14. Pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant du non versement des cotisations de retraite, l'arrêt retient que le salarié échoue à rapporter la preuve de la matérialité des faits reprochés.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la cassation à intervenir sur le troisième moyen et/ou le quatrième moyen entraînera la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif se rapportant au rejet de la demande de fixation au passif de la société Cos d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier pour non versement des cotisations de retraite entraîne la cassation du chef de dispositif qui déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la créance d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, représentant l'employeur, aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane, représentée par la société BR associés, liquidateur judiciaire, au profit de M. [H] la somme de 5 397,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il déboute M. [H] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier et pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 1er septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne autrement composée ;

Condamne la société BR associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie opérationnelle de sécurité de Guyane, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BR associés, ès qualités, à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-neuf avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500401
Date de la décision : 29/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 01 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 avr. 2025, pourvoi n°52500401


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500401
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