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10/04/2025 | FRANCE | N°22500348

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 avril 2025, 22500348


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


AF1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 avril 2025








Rejet




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 348 F-D


Pourvoi n° S 22-24.759








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025


Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-24.759 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

AF1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 avril 2025

Rejet

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 348 F-D

Pourvoi n° S 22-24.759

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

Mme [O] [W], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 22-24.759 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Limousin, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Limousin, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 octobre 2022), l'URSSAF du Limousin (l'URSSAF) a adressé à Mme [W] (la cotisante), le 26 novembre 2018, un appel de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2017, au titre de la protection universelle maladie.

3. La cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, cinquième et sixième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. La cotisante fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de dire qu'elle est redevable du montant de la cotisation subsidiaire maladie réclamé par l'URSSAF, alors :

« 2° / que les dispositions de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, doivent, en l'absence de tout mécanisme de plafonnement, être considérées comme illégales et notamment comme méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques et la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC) ; que l'annulation de ce texte, qui sera prononcée par le Conseil d'Etat saisi par la voie d'une question préjudicielle, privera de fondement juridique la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2016 ;

3°/ que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-349 du 23 avril 2019, diminue le taux de la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et prévoit un plafonnement des montants dus ; que l'article 3 du décret du 23 avril 2019 prévoit toutefois que le nouvel article D. 380-1 précité « s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019 » ; que cet article 3 doit en conséquence être déclaré illégal, en ce qu'il laisse subsister, pour les cotisations dues au titre des années 2016 à 2018, un mécanisme de calcul ne prévoyant aucun plafonnement, en méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques et de la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC) ; que l'annulation de ce texte, qui sera prononcée par le Conseil d'Etat saisi par la voie d'une question préjudicielle, privera de fondement juridique la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2016 ;

4° / qu'en laissant subsister un prélèvement obligatoire fondé sur un texte méconnaissant le principe d'égalité devant les charges publiques et la réserve d'interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti la déclaration de conformité de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735 QPC), la cour d'appel a méconnu le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

6. En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de porter une appréciation sur la légalité d'un acte administratif.

7. Aux termes de l'article 49, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative.

8. Selon l'article L. 380-2, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, la cotisation subsidiaire maladie est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

9. Par sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve suivante : « la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

10. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du même code, prévoit que la cotisation subsidiaire maladie est due par les assurés dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale et qu'elle s'applique, au taux de 8 %, à la part des revenus du patrimoine excédant 25 % du même plafond. En outre, l'abattement d'assiette prévu en application du cinquième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale équivaut à appliquer aux revenus du patrimoine un taux de cotisation décroissant de façon linéaire de 8 à 0 % en fonction du montant des revenus professionnels lorsque ceux-ci sont compris entre 5 et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

11. Le Conseil d'Etat juge qu'en fixant dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en-deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 861,60 euros en 2016, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 654 euros en 2016, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (CE, 10 juillet 2019, n° 417919 ; CE, 29 juillet 2020, n° 430326).

12. Il s'en déduit que la question de la légalité de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016, au regard des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision nº 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 ne soulève pas de difficulté sérieuse.

13. Ainsi, la question de la légalité de l'article 3 du décret n° 2019-349 du 23 avril 2019 selon lequel l'article D. 380-1, dans sa rédaction issue de ce texte, s'applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019, ne soulève pas non plus de difficulté sérieuse, dès lors que les modalités de calcul de la cotisation litigieuse ont été antérieurement définies par le pouvoir réglementaire dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

14. C'est, dès lors, à bon droit que l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, fixant les taux, assiette et modalités de calcul de la cotisation, ne méconnaît ni le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789, ni les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, et qu'il convient d'appliquer ce texte à la cotisation réclamée à la cotisante au titre de l'année 2017.

15. Le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer à l'URSSAF du Limousin la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500348
Date de la décision : 10/04/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 27 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 avr. 2025, pourvoi n°22500348


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500348
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