LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 avril 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 346 F-D
Pourvoi n° Q 22-23.377
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 22-23.377 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF des Pays de la Loire, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [2], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 septembre 2022) et les productions, l'URSSAF des Pays de la Loire a adressé à la société [2] (le donneur d'ordre) une lettre d'observations le 24 novembre 2015, l'avisant de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au cours de la période du 8 janvier au 11 juillet 2013, à la suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de son sous-traitant, M. [V], suivie le 5 février 2016, d'une mise en demeure.
2. Le donneur d'ordre a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement relatif à l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, ainsi que la mise en demeure subséquente, et de la condamner à rembourser au donneur d'ordre les sommes versées à ce titre, alors :
« 1°/ que l'URSSAF n'est tenue de produire le procès-verbal de travail dissimulé devant le juge qu'en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document ; qu'en l'espèce, la société donneuse d'ordre s'est bornée à soutenir dans ses conclusions d'appel n'avoir « jamais eu connaissance de quelque façon que ce soit d'un travail dissimulé commis par [le sous-traitant] » ; qu'elle ne contestait ni l'existence, ni le contenu du procès-verbal de travail dissimulé mentionné par la lettre d'observations adressée par l'URSSAF ; qu'en se contentant de relever que la contestation de la société portait sur l'existence d'un travail dissimulé - et non du procès-verbal de travail dissimulé - pour reprocher à l'URSSAF de n'avoir pas produit le procès-verbal de travail dissimulé et en déduire que le redressement devait être annulé, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile, L. 8222-1 et L. 8222-2, alinéa 2, du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence de production du procès-verbal de travail dissimulé, sans inviter l'URSSAF à produire cette pièce si elle apparaît nécessaire pour trancher le litige ; qu'en reprochant à l'URSSAF l'absence de production aux débats du procès-verbal de travail dissimulé pour en déduire que le redressement devait être annulé, sans avoir invité l'organisme à produire ladite pièce, la cour d'appel a violé les articles 8, 10 et 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
5. Selon l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.
6. Il se déduit de ces textes que si la mise en oeuvre de la sanction prévue par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale à l'égard du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de celui-ci.
7. Ayant constaté que l'URSSAF s'était abstenue de produire le procès-verbal de constat de travail dissimulé établi à l'encontre du cocontractant alors que le donneur d'ordre contestait la régularité de la procédure à défaut de communication de ce document, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'ordonner la production de cette pièce, en a exactement déduit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales dont avait bénéficié ce dernier devait être annulé.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF des Pays de la Loire aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF des Pays de la Loire et la condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.