LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 avril 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 244 F-D+R
Pourvoi n° U 23-12.529
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M.[C].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 06 janvier 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025
M. [W] [C], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 23-12.529 contre l'ordonnance rendue le 16 décembre 2022 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la préfecture de la Gironde, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Bordeaux, domicilié en son parquet général, [Adresse 5],
3°/ au centre hospitalier spécialisé de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [C], et l'avis de M. Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 16 décembre 2022), et les pièces de la procédure, par arrêté du préfet de la Gironde du 31 janvier 2005, M. [C] a été hospitalisé d'office au centre hospitalier de [Localité 2], au sein de l'Unité pour Malades Difficiles (UMD) et par une ordonnance de non-lieu du 27 août 2007, déclaré pénalement irresponsable en raison de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits pour lesquels il était poursuivi. La mesure d'hospitalisation d'office, devenue mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, a été depuis renouvelée et s'est poursuivie au sein de la même UMD.
2. Le 4 avril 2022, le préfet de la Gironde a saisi le juge des libertés et de la détention d'une prolongation de la mesure d'hospitalisation complète et M. [C] a demandé son transfert dans une unité hospitalière générale.
3. Par ordonnance du 9 juin 2022, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète et ordonné la mainlevée du placement en UMD.
4. Par ordonnance du 17 juin 2022, le premier président de la cour d'appel a infirmé cette décision en ce qu'elle avait ordonné la mainlevée du placement en UMD et déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de cette demande. Un pourvoi a été formé par M. [C] (n° 22.21-743).
5. Le 20 octobre 2022, M. [C] a saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande du 18 août 2022 de sortie de l'UMD et d'injonction au préfet, sous astreinte, de procéder à la mainlevée de son placement en UMD.
6. Le 24 novembre 2022, le préfet de la Gironde a saisi le juge des libertés et de la détention d'une nouvelle demande de prolongation de la mesure de soins psychiatriques et M. [C] a demandé à nouveau son transfert dans une unité de psychiatrie générale.
7. Par ordonnance du 7 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention a constaté l'incompétence du juge judiciaire pour décider d'un transfert de M. [C] dans une unité de psychiatrie générale et autorisé son maintien en hospitalisation complète.
8. Par ordonnance du 16 décembre 2022, le premier président de la cour d'appel a confirmé cette décision. Un pourvoi a été formé par M. [C] (n° 23-12.529).
9. Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal administratif a renvoyé au Tribunal des conflits, sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence.
10. Par arrêt du 3 juillet 2023, le tribunal des conflits a dit que le juge judiciaire était compétent pour connaître du litige opposant M. [C] au préfet et pour statuer sur sa demande de mainlevée du placement en UMD et déclaré nulle et non avenue l'ordonnance du 17 juin 2022 et renvoyé la cause et les parties devant le premier président de la cour d'appel (TC, 3 juillet 2023, n° 4279, publié).
11. Par arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation a jugé que le pourvoi n° 22-21.743 était devenu sans objet.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
12.M. [C] fait grief à l'ordonnance du 16 décembre 2022 de déclarer le juge judiciaire incompétent pour statuer sur sa demande, alors « qu'il résulte des articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3216-1 du code de la santé publique, interprétés à l'aune de l'article 66 de la Constitution, qui confie à l'autorité judiciaire le rôle de gardienne de la liberté individuelle, que le juge des libertés et de la détention est compétent pour se prononcer sur le maintien ou la mainlevée du placement d'un individu en Unité pour Malades Difficiles compte tenu du caractère particulièrement attentatoires aux libertés individuelles de cette mesure, comme le Tribunal des conflits a vocation à le confirmer dans sa décision n° 4279 susceptible d'être rendue le 3 juillet 2023 ; qu'en se déclarant incompétente sur la demande présentée par M. [C] tendant à obtenir son transfert de l'Unité pour Malades Difficiles vers une unité de psychiatrie générale, la juridiction du premier président de la 2e chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a violé les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et les articles L. 3211-12, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3222-1 du code de la santé publique :
13. Il résulte de la décision du Tribunal des conflits précitée que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur la demande de M. [C] de mainlevée du placement en UMD et de transfert dans une unité psychiatrique générale.
14. L'ordonnance déclare la juridiction judiciaire incompétente pour statuer sur cette demande.
15. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 décembre 2022, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;
Renvoie l'affaire et les parties devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.