LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 194 F-D
Pourvoi n° U 23-22.212
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
L'établissement public d'aménagement de [Localité 4]-Euratlantique, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 23-22.212 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Etablissements Boyé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ au commissaire du gouvernement, dont le siège est [Adresse 6] des [Adresse 7] publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département [Adresse 5] la Gironde[Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'établissement public d'aménagement de [Localité 4]-Euratlantique, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Etablissements Boyé, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 septembre 2023), par arrêté du 17 juillet 2017, le préfet de la Garonne a déclaré d'utilité publique le projet d'acquisition des terrains nécessaires à l'aménagement de la zone d'aménagement concerté « Garonne-Eiffel ».
2. Par un arrêté préfectoral du 13 janvier 2021, la parcelle appartenant à la société Etablissement Boyé a été déclarée cessible au profit de l'établissement public d'aménagement [Localité 4] Euratlantique (l'EPA).
3. L'ordonnance d'expropriation est intervenue le 30 mars 2021.
4. Faute d'accord, l'EPA a saisi le juge de l'expropriation en fixation du montant des indemnités de dépossession.
Sur le moyen relevé d'office
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :
6. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
7. Aux termes du second, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
8. La Cour de cassation jugeait, en matière d'expropriation, que l'appelant qui dépose les pièces produites au soutien de son mémoire après l'expiration du délai prévu pour conclure, était déchu de son appel (3e Civ., 29 février 2012, pourvoi n° 10-27.346, publié).
9. Il est désormais jugé que la caducité de la déclaration d'appel n'est encourue que lorsque l'appelant n'a pas conclu dans le délai prévu par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le défaut de communication des pièces dans ce délai n'étant sanctionné que par leur irrecevabilité lorsque le juge estime qu'elles n'ont pas été communiquées en temps utile (3e Civ., 16 janvier 2025, pourvoi n° 23- 20.925, publié).
10. Ces nouvelles règles de procédure, en ce qu'elles garantissent l'accès au juge, sont d'application immédiate.
11. Pour déclarer caduc l'appel de l'EPA, la cour d'appel constate que celle-ci n'a pas déposé les pièces produites au soutien de son mémoire dans le délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Etablissement Boyé aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.