LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 23-85.081 F-D
N° 00362
GM
2 AVRIL 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 AVRIL 2025
M. [X] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 5 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 4 juillet 2023, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs, notamment, de détournement de biens publics, abus de confiance, recel, blanchiment aggravé, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [Z], les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de l'Etat du Liban et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Suivant réquisitoire introductif du 2 juillet 2021, une information contre personne non dénommée a été ouverte des chefs susvisés.
3. Par ordonnance du 30 mars 2022, le juge d'instruction a ordonné le maintien de la saisie, opérée par procès-verbal du 25 mars 2022, du solde créditeur, d'un montant de 93 441, 13 euros, du compte bancaire dont M. [X] [Z] et Mme [S] [B], son épouse, sont titulaires au sein de la banque [1].
4. M. [Z] et Mme [B] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné le maintien la saisie du solde créditeur du compte [XXXXXXXXXX04] dont M. [X] [Z] est titulaire à la banque [1], alors « que lorsque la chambre de l'instruction statue sur le recours du tiers appelant sur le maintien de la saisie de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire, les mentions de l'arrêt doivent énoncer que le tiers appelant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées sur lesquelles la chambre de l'instruction se fonde pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires, ainsi qu'identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, chacune des pièces mises à disposition de l'avocat du tiers appelant ; qu'en l'espèce, l'arrêt se borne à mentionner que « les réquisitions du procureur de la République financier du 22 mars 2022 ont été versées au dossier de la chambre de l'instruction » et que « le dossier comprenant le réquisitoire écrit de M. le procureur général en date du 25 octobre 2022, a été déposé au greffe de la Chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties » ; que les mentions de l'arrêt n'énoncent pas que l'exposant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il contestait et aux pièces précisément identifiées - notamment les résolutions du Comité central de la [2], le détail des comptes de la société [3] et les ordres de virement (swift) - sur lesquelles la chambre de l'instruction s'est fondée pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires et n'identifient pas, directement ou par renvoi à un inventaire, chacune des pièces mises à disposition de l'avocat de l'exposant ; que, partant, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 706-154 du code de procédure pénale ainsi que les principes précités. »
Réponse de la Cour
7. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que, le 16 décembre 2022, le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général en date du 25 octobre 2022 a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des tiers appelants et des parties civiles, et que le versement au dossier de l'avis du procureur national financier du 22 mars 2022 a été autorisé par arrêt avant dire droit du 7 mars 2023.
8. Les juges retiennent que M. [M] [Z], gouverneur de la [2], aurait obtenu du comité central de celle-ci l'autorisation de rédiger un contrat entre cette institution et la société [3], de sorte qu'il a fait transiter plus de 326 000 000 dollars d'un compte libanais vers un compte de la société [3].
9. Ils relèvent que M. [X] [Z], son frère, est déclaré comme étant le bénéficiaire économique de cette société.
10. Ils précisent que M. [M] [Z] a participé aux délibérations litigieuses et a signé les décisions de la [2] en relation avec le versement de commissions à la société [3].
11. Ils ajoutent qu'il existe une contradiction entre le montant des commissions perçues et le plafond d'autorisation ou d'acceptation des certificats de dépôt, ainsi que des anomalies dans les décisions de la [2] liées à des dépassements de plafonds de commissions, des discordances entre les numéros des résolutions portés sur les ordres de virement (swift) et les opérations définies dans lesdites résolutions.
12. Ils exposent que les comptes suisses de M. [X] [Z], crédités par des fonds provenant de la société [3], ont ensuite été débités au profit notamment de société londoniennes et des comptes libanais de l'intéressé.
13. Ils en déduisent qu'il existe à l'encontre de M. [X] [Z] des indices graves ou concordants de commission de faits de recel et de blanchiment de détournements de fonds publics et d'abus de confiance.
14. En cet état, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer que le tiers appelant, d'une part, a eu accès aux pièces auxquelles il peut prétendre en application de l'article 706-154 du code de procédure pénale, d'autre part, a eu communication, le cas échéant, de celles auxquelles la chambre de l'instruction est tenue de lui donner accès pour le respect du principe du contradictoire.
15. Toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent.
16. D'une part, si, lorsque la chambre de l'instruction s'appuie, pour justifier la mesure, sur des pièces précisément identifiées de la procédure, elle est tenue de s'assurer que celles-ci ont été communiquées à l'appelant, en l'espèce il ne ressort pas, au-delà du rappel des faits, des motifs décisoires de l'arrêt que les juges se soient fondés sur des pièces précisément identifiées de la procédure qui n'auraient pas été communiquées à l'appelant. Dès lors, la chambre de l'instruction n'était pas tenue de donner communication aux avocats du tiers appelant des pièces mentionnées au moyen.
17. D'autre part, dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, le demandeur a fait état de l'ordonnance de saisie, qu'il a analysée pour en tirer les moyens de sa cause.
18. Enfin, il n'allègue pas qu'il n'aurait pas eu accès aux autres pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste.
19. Ainsi, le moyen ne peut être accueilli.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.