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02/04/2025 | FRANCE | N°52500358

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 2025, 52500358


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 avril 2025








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 358 F-D


Pourvoi n° K 23-22.158








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025


M. [D] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-22.158 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2023 par la cour d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 avril 2025

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 358 F-D

Pourvoi n° K 23-22.158

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025

M. [D] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 23-22.158 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Forlam clôture industrie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Girardot industrie,

2°/ à la société Girardot industrie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [W], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Forlam clôture industrie, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [W] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Girardot industrie et de son désistement partiel du pourvoi dirigé contre la société Forlam clôture industrie sur le premier moyen de cassation.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 29 septembre 2023), M. [W] a été engagé le 23 février 2011 en qualité de délégué régional par la société Girardot industrie, aux droits de laquelle vient la société Forlam clôture industrie.

3. Le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence.

4. Le salarié a démissionné le 23 mars 2019 et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Énoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la clause de non-concurrence est licite, de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à payer à l'employeur une somme au titre du remboursement de l'indemnité de non-concurrence versée à tort, alors « que la clause de non-concurrence, qui porte atteinte au principe fondamental de la liberté du travail, n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; qu'est illicite une clause qui a pour conséquence d'interdire au salarié d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle ; qu'en l'espèce, M. [W] faisait valoir que la clause lui interdisait toute activité liée à la fabrication et/ou le négoce de grillages, clôtures, portails et équipements de protection périphérique, alors même qu'il s'agissait de son activité exclusive depuis quasiment trente ans, M. [W] ayant commencé à travailler dès 1991 comme commercial, puis chargé d'affaire dans le secteur de la clôture, de sorte que l'application de la clause revenait à lui interdire de travailler et d'occuper un emploi conforme à son expérience et à sa formation ; qu'en jugeant que ''la clause litigieuse, limitée dans le temps, ne s'appliquait qu'aux activités de fabrication et/ou négoce de grillages, clôtures, portails et équipements périphériques, ce qui permettait au concluant, âgé d'à peine 51 ans, de trouver un autre emploi dans l'ensemble des autres secteurs économiques, tant en France qu'à l'étranger. Il en résulte qu'en l'absence d'atteinte disproportionnée à ses libertés constitutionnellement protégées la clause, instituée pour la protection des intérêts légitimes de l'employeur confronté à une intense concurrence dans son secteur d'activité, ne peut être annulée'', sans rechercher, comme il lui était demandé, si au regard de la formation et de l'expérience professionnelle de M. [W], qui avait exclusivement travaillé dans le secteur de la fabrication et négoces de grillages, clôtures, portails et équipements périphériques depuis plus de trente ans, le salarié ne se trouvait pas dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et l'article L. 1121-1 du code du travail :

6. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

7. Pour dire la clause de non-concurrence licite et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que la clause litigieuse, limitée dans le temps, ne s'appliquait qu'aux activités de fabrication et/ou le négoce de grillages, clôtures, portails et équipements périphériques ce qui permettait au concluant, âgé d'à peine 51 ans, de trouver un autre emploi dans l'ensemble des autres secteurs économiques, tant en France qu'à l'étranger, et qu'en l'absence d'atteinte disproportionnée à ses libertés constitutionnellement protégées, la clause, instituée pour la protection des intérêts légitimes de l'employeur confronté à une intense concurrence dans son secteur d'activité, ne peut être annulée.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, par l'effet de la clause, le salarié se trouvait dans l'impossibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une somme au titre de l'utilisation de son domicile à titre professionnel, alors « que tout salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ; qu'en l'espèce, M. [W] sollicitait que l'employeur soit condamné à lui verser la somme de 3 300 euros au titre de l'utilisation de son domicile à titre professionnel correspondant à une indemnité de 150 euros mensuelle, en faisant valoir que le travail à domicile était inhérent aux conditions d'exercice de ses fonctions de salarié itinérant, que son contrat indiquait en effet qu'il devait traiter les appels d'offres, établir les devis, prendre les commandes et en suivre la réalisation, qu'aucun bureau n'était mis à sa disposition au sein de l'entreprise pour qu'il réalise ces tâches administratives, qu'il devait ainsi les exercer à son domicile où il utilisait une pièce de 10 mètres carrés comme bureau et où il devait recharger son ordinateur portable et avoir une connexion internet ; que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel a retenu par motifs propres, ''que ses activités étaient par nature itinérantes, qu'aucun télétravail n'a été convenu entre les parties et qu'il était doté d'un matériel de communication et d'un véhicule de fonction fournis par l'employeur'' et, par motifs éventuellement adoptés, que le salarié avait son adresse dans son secteur géographique, que l'article 10 de son contrat de travail prévoyait le remboursement des frais professionnels en cas de déplacement en France ou à l'étranger, que la société avait mis à sa disposition un véhicule de fonction et que le salarié n'avait aucune obligation d'utiliser son domicile à titre professionnel ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à rejeter la demande d'indemnisation du salarié au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'elle ne constatait pas qu'un local professionnel avait été mis à la disposition du salarié itinérant au sein de l'entreprise pour accomplir ses tâches administratives, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du code du travail :

10. Selon le premier de ces textes, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

11. Selon le second, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

12. Il en résulte que l'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée de sorte qu'il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ou qu'il a été convenu que le travail s'effectue sous la forme du télétravail.

13. Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité au titre de l'occupation de son domicile personnel à des fins professionnelles, l'arrêt retient, que le salarié ne justifie de l'engagement d'aucune dépense liée à l'occupation d'un logement personnel ni d'aucune activité accomplie depuis un tel logement. Il ajoute que ses activités étaient par nature itinérantes, qu'aucun télétravail n'a été convenu entre les parties et qu'il était doté d'un matériel de communication et d'un véhicule de fonction fournis par son employeur.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur avait mis à la disposition du salarié un local professionnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

15. Lorsqu'une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite peut prétendre au paiement d'une indemnité en réparation du fait que l'employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle de sorte que l'employeur n'est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui a été respectée. Toutefois, l'employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s'est effectivement appliquée, est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie.

16. La cour d'appel ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait violé son engagement en exerçant une activité concurrente de celle de son employeur, la cassation des chefs de dispositif ayant dit la clause licite et débouté le salarié de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence ne s'étend pas au chef de dispositif ayant condamné le salarié à payer à l'employeur une somme au titre de la restitution de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. [W] à payer à la société Girardot industrie, aux droits de laquelle vient la société Forlam clôture industrie, la somme de 24 768,38 euros au titre du remboursement de l'indemnité de non-concurrence, l'arrêt rendu le 29 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Forlam clôture industrie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Forlam clôture industrie et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500358
Date de la décision : 02/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 2025, pourvoi n°52500358


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500358
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