LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 166 F-D
Pourvoi n° E 23-22.383
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
M. [G] [X], domicilié [Adresse 6], a formé le pourvoi n° E 23-22.383 contre l'arrêt rendu le 24 août 2023 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Océanienne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Mme [O] [J] [K], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à Mme [B] [J] [K] veuve [I], domiciliée [Adresse 3],
4°/ à Mme [L] [J] [K], domiciliée [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Oppelt, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Capron-Maman, avocat de M. [X], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société civile immobilière Océanienne, de Mmes [O], [B] et [L] [J] [K], après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Oppelt, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 24 août 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 30 juin 2021, pourvoi n° 20-15.919), le 19 octobre 1993, [A] [J], aux droits de laquelle se trouvent ses trois filles, [L], [O] et [B] [J] [K], et la société civile immobilière Océanienne (les bailleresses), ont donné en location à M. [X] (le locataire) une parcelle de terre, une partie d'un bâtiment et un parking à usage commercial, pour y exploiter un centre d'animation, le locataire étant autorisé à prolonger le bâtiment côté ouest pour y construire notamment un snack.
2. Le 14 octobre 2015, les bailleresses ont assigné le locataire en résolution du bail, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation lui faisant notamment grief d'exploiter un restaurant aux lieu et place d'un snack autorisé par le bail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le locataire fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de bail commercial, d'ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef, de dire que les constructions qu'il a édifiées demeurent la propriété des bailleresses, de le condamner à payer une indemnité d'occupation et de rejeter ses demandes en paiement, alors :
« 1°/ qu'un snack constituant une forme de restauration, un contrat de bail commercial, qui autorise le preneur à construire un snack sur les lieux loués, sans comporter une quelconque restriction quant aux plats servis, au type de restauration ou au sujet de la vente d'alcool, ni limiter l'activité de ce snack à la restauration sur place ou à la restauration à emporter, l'autorise à exploiter un commerce de restauration, aussi bien sur place qu'à emporter, où de l'alcool est servi aux clients, et ce quels que soient les plats qui y sont servis ou son type de restauration ; qu'en énonçant, en conséquence, pour prononcer la résiliation du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993, que l'activité de restauration développée au sein du snack-restaurant « [5] » dépassait la confection et la mise à disposition de plats locaux traditionnels, que les plats qui y étaient proposés à la clientèle relevaient d'un type de restauration bien plus sophistiquée que celle pouvant être servie dans un snack, que c'était bien en réalité une activité de restaurant qui était exercée dans le snack-restaurant « [5] », que l'exploitante de ce snack-restaurant détenait une licence de 6e classe permettant de servir du vin ou de la bière à table pendant les repas et que l'activité de restauration exercée au sein de cet établissement était donc totalement différente de ce qui avait été initialement convenu entre les parties, sans que M. [G] [X] en ait informé les bailleresses, quand le contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993 accordait à M. [G] [X] le droit de prolonger le bâtiment existant côté ouest pour y construire un snack, sans comporter une quelconque restriction quant aux plats servis, au type de restauration ou au sujet de la vente d'alcool, ni limiter l'activité de ce snack à la restauration sur place ou à la restauration à emporter, la cour d'appel s'est fondée sur ces circonstances inopérantes et a violé, en conséquence, les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause ;
2°/ que le juge a l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des document de la cause ; qu'en énonçant, pour prononcer la résiliation du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993, que M. [V] [Y], huissier de justice, avait établi le 23 avril 1995, un constat, à la demande des consorts [J] [K], décrivant qu'à l'ouest du bâtiment existant, un snack restaurant était ouvert sous l'enseigne « [5] » avec une capacité de 70 couverts, quand le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi par M. [V] [Y], qui était produit par les parties et auquel elle faisait référence, datait du 23 avril 2015, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de constat d'huissier de justice établi par M. [V] [Y] le 23 avril 2015, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et du principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des document de la cause ;
3°/ que le juge a l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des document de la cause ; qu'en énonçant, pour prononcer la résiliation du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993, que, le 29 janvier 1996, M. [G] [X] avait fait établir un constat par Mme [W], huissier de justice, qui décrivait la salle de sport et de fitness, puis le « snack [5] », qui était composé de deux modules, le premier à usage de salle de restauration et de cuisine et le second à usage de sanitaire et de stockage, quand le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi par M. [M] [W], qui était produit par M. [G] [X] et auquel elle faisait référence, datait du 29 janvier 2016, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de constat d'huissier de justice établi par M. [M] [W] le 29 janvier 2016, en violation des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et du principe selon lequel le juge a l'interdiction de dénaturer les termes clairs et précis des document de la cause ;
4°/ que si l'acte introductif d'instance suffit, pour l'exercice de l'action en résiliation ou résolution judiciaire d'un contrat à mettre en demeure la partie défenderesse d'exécuter ses obligations contractuelles, sans qu'il soit nécessaire de faire précéder cet acte d'une sommation ou d'un commandement, il appartient au juge, pour apprécier si le manquement de la partie défenderesse est suffisamment grave pour justifier la résiliation ou la résolution judiciaire du contrat, de prendre en considération toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de sa décision ; qu'en énonçant, par conséquent, pour prononcer la résiliation du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993, que si M. [G] [X] n'avait pas été mis en demeure au préalable de respecter les clauses du bail, l'introduction de la présente instance ne l'avait pas pour autant amené à régulariser la situation tenant à l'exercice dans les lieux loués d'une activité prétendument différente de celle prévue par le bail, sans prendre en considération les circonstances, dont elle relevait l'existence, que, par un jugement en date du 5 décembre 2017, le tribunal civil de première instance de Papeete avait débouté la société civile immobilière Océanienne, Mme [L] [J] [K], Mme [O] [J] [K] et Mme [B] [J] [K] de l'ensemble de leurs prétentions, puis que la Cour de cassation avait cassé, en toutes ses dispositions, par un arrêt en date du 30 juin 2021, l'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 30 janvier 2020 ayant accueilli les demandes de la société civile immobilière Océanienne, de Mme [L] [J] [K], de Mme [O] [J] [K] et de Mme [B] [J] [K], qui étaient susceptibles de justifier l'absence de régularisation de la situation par M. [G] [X] pendant de nombreux mois et de rendre insuffisamment grave le manquement contractuel de M. [G] [X] qu'elle a retenu pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 1993, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui sont applicables à la cause. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a, d'abord, constaté qu'aux termes du contrat liant les parties, il avait été accordé au locataire le droit de prolonger le bâtiment côté ouest pour y construire un snack, que l'installation existante comportait une partie cuisine de 30 mètres carrés, entièrement équipée, une salle à manger de 50 mètres carrés, des toilettes indépendants, un fare pote de 16 mètres carrés et quatre petits kiosques de 6 mètres carrés chacun, ainsi qu'une parcelle de 500 mètres carrés environ entourant le snack et que celui-ci, exploité sous le nom de « snack-restaurant [5] » proposait à la clientèle une cuisine française, chinoise et de fruits de mer, composée notamment de poisson au gingembre et de ris de veau forestier.
5. Elle a, ensuite, relevé qu'il s'agissait là d'un type de restauration bien plus sophistiqué que celle pouvant être servie dans un snack.
6. Abstraction faite de l'erreur matérielle affectant la mention des dates des constats d'huissier de justice cités, sans incidence sur la solution du litige, elle a pu retenir que l'activité de restauration exercée au sein du snack-restaurant [5] était totalement différente de ce qui avait été initialement convenu par les parties, sans que le locataire en ait informé les bailleresses, que celui-ci avait modifié unilatéralement la destination des locaux loués, commettant ainsi un manquement dont elle a souverainement apprécié la gravité pour prononcer la résiliation du bail.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer à la société civile immobilière Océanienne, Mmes [L], [O] et [B] [J] [K] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.